L’être humain est souvent confronté à la maladie qui éprouve sa santé ou celle de ses proches. Son attitude intérieure lors de ses épreuves révèle sa valeur morale. Au Moyen Âge, les gens avaient peu de confort matériel, mais ils avaient un précieux réconfort : la foi en Dieu et en la vie éternelle.
Il est difficile de savoir la situation sanitaire globale du peuple français au Moyen Âge, par manque d’informations et de statistiques. Les conditions de vie pour beaucoup étaient plus rudes et moins confortables qu’actuellement, mais c’était différent suivant les métiers et les classes sociales. Dans les grandes familles, fréquentes à cette époque, de nombreuses personnes vivaient à l’étroit sous le même toit.
Les disettes dues à de mauvaises récoltes ou aux guerres pouvaient amener à de grandes famines. La nourriture insuffisante et divers autres facteurs produisaient alors un terrain favorable aux épidémies, comme la grande peste de 1347-1352, sévissant dans toute l’Europe où elle fit des millions de victimes. La mortalité infantile était élevée. Les maladies du Moyen Âge étaient les mêmes que maintenant, mais il y avait de plus la lèpre et la variole, ramenées des croisades et très virulentes dans cette période.
Le rôle de la croyance et la religion dans la compréhension de la maladie
L’Église rappelait souvent à ses fidèles les valeurs essentielles qu’il fallait suivre dans sa vie quotidienne et les mauvaises choses qu’il fallait éviter. Les chrétiens croyaient (et croient toujours) à l’immortalité de l’âme et à l’existence d’un au-delà, autant qu’à la réalité de leur corps et du monde terrestre. Au fond d’eux, ils savaient que les souffrances, les maladies et toutes autres épreuves n’étaient pas un hasard et pouvaient s’expliquer par la rétribution des péchés.

L’homme ou la femme du Moyen Âge, en acceptant cette condition humaine avec humilité et tolérance, portait sa croix, comme le Christ l’avait portée dans sa mission de guider les hommes vers leur salut. Les gens de cette époque avaient des exemples vivants de saints, tels que François d’Assise au XIIIe siècle, ayant peu de temps avant sa mort les stigmates de la Passion du Christ.
Des personnes pieuses s’exerçaient à ne pas craindre les douleurs physiques. Cependant, les Flagellants allèrent à l’extrême en s’infligeant eux-mêmes des coups et des blessures, dans un comportement dévié et l’intention d’expier rapidement leurs péchés, d’échapper à la colère de Dieu ou même de pacifier la société. Toutefois, l’état d’esprit général était d’aborder les épreuves et la maladie avec courage et confiance, de regarder en soi les fautes qu’on avait pu commettre, et de s’en remettre avec humilité à la volonté et à la bienveillance de Dieu.
Les souffrances des autres étaient regardées avec respect et compassion. Des malades, restant des mois ou des années sur un lit de souffrance, en venaient peu à peu à sublimer leur existence douloureuse. Tel fut le cas, par exemple, de Lidwine de Schiedam, qui se disait la plus heureuse des femmes. Cette jeune fille hollandaise qui voulait se consacrer à Dieu fit une chute à 15 ans sur une patinoire et resta sur son lit pendant 38 ans. Elle eut des extases mystiques, dont l’apparition du Christ en enfant crucifié. Durant les 19 dernières années de sa vie, elle se nourrissait seulement par l’Eucharistie (sacrement de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ), selon les archives religieuses.

Certains, par leur longue méditation obligée, devenaient des personnages en vue, on les admirait et on leur demandait des prières. Ils devenaient les intercesseurs de toute la misère du monde. On avait là une autre compréhension de la vie humaine, en regard de notre époque où certains préconisent le suicide assisté pour des personnes dont la vie serait trop pénible à supporter et n’aurait plus de sens.
Les personnes en bonne santé se devaient d’être charitables et fraternelles envers les malades. Parfois, l’exemple venait du roi lui-même. Quand il se rendait à l’abbaye de Royaumont, Saint Louis ne manquait jamais d’inviter à sa table un lépreux dont la face était pénible à regarder. Le roi l’appelait affectueusement « mon malade », le faisait manger et, maîtrisant son esprit, gardait lui-même bon appétit.
Des refuges bienveillants pour les malades, les personnes âgées, les pèlerins et les sans-abris
S’il y avait de tels faits qui marquaient les consciences, il y avait surtout la charité toute simple des gens riches ou moins riches, qui permit de fonder des hospices et des hôpitaux, administrés et tenus par l’Église. Dans les hospices, on accueillait des personnes âgées, des pauvres pèlerins de passage, des errants, des incurables, etc... Paris au XIIIe siècle comptait un bon nombre d’hôpitaux, dont l’Hôtel-Dieu, fondé au IXe siècle et rebâti au XIe.

Le nom d’Hôtel-Dieu était souvent donné aux hôpitaux, en référence au Christ, toujours source d’inspiration au Moyen Âge. Il avait dit : « Ce que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait ». D’ailleurs la règle de l’Hôtel-Dieu de Paris stipulait : « Recevoir les malades comme le Christ lui-même..., traiter chaque malade comme le maître de la maison. »
Ceux qui œuvraient au service de l’Hôtel-Dieu étaient des religieux et religieuses, des prêtres et des domestiques. Le personnel de l’hôpital était volontairement limité, afin que les revenus puissent être affectés avant tout à soigner de nombreux malades. Il était donc assez difficile d’y être admis pour y travailler. Quand une place devenait vacante par le décès d’un titulaire, les responsables de l’hôpital choisissaient scrupuleusement un nouveau soignant parmi les postulants.
Chaque service de l’Hôtel-Dieu avait une salle pour les maladies graves, une autre pour les moins graves et une pour les convalescents. En outre, il y avait une maternité dans la partie réservée aux femmes. Les malades étaient couchés à deux ou trois par lit. Néanmoins, les malades graves et les femmes en couches avaient un lit individuel, confort rare au Moyen Âge. Le personnel veillait à la propreté, la toilette des malades et le nettoyage de la salle étaient faits tous les matins, la lingerie changée régulièrement. La nourriture était de bonne qualité, il y avait un approvisionnement direct chez les producteurs.
Les statuts des Hôtels-Dieu ordonnaient qu’on subvienne à tous les désirs des malades, sauf ce qui était contraire à leur santé ou impossible à obtenir. Ainsi, l’esprit fraternel et dévoué des soignants et des autres membres du personnel était très développé. Les malades convalescents reprenaient leurs forces durant une période d’au moins une semaine.

Qu’en est-il des relations humaines dans nos hôpitaux actuels ? Les hôpitaux modernes se sont grandement transformés et améliorés concernant les soins médicaux aux malades, notamment en chirurgie. En revanche, les conceptions sur la maladie et la mort ont évolué, à notre époque, vers le rejet et la peur. N’est-ce pas dû essentiellement à l’abandon de la croyance en Dieu, qui renforce notre attachement à ce monde ?
La science moderne et la technologie s’imposent toujours plus dans tous les aspects de notre vie, et dans le monde médical aussi, mais n’est-ce pas une impasse quand le côté sacré et inaliénable de la vie humaine est nié ? Comment en arrive-t-on maintenant à débattre et à légiférer pour autoriser un suicide médicalement assisté, alors même qu’il y a des soins palliatifs éprouvés, la possibilité d’atténuer amplement la douleur et d’accompagner dignement la personne gravement malade ?
Inspirer confiance, réconforter et apaiser le malade
Les soins à domicile étaient pratiqués par des médecins et des chirurgiens, parfois concurrencés par des barbiers, spécialistes des saignées. Il y avait aussi de nombreux charlatans. Dans les campagnes, des religieux, mais aussi des hommes ou des femmes laïques ayant des dons naturels, un sens de l’observation ou une certaine expérience, pratiquaient un art médical empirique où se mêlaient des secrets de tisanes et d’onguents à des formules de dévotion ou de superstition. Dans les villes, les infirmiers ou infirmières étaient souvent des personnes semi-laïques, rattachés à un ordre religieux tel que dominicain ou franciscain.
La science médicale médiévale se basait sur la longue tradition des médecins grecs, latins et arabes. Les étudiants s’attachaient à un maître qu’ils suivaient auprès de sa clientèle, acquérant de la pratique. Ils suivaient des cours et lisaient les enseignements d’Hippocrate, de Galien ou d’autres médecins érudits de l’Antiquité. Les études duraient six ans avant la licence, et ensuite deux autres années d’enseignement et de pratique étaient nécessaires pour obtenir le titre de maître.

(Image : wikimedia / Paul R. Burley, CC BY-SA 4.0)
Le médecin devait être cultivé, avoir du jugement, de bonnes manières et l’esprit de la profession : « qu’il soit gracieux aux malades, bienveillant à ses compagnons, sage en ses prédictions. Soit chaste, sobre, pitoyable et miséricordieux, non convoiteux ni extorsionnaire d’argent, ainsi qu’il reçoive modérément salaire, selon le travail, les facultés du malade, la qualité de l’issue et sa dignité », rapporte Geneviève d’Haucourt dans son livre La vie au Moyen Âge.
La thérapeutique du médecin prenait en compte l’influence de l’état moral sur la condition physique. Il était primordial d’inspirer confiance au malade, de le réconforter et de l’apaiser. Dans le cas de maladies graves, il était demandé au médecin de s’assurer de la visite d’un prêtre au chevet du malade. Le médecin prescrivait un médicament spécifique ou pratiquait une intervention, mais il se préoccupait aussi de soigner l’état général du patient. Il recommandait parfois des changements d’air, de l’exercice. Il prescrivait parfois des régimes, des bains chauds, veillait au bon fonctionnement digestif, au calme et au sommeil.
Les honoraires du médecin ou du chirurgien étaient proportionnels à la fortune du malade. Ils étaient payés en argent ou en nature (oie, canard, poule, fromage ou œufs). Si le patient était vraiment très pauvre, le médecin ne prenait rien. Les médecins qui œuvraient aussi à l’Hôtel-Dieu y donnaient leurs soins gratuitement.
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.
