Catherine Benincasa, connue sous le nom de Catherine de Sienne ou Sainte Catherine de Sienne (1347-1380), est une grande mystique et une remarquable représentation du christianisme de l’époque médiévale. Dans une période troublée et guerrière de l’histoire de l’Europe et de l’Église catholique, et où sévissait la peste noire ce « fléau divin », elle a su devenir la confidente des papes, le guide de ses disciples, tout en édifiant une œuvre colossale. Cette figure médiévale, qui a vécu au temps des crises, semble devenir intemporelle et étrangement moderne. Elle a su, au cours de sa courte vie, suivre sa foi et ses visions mystiques.
Née à Sienne en Toscane, l’année où a sévi, sur pratiquement tout le territoire européen, une grande épidémie de peste noire (1347-1348), Catherine ou Caterina Benincasa, vient d’une famille modeste. Elle a très tôt, dès l’âge de 6 ans, des manifestations mystiques qui vont la conduire à dédier sa vie au Christ : dans un contexte familial plutôt fermé, voire hostile au début de sa vocation et de ses épisodes mystiques. Les témoignages que l’on peut avoir de sa vie sont issus des écrits de son confesseur, directeur spirituel et premier biographe, Raymond de Capoue (1330-1380), Raymondo delle Vigne de son nom de naissance.
Une Europe déchirée, ravagée par les guerres et la peste, une église à la veille du schisme
Au XIVe siècle, l’Italie, pays déchiré au climat politique et économique instable, voit la montée des luttes entre les citées devenues puissantes, comme Florence, Gênes ou Pises… La France et l’Angleterre vivent la Guerre de Cent ans. Le pouvoir temporel du pape est remis en question par les rois et les princes qui se prononcent contre la Bulle papale Unam Sanctam, par laquelle le pape enregistre la suprématie de l’Église sur les États. Ce refus va conduire à l’exil du Pape qui va se réfugier à Avignon en 1309, alors que la papauté continue à être présente à Rome. Par ailleurs, la peste noire apparue en 1347, sévira pendant 4 ans. Elle sera considérée comme un « fléau divin » : un châtiment divin envoyé par Dieu faisant de nombreuses victimes sur le territoire européen. Selon les sources, cette peste noire a touché entre 30 à 50 % de la population européenne. C’est dans ce contexte historique qu’apparaît Caterina Benincasa, la future Catherine de Sienne.
Après avoir rappelé que Catherine viendrait du grec « pur » katharos : terme qui sera repris par les Cathares, le site Le Jour du Seigneur, présente Catherine de Sienne en ces termes : « Elle fut dominicaine, mystique ardente et militante de la sainteté de l’Eglise. Elle vivait au XIVe siècle où l’Église, décadente et déchirée, semblait incapable de se réformer. Deux Papes s’opposaient entre Rome et Avignon. Née à Sienne en 1347, Catherine achève sa course à Rome en 1380, alors qu’elle n’avait que 33 ans. Elle n’est pas une religieuse, mais une laïque, consacrée dans le Tiers-Ordre de saint Dominique et " mantellata " : autorisée à en porter l’habit. Dans sa famille, les Benincasa à Sienne, elle mène d’abord une vie de recluse parmi les siens. Toute son existence sera marquée par la prière et la pénitence pour la sainteté de l’Eglise. Elle se veut l’épouse du Christ. Pour cette mission, elle se fera itinérante, rassemblant autour d’elle une fraternité complète : frères, sœurs et laïcs. Catherine les entraîne dans une mission à haut risque : réconcilier des villes ennemies et surtout ramener le Pape d’Avignon à Rome ».
Une femme devenue docteur de l’église
Dès son jeune âge, Catherine de Sienne sera touchée par une vie « intérieure intense ». Ainsi, selon son biographe, c’est à l’âge de six ans qu’elle a vécu ses premières expériences conscientes avec le Christ. Elle fera le vœu de demeurer chaste et de consacrer sa vie à la prière et au Christ. Avec l’adoption par sa famille d’un jeune garçon de dix ans, en 1348, Tommaso della Fonte, un « orphelin de la peste », Catherine de Sienne va intensifier sa relation mystique. Ce demi-frère va entrer au noviciat Saint-Dominique, il contribuera, dans ce sens, à favoriser l’éducation chrétienne de Catherine de Sienne et renforcer sa ferveur mystique.
Cette vie mystique se renforcera au fil du temps et lui permettra de se construire cette « cellule intérieure » entièrement consacrée au Christ qui renforcera son « lien » et son « union avec le Christ » : jusqu’à vivre les stigmates de la Passion du Christ ou encore ces moments de béatitudes et de communion avec le Christ qui lui permettra de dicter ses écrits à ses disciples, car Catherine de Sienne est pratiquement analphabète.
Ces dialogues seront retranscrits par ses disciples. Ils seront publiés sous le nom de Dialogues, Traité de la Divine Providence, Livre de la Divine Doctrine, Livre de la Divine révélation. Ces écrits, au vu de l’importance qu’ils ont pu avoir dans le christianisme, ont amené à la nomination de Catherine de Sienne en tant que Docteur de l’Église. Cette consécration sera prononcée par le pape Paul VI le 3 octobre 1970. Selon la définition de la conférence des évêques de France, « l’Eglise attribue officiellement ce titre à des théologiens auxquels elle reconnaît une autorité particulière de témoins de la doctrine, en raison de la sûreté de leur pensée, de la sainteté de leur vie, de l’importance de leur œuvre ».
Une mystique reconnue sainte
L’engagement de Catherine de Sienne tel que retranscrit par Raymond de Capoue, repose sur une attitude mystique qui est basée sur le don d’amour et l’abnégation de Catherine de Sienne. Elle placera l’intérêt du Christ et de l’Église avant toute chose. Pour autant, Catherine de Sienne, selon ses biographes, donne une place centrale à la « connaissance de soi-même et de Dieu ». Cette connaissance doit conduire aussi à l’amour du prochain, qui doit être aimé comme un autre soi. Selon ses biographes, Catherine de Sienne affirme que : « Contemplant en elle-même l’effet de l’amour infini et voyant l’image qu’est la créature, elle trouve Dieu en son image. Cet amour que Dieu lui porte, elle le voit s’étendre à toute créature, et cela la force aussitôt à aimer le prochain comme soi-même, puisque Dieu l’aime souverainement ». Elle décrit ainsi une véritable ouverture à l’autre.
Mais cette pratique a aussi un rôle que Catherine de Sienne va décrire dans la « doctrine du Pont », dans son œuvre Le Dialogue. Cette pratique de la connaissance de soi et des vertus qui en découlent vont concourir à franchir le Pont. Cette étape va permettre de ne pas se laisser emporter par les flots des désirs non contrôlés « comme l’avarice, la concupiscence charnelle, l’orgueil, l’injustice et le mensonge qui conduisent à l’enfer ».
Pour Catherine de Sienne, l’homme est à l’image de Dieu, c’est par sa volonté et le désir de Dieu que l’homme peut ne pas succomber aux tentations : « Personne ne peut avoir peur d’aucune bataille, d’aucun assaut du démon, parce que j’ai fait de tous des forts. Je leur ai donné une volonté intrépide, en trempant dans le sang de mon Fils. Cette volonté, ni démon, ni aucune puissance créée ne peuvent l’ébranler. Elle est à vous, uniquement à vous, c’est Moi qui vous l’ai donnée avec le libre arbitre. C’est donc à vous qu’il appartient d’en disposer, par votre libre arbitre, et de la retenir ou de lui lâcher la bride suivant ce qu’il vous plait. La volonté, voilà l’arme que vous livrez vous-même aux mains du démon : elle est vraiment le couteau avec lequel il vous frappe, avec lequel il vous tue. Mais si l’homme ne livre pas au démon ce glaive de la volonté, je veux dire s’il ne consent pas aux tentations, à ses provocations, jamais aucune tentation ne pourra le blesser et le rendre coupable de péché : elle le fortifiera au contraire, lui faisant comprendre que c’est par amour que je vous laisse tenter, pour vous faire aimer et pratiquer la vertu. »
Le pape Pie II lui accorde la reconnaissance de Sainte le 29 juin 1461. La reconnaissance des stigmates de Catherine de Sienne sera validée par le pape Urbain VIII. Le pape Pie IX fera de Catherine de sienne la co-patronne de Rome le 1er avril 1866 et avec Pie XII elle sera nommée patronne de l’Italie en 1939. Jean-Paul II la nommera co-patronne de l’Europe en 1999.
Un engagement qui se décline dans la vie de Catherine de Sienne
Le site Le Jour du Seigneur aborde l’engagement et le rôle de Catherine de Sienne en ces termes : « À la source d’un tel engagement se trouve la mystique de la flamme d’amour. Sa vie est toute cachée dans les blessures du Christ crucifié. Elle ressent, dans l’intime de son cœur et de sa foi, les drames de l’Église et de la Société de son temps qui continuent à crucifier le Christ. Catherine paie de sa personne et combien ! Elle propose sa médiation pour ramener la paix dans les cités désunies, comme à Florence. Par deux fois, elle part en ambassade du Christ vers le Pape en Avignon. Rien ne l’arrête puisqu’il s’agit de réformer l’Eglise dans sa tête et ses membres. Par ses lettres, elle bouscule cardinaux et clergé, et interpelle les Papes avec une audace inouïe. Elle parvient à décider Grégoire XI à regagner Rome. Consumée d’amour pour l’Eglise, elle s’éteint dans cette ville le 29 avril 1380. Son Dialogue, ses Lettres et ses poèmes nous la montrent réparant les brèches du corps du Christ depuis sa cellule intérieure ».
« On ne comprendra jamais rien à Catherine de Sienne si on élimine de sa vie tout ce qui est du domaine de l’invisible, du paranormal, pour employer un terme qui permet à ceux qui ont évacué du monde l’inexplicable, le surnaturel, de le réintroduire comme délié de toute connotation religieuse », a écrit Francine de Martinoir.
Sainte Catherine de Sienne a été canonisée en 1461. Co-patronne de Rome en 1939, de l’Italie en 1939, co-patronne de l’Europe en 1999, elle est aussi patronne exclusive des journalistes. Catherine Rancé, dans l’émission KTOTV a dit d’elle : « Catherine de Sienne est une théoricienne du pardon et de la réconciliation ».
En cette période contemporaine troublée par la guerre et perturbée par une pandémie, où la science et la laïcité semblent dominer, il peut être inconcevable de voir apparaître des personnes guidées par leur foi et leur croyance. Pourtant, retrouver des valeurs universelles peut devenir une manière pour l’homme de renouer avec sa véritable nature et de franchir le pont sans se perdre. Ainsi, si « l’homme ne livre pas au démon ce glaive de la volonté, (…) s’il ne consent pas aux tentations, à ses provocations, jamais aucune tentation ne pourra le blesser et le rendre coupable de péchés », précisait Catherine de Sienne.
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