La culture traditionnelle chinoise a une longue histoire. De plus, elle est profonde et vaste. Elle constitue ainsi une source inépuisable de vie. Je voudrais ici me concentrer sur un concept important de la culture traditionnelle chinoise : le concept Équilibre et harmonie
Le concept Équilibre et harmonie socle de la culture traditionnelle chinoise

Dans l’Antiquité chinoise, lorsque l’Empereur Yao passa le trône à l’Empereur Shun, il lui transmit l’Art de la Gouvernance qu’il a résumé en quatre mots : Yun Zhi Jue Zhong (允执厥中), que l’on peut traduire par « Sans parti pris, sans excès ni insuffisance ». C’est l’origine du concept « Équilibre et harmonie ».


Plus tard, l’empereur Shun passa cet enseignement de quatre mots à Yu le Grand, le fondateur de la dynastie Xia (2 100-1 600 av. J.-C.). Yu le passa au roi Tang de la dynastie Xia. Le roi Tang le passa aux rois Wen et Wu de Zhou, puis au duc de Zhou. À la fin, Confucius (551- 479 av. J.-C.), hérita de cet enseignement avant de le transmettre à Mencius, (environ 380 -289 av. J.-C.). Cette tradition a été ainsi transmise de génération en génération. Elle a permis aux ancêtres des Chinois de créer une remarquable civilisation qui allait durer cinq mille ans.

Cependant, en 1949, après que le Parti communiste chinois (PCC) a renversé la République de Chine, installée aujourd’hui à Taiwan, la grande tradition multi millénaire de Équilibre et harmonie a été brusquement remplacée par les idées que le PCC avait apprises de l’Allemand Karl Marx. C’est ainsi que l’histoire entière de la société chinoise a été restreinte par le PCC, en se basant sur la théorie du Marxisme qui prône le concept de « la lutte des classes ».
Le PCC prône donc la lutte contre le Ciel, contre la Terre et contre l’Homme, et ce depuis plus de 70 ans. Il en résulte qu’aujourd’hui la plupart des Chinois sont plus ou moins influencés par les idées, le langage et les comportements qui découlent du concept de lutte. Ainsi, un petit désaccord d’opinion peut très vite amener deux personnes à se disputer, voire à démarrer un conflit qui peut dégénérer en bagarre. Ce comportement dans la Chine d’aujourd’hui conduit souvent à de nombreuses tragédies humaines.

Pour les Chinois, descendants de l’Empereur Yan ou de l’Empereur Jaune, la prise en compte de la tradition et la reconnaissance de ces 5 000 ans de civilisation ancestrale pourraient être une solution, mais aussi une retour vers la vraie nature de chacun. Cette idée multi millénaire qui a forgé ces 5 000 ans d’histoire de l’humanité, ce concept « Équilibre et harmonie » pourrait ainsi servir de « clé à portée de main » pour résoudre les problèmes auxquels les contemporains, ou les générations futures, font, ou devront faire, face.
Le concept d’Équilibre et harmonie dans la vie
Dans le Confucianisme, le concept Équilibre et harmonie est interprété comme Zhong Yong ou « Impartialité et Invariabilité », qui est le niveau de moralité le plus élevé pour les confucéens. Confucius a dit : « L’impartialité et l’invariabilité sont sans doute les plus hauts niveaux de moralité ! Mais les gens en sont dépourvus depuis longtemps ». La voie d’Impartialité et d’Invariabilité exige de ne pas faire des compromis sans principes ni discernement.

Être impartial et invariable signifie être juste et droit, objectif et intègre sans aucun parti pris. Le livre confucéen Zhong Yong énonce : « Lorsque le cœur de l’homme est exempt de joie, de colère, de tristesse et de plaisir, et que son esprit est calme comme de l’eau, il peut voir clairement la nature des choses et porter un jugement correct. Lorsque la joie, la colère, la tristesse et le plaisir surgissent, s’il est capable de les réguler, sans " excès " ni " insuffisance ", il peut ainsi analyser et juger les choses avec une grande précision. Lorsque le cœur de l’homme est dans cet état, il peut agir de manière rationnelle, avec modération et justesse ».
Mais, lorsqu’une personne est dans une grande joie, une grande tristesse, une grande colère ou un grand bonheur, il lui est impossible d’être rationnelle. Plus les émotions d’une personne sont intenses, plus ses pensées et ses comportements seront extrêmes. Comment pourrions-nous apaiser nos émotions pour éviter d’aller vers les extrêmes ? La réponse de Confucius est la suivante : « Analyser les deux extrêmes - les avantages et les inconvénients - sans rien omettre et prendre une décision rationnelle par la suite ».
Il a également cité l’exemple de l’Empereur Shun : « l’empereur Shun était vraiment un homme très sage ! Il aimait demander des conseils aux gens et savait analyser le sens caché derrière leurs paroles simples. Il ne mentionnait pas les défauts des autres, mais mettait en avant leurs qualités. Il savait trouver le juste milieu entre les opinions extrêmes et adoptait celles qui convenaient à son peuple. C’est ce qui fait de Shun un homme exceptionnel ! ».

Concernant le rôle du juste milieu, selon le Zhong Yong, c’est de permettre de trouver l’« harmonie ». Une fois que nous arriverons à apaiser et calmer notre cœur, nos émotions excessives disparaîtront : nous ne serons plus sous l’emprise de pensées extrêmes.
Le cœur de la doctrine de la Voie d’Impartialité et Invariabilité est de permettre aux gens de s’engager consciemment dans l’auto-culture, l’auto-supervision, l’auto-éducation et l’auto-amélioration. Cela leur permet de se « cultiver » en personnes « équilibrées et harmonieuses », en harmonie avec elles-mêmes, les autres, la société, le Ciel et la Terre. Pour enfin, atteindre l’état idéal de bonté et d’achèvement suprême. Selon cette voie, c’est seulement de cette manière qu’une personne peut s’améliorer, gérer sa famille, gouverner un pays et apporter la paix au monde.
Équilibre et harmonie dans la Médecine traditionnelle chinoise

De nos jours, dans la langue chinoise, la Médecine traditionnelle chinoise est appelée Zhong Yi (littéralement médecine du milieu). Beaucoup pensent que cela signifie la « Médecine de l’Empire du Milieu ». Mais est-ce le vrai sens du terme Zhong Yi ?
Selon le Classique interne de l’Empereur Jaune,le Huangdi Nei Jing (黄帝内经), le plus ancien classique médical chinois, « la médecine de niveau supérieure peut guérir les maux d’un pays, la médecine de niveau intermédiaire peut harmoniser une personne, et la médecine de niveau inférieure peut dissiper les maladies du corps ».
En réalité, Zhong Yisignifie la médecine de niveau intermédiaire qui suit la voie d’équilibre et harmonie, issue du même concept dans la culture traditionnelle chinoise.
Pourquoi Zhong Yi, ou la médecine de niveau intermédiaire, se concentre sur l’harmonie d’une personne? C’est parce qu’une personne tombe malade seulement quand elle perd son équilibre. Si l’on rééquilibre cette personne, elle ne sera plus malade. L’accent est donc mis sur l’harmonie d’une personne et non sur la maladie qui est la conséquence de cette perte d’équilibre.

Toujours selon leClassique interne de l’Empereur Jaune, la bonne santé, c’est l’état d’une personne équilibrée qui n’est donc pas malade. Qu’est-ce qu’une personne équilibrée? Selon Wang Bing, un médecin de la dynastie Tang, une personne équilibrée est quelqu’un qui vit sans extrême ni insuffisance.
Mais qu’est-ce que l’on doit équilibrer dans sa vie et qu’est-ce qui ne doit pas manquer pour être en bonne santé d’après les Chinois de l’Antiquité?
Sun Simiao, un grand médecin de la dynastie Tang, a donné la réponse dans son œuvre médicale Beiji qianjin yaofang, Formules essentielles valant mille or pour les urgences : « Si une personne manque de vertu, elle ne peut pas vivre longtemps même si elle prend des élixirs. Au fur et à mesure que sa moralité va s’améliorer, elle vivra plus longtemps sans implorer pour la longévité et sera bénie sans rechercher de bénédictions. C’est le grand principe de la préservation de la santé ! Ce n’est qu’en respectant le Tao, en valorisant les vertus et en accumulant les bonnes actions que l’on peut être en bonne santé physique et mentale et profiter à la fois du bonheur et de la longévité ».
Parlons de la maladie. Selon la Médecine traditionnelle chinoise, il s’agit d’un excès ou d’un manque : qu’il s’agisse d’une maladie physique ou mentale. Lao Tseu a dit : « La voie du Ciel consiste à réduire l’excès et à combler le manque ». Dans la Chine ancienne, la vraie Médecine traditionnelle chinoise pouvait, par divers moyens inattendus, réduire l’excès et compléter le manque, afin de ramener le corps, l’esprit et l’énergie d’une personne à un état optimal : c’est-à-dire à un état d’équilibre et d’harmonie. C’est là la méthode et l’objectif de la médecine traditionnelle chinoise.
Le Classique interne de l’Empereur Jaune a souligné ceci : « Si c’est excessif, on le réduit. Si c’est insuffisant, on le complète : quel que soit le mal, l’objectif est de rétablir l’équilibre ». Quand le cœur est équilibré et l’esprit serein, on est « tranquille et vide ». Ainsi, « l’énergie positive est maintenue à l’intérieur de notre corps et le mal extérieur ne peut plus nous nuire ». Lorsque les cinq organes internes, les sept émotions, leqi et le sang, le yin et le yang d’une personne sont en harmonie, cette personne sera libérée de toutes les maladies.
Équilibre et harmonie dans la musique

Le guqin est le plus ancien instrument à cordes en Chine. On dit qu’il a été créé par l’Empereur Fuxi et qu’il se classe au premier rang des quatre arts de la culture traditionnelle chinoise : le qin, les échecs, la calligraphie et la peinture. Depuis l’Antiquité, « le siège d’un gentilhomme doit être entouré d’un guqinà gauche et de livres à droite ». Ayant des connotations culturelles riches et profondes, le guqin est l’instrument favori des lettrés et des érudits chinois depuis des milliers d’années. L’essence du guqin réside dans « la modération et l’harmonie ».
Ji Kang, l’un des Sept Sages de la Bambouseraie, des dynasties Wei et Jin, a dit un jour : « Le son du guqin peut émouvoir le Ciel et la Terre et apporter l’harmonie ». Le joueur de guqin est assis dans le calme, l’esprit libre de toute pensée. Il n’y a rien d’autre que son corps, le passé et le présent n’existent plus. À ce moment-là, il ne reste plus que le guqin, le musicien, le Ciel et la Terre, illustrant parfaitement l’esprit traditionnel chinois de l’unité entre le Ciel, la Terre et l’Homme. Dans la Chine ancienne, jouer du guqin, tout comme déguster le thé, était une façon de se découvrir soi-même dans le calme et de cultiver un caractère équilibré et harmonieux.

Ji Kang pensait que la différence fondamentale entre la musique élégante et les sons discordants était qu’il y avait un esprit « paisible » dans la musique élégante. Parmi les musiques anciennes, les plus connues, telles que L’eau qui coule dans les hautes montagnes , Les oies sauvages survolant les sables de la plaineet Les mouettes et les hérons oubliant leur carrière, ont toutes des caractéristiques de paix et de tranquillité.
Dans le Classique des Rites, le XIXe chapitre–Le Classique de la Musique - est consacré à la musique. Selon ce chapitre: « La musique est l’harmonie du Ciel et de Terre ». Ce chapitre parle également de la gouvernance par la musique et explique l’influence des différents types de musique sur l’état d’esprit du peuple. Écouter régulièrement de la musique douce et raffinée peut apporter la paix du corps et de l’esprit, et contribuer à la prospérité du pays. Au contraire, si le souverain et ses sujets s’adonnent à des musiques de moins harmonieuses, leur état d’esprit finira par se détériorer, pouvant même mener à la chute du royaume ou de l’empire.
Les Entretiens de Confucius précisent ceci : « Le poème Guan Ju, dans le Classique des Vers montre la beauté de l’équilibre. Ce poème exprime la joie sans excès et la tristesse sans douleur, toutes les émotions sont exprimées avec justesse ».
Ji Zha était un prince vertueux du royaume de Wu pendant la Période des Printemps et Automnes. Lorsqu’il rendit visite au royaume de Lu, il demanda à écouter la musique traditionnelle de la dynastie Zhou. En écoutant la musique, il loua ainsi la musique de la dynastie Zhou : « les cinq tons sont harmonieux, les vents des huit directions s’apaisent, le rythme musical est conforme aux normes, les instruments de musique sont joués dans l’ordre, telle est la musique des personnes vertueuses ».

Yan Ying, diplomate du royaume de Qi pendant la Période des Printemps et Automnes, a préconisé que la musique devrait « s’harmoniser entre clarté et opacité, subtilité et grandeur, brièveté et longueur, précipitation et lenteur, tristesse et joie, rigueur et douceur, inertie et rapidité, aigus et graves, expiration et inspiration, minutie et ampleur. Le gentilhomme l’écoute pour apaiser son cœur. Quand son cœur est apaisé, sa vertu est équilibrée. C’est pourquoi le Classique des Vers dit : " La musique vertueuse est sans défaut " ».
La grande majorité de la musique traditionnelle chinoise est monophonique, avec très peu d’airs principaux, d’airs secondaires ou de divisions harmoniques. Au lieu de cela, une seule mélodie s’étend horizontalement, tourne en boucle et se chevauche.
En termes de tonalité et de mélodie, il n’y a généralement pas de contrastes ou de différences marqués entre les notes aiguës et graves, fortes et faibles, rapides et lentes. La musique conserve toujours un style régulier, discret, subtil et frais, tels que Pinghu Qiu Yue (Lune d’automne sur un lac tranquille) et Yang Guan San Die (Trois refrains de Yang Guan).
En termes de mélodie, la musique classique chinoise se caractérise par des mélodies harmonieuses basées sur un système à cinq tons (gong, shang, jue, zhi etyu) sans demi-ton. L’écoute de la musique classique chinoise procure une sensation de calme, de sérénité, de douceur, de détente et de beauté poétique.
La culture rituelle et musicale confucéenne croit qu’une musique équilibrée, paisible, douce et honnête peut cultiver et harmoniser le tempérament des gens, calmer leur cœur, et maintenir leur esprit dans un état harmonieux et heureux : parvenant ainsi à l’harmonie et à la stabilité dans les relations familiales et sociales interpersonnelles.
Au cours de la Période des Royaumes combattants en Chine, le philosophe confucéen Xunzi a dit : « Les personnes vertueuses utilisent les cloches et les tambours pour guider les aspirations des gens... Leur musique est claire comme le Ciel, vaste comme la Terre, et changeante comme les quatre saisons. Si la musique des personnes vertueuses est populaire, elle peut rendre les aspirations des gens claires, leur comportement courtois, et leur vertu accomplie. L’écoute de telle musique affine l’ouïe et la vue, adoucit le caractère, change les mœurs et apporte la paix dans le monde... ». La musique permet ainsi d’atteindre le plus haut état d’ harmonie entre le Ciel et l’Homme.
La culture confucéenne considère la musique comme un lieu de repos spirituel et le royaume de la perfection de la personnalité. C’est pour cela qu’il est souvent avancé que la cultivation d’une personne « commence par l’étude du Classique des Vers, suivi par l’étude du Classique des Rites, avant d’être accompli par la musique ».
« L’équilibre et l’harmonie » sont conformes aux lois de l’univers

Tout comme la Lune tourne autour de la Terre selon une orbite fixe, la Terre tourne autour du Soleil sur une orbite fixe, le Soleil a également une orbite fixe dans son mouvement dans la Voie Lactée. Tout dans l’univers fonctionne de manière ordonnée selon des lois objectives. Il en va de même pour les humains.
Lao Tseu a dit : « Gouverner un grand pays, c’est comme cuisiner un petit poisson ». Le concept Équilibre et harmonie traverse tous les aspects de la vie: de l’amélioration du caractère personnelle, à la médecine, la musique et l’architecture, en passant par la gouvernance d’un pays et l’instauration de la paix dans le monde.
Si nous pouvons être équilibrés et harmonieux, nous sommes sur la bonne voie et marchons sur la route lumineuse. Si nous nous écartons de cette voie, nous risquons des dangers physiques ou mentaux.
Le concept Équilibre et harmonie propage des valeurs inestimables imprégnant l’histoire de la civilisation chinoise. Il est conforme aux lois de l’univers et aux valeurs humaines. Il peut guider les pensées et les comportements des gens.
Par exemple, le grand poète de la dynastie des Jin, Tao Yuanming, qui avait un cœur droit et un esprit serein, démissionna de ses fonctions officielles en raison de sa déception face à la corruption au sein des fonctionnaires. Loin de se laisser abattre, il a pu au contraire « cueillir des chrysanthèmes sous la clôture de sa maison et contempler tranquillement la montagne au Sud » parce qu’il avait un cœur droit et une humeur paisible.
Les deux chanceliers de la dynastie des Song, Wang Anshi et Sima Guang, qui avaient des opinions politiques opposées, ont pu « être des gentilshommes harmonieux mais différents » parce qu’ils étaient tous deux profondément influencés par la tradition de « L’équilibre et l’harmonie ».

La famille de Fan Zhongyan, homme politique et homme de lettres de la dynastie des Song du Nord, a prospéré pendant 800 ans grâce à sa gestion familiale fondée sur la tradition d’« équilibre et harmonie ».
Ceux qui parviennent à atteindre « l’équilibre et l’harmonie » peuvent faire prospérer leurs entreprises et leur patrimoine grâce à leur bon caractère. Dans la gouvernance locale, ils instaurent l’harmonie et l’ordre. Dans la gouvernance d’un pays, ils bénéficient des conditions favorables du Ciel et de la Terre, et rassemblent le peuple. Dans les relations internationales, ils créent une harmonie entre les nations et gagnent le cœur du monde entier.
Si nous pouvions revenir à la tradition de « équilibre et harmonie », toujours garder un cœur de compassion et de paix, comme l’eau qui « profite à toutes choses sans rivaliser », nous finirions par nous perfectionner, harmoniser nos familles, gouverner notre pays et apporter la paix au monde !
Rédacteur Charlotte Clémence
Collaboration Yi Ming
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