Cette histoire qui nous vient de la Chine ancestrale met l’accent sur l’avertissement du Dieu Dragon qui attire l’attention sur l’importance qu’il y a à ne pas maudire les Cieux. L’histoire de deux érudits de la dynastie des Song : Fan Zhongyan et son frère juré Zhang Hao, sert de toile de fond à cette sagesse ancestrale.
Dans la Chine antique, Fan Zhongyan, érudit et fonctionnaire, écrivait : « Soyez le premier à vous soucier des problèmes du monde et le dernier à profiter de ses bonheur ». Cette phrase, devenue une expression intemporelle, exprimait la conviction de Fan Zhongyan selon laquelle une véritable gouvernance consiste à faire passer le bien-être d’autrui avant le sien. Il était admiré non seulement pour son intégrité morale et son courage politique, mais aussi pour sa capacité à reconnaître et à promouvoir les talents.

Un jour, Fan Zhongyan quitta la capitale impériale pour un voyage officiel au village de Zhang Jia, dans la préfecture de Luzhou. Son objectif était double : rechercher des érudits susceptibles de servir la cour et retrouver son frère juré, Zhang Hao, qu’il n’avait pas vu depuis des années. Envoûté par la tranquillité de la campagne, Fan Zhongyan se promena dans le village jusqu’à ce qu’il tombe sur une école privée délabrée, nichée sous un grand arbre. À l’intérieur, le bruit des élèves récitant leurs leçons résonnait dans l’air. Curieux, Fan s’approcha et fut stupéfait de découvrir que Zhang Hao en personne était le professeur de l’école.

Une chance de se relever
Fan Fan Zhongyan entra dans l’école. « Frère », dit-il chaleureusement, « me reconnais-tu encore ? ». Zhang Hao congédia ses élèves et le regarda attentivement. « Frère Fan ! Cela fait si longtemps… Comment vas-tu ? »
« Je viens d’être promu à l’Académie Hanlin », répondit Fan Zhongyan. « Et toi ? » Zhang Hao esquissa un sourire las. « J’ai eu du mal. Au moins, je peux me remplir l’estomac ces derniers temps. C’est déjà ça. »
« Avec ton talent, pourquoi n’as-tu pas passé les concours de la fonction publique ? » demanda Fan Zhongyan.
« J’en avais envie », admit Zhang Hao, « mais je n’avais pas les moyens de voyager et de m’inscrire. »
« Alors écoutes », dit Fan Zhongyan. « La cour recherche activement des personnes compétentes. Écris une dissertation politique – quelque chose de bien argumenté – et je la présenterai moi-même à l’empereur. »
Zhang Hao n’avait plus besoin d’être encouragé. Comme divinement inspiré, il prépara aussitôt son encre et son pinceau et rédigea un long essai exposant la politique nationale. Fan Zhongyan le lut avec ravissement. « C’est remarquable ! Il sera certainement mis à profit.»
Inquiet de l’état délabré de l’école de Zhang Hao, Fan Zhongyan ajouta : « Tu ne peux pas rester ici. J’écrirai des lettres à trois de mes amis de confiance. Ils t’aideront. » Avant de poursuivre son voyage, il remit à Zhang Hao trois lettres : une pour un gentilhomme nommé Huang de Luoyang, une pour un officier militaire de Huangzhou nommé Liu Shilin, et une pour le préfet de Yangzhou.

Trois destinations, trois malheurs
Deux jours plus tard, Zhang Hao ferma l’école, fit ses bagages et partit. Sa première étape fut Luoyang, mais à son arrivée, il trouva des funérailles en cours. « Puis-je savoir qui est décédé ? » demanda-t-il à une femme en habit de deuil. « Mon mari, M. Huang », répondit-elle.
Zhang Hao soupira. « Vraiment, la vie est imprévisible. » N’ayant nulle part où aller, il passa la nuit dans un temple tranquille.
Le lendemain, il poursuivit sa route vers Huangzhou. C’était l’été et la chaleur était accablante. Pour économiser ses maigres moyens, Zhang Hao évitait de s’arrêter et de dépenser.
À son arrivée, il demanda son chemin vers la maison de Liu Shilin. Un jeune moine lui indiqua une grande demeure, mais il sonnait une grosse cloche. « À quoi sert cette cloche ? » demanda Zhang Hao. « On l’appelle la Cloche de l’impermanence », dit le moine. « On la sonne quand quelqu’un décède ».
« Qui est mort ? », demanda alors Zhang Hao. « Le vice-commandant Liu Shilin », lui répondit le moine.
Zhang Hao était abasourdi. Deux lettres, mais les deux destinataires étaient morts. Alors que les nuages s’amoncelaient, il décida de se reposer dans un temple voisin abandonné . Avant qu’il puisse l’atteindre, le ciel s’ouvrit et déversa une pluie torrentielle. Frustré, il murmura : « Quel temps maudit ! »

À l’intérieur du temple, il trouva une statue du Dieu Dragon et un récipient contenant des bâtons de fortune. Il s’agenouilla et pria avec ferveur. « S’il te plaît, Dieu Dragon, aide-moi. Accorde-moi un signe de bonne fortune. » Mais il eut beau secouer le récipient à plusieurs reprises, il n’en tira que les pires présages.
Furieux, il jeta les blocs de divination et hurla à la statue : « Espèce de ver écailleux ! Poisson de boue cuirassé ! Tu te moques de moi ? Tu crois pouvoir te jouer de moi ? » Dans sa colère, il saisit un pinceau et griffonna un poème amer sur le mur du temple : imputant au dieu son malheur.
Un avertissement divin : ne pas maudire les Cieux !
Du haut des nuages, le Dieu Dragon s’agita. « Quelle insolence ! » gronda-t-il. « Tu souffres à cause de ton destin, non parce que je t’ai trahi. Et pourtant tu me maudis ? » Mais, touchée par le statut d’érudit de Zhang Hao, la divinité choisit de ne pas riposter directement. « Je vais plutôt lui donner un avertissement : puisse-t-il comprendre que le bien et le mal ont chacun leur récompense. »

Pendant ce temps, Fan Zhongyan présenta l’essai de Zhang Hao à l’empereur, qui fut profondément impressionné. Il le nomma immédiatement magistrat du comté. Mais une confusion conduisit à ce qu’un autre homme, également nommé Zhang Hao, obtienne ce poste. Issu d’une famille éminente, cet homme accepta la nomination, mais sa tromperie ne restera pas impunie.
La foudre frappe la stèle
Retour au voyage de Zhang Hao . Il arriva finalement au temple Jianfu, sans le sou et découragé. L’abbé remarqua son air sombre et demanda : « Voyageur, qu’est-ce qui vous tracasse ? » « Je n’ai plus d’argent et je ne sais pas comment rentrer », répondit Zhang Hao.
« J’ai une idée », répondit l’abbé. « Il y a une stèle de pierre ici avec une inscription. Recopiez le texte sur du papier à l’encre, et je m’occuperai de l’envoi des copies. Nous pourrions peut-être réunir assez d’argent pour votre voyage. »

Zhang Hao acquiesça. « Mais attendons jusqu’au matin, il commence déjà à faire nuit. »
Cette nuit-là, un orage sans précédent éclata. La foudre fendit le ciel et frappa la stèle du temple, la coupant en deux. Le lendemain matin, Zhang Hao s’approcha de la pierre et vit de nouveaux mots gravés à sa surface : « Ceci est une punition pour avoir calomnié les Dieux ».
Choqué et humilié, Zhang Hao tomba à genoux et comprit l’importance de ne pas maudire les Cieux. « Merci, Dieu Dragon, pour ton avertissement. Je jure que je ne blasphèmerai plus jamais le divin. »
Zhang Hao resta quelque temps au temple, gagnant suffisamment d’argent en faisant de la calligraphie pour des dons. De retour chez lui, il reprit sa vie d’enseignant, mais il enseignait désormais à ses élèves à honorer les Dieux autant que les Classiques.
Justice et rédemption

Finalement, Fan Zhongyan découvrit la vérité : l’homme nommé à ce poste n’était pas son frère juré. Il en informa l’empereur et l’imposteur fut condamné à mort, pour avoir trompé la cour.
Fan Zhongyan se rendit au village de Zhang Hao et le trouva en train d’enseigner avec une détermination et une humilité renouvelées. Cette fois, Fan Zhongyan apportait le décret impérial. Zhang Hao fut finalement nommé magistrat de Jiyang et épousa la fille du préfet de Yangzhou, l’un des hommes à qui Fan Zhongyan avait écrit initialement.
Rédacteur Charlotte Clémence
Source : The Dragon God’s Warning: Why You Shouldn’t Curse the Heavens
www.nspirement.com
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