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Histoire. La vie et les enseignements de Confucius : à la recherche de la voie du milieu pour rétablir l’ordre dans le monde

CHINE ANCIENNE > Histoire

Au fil de ses enseignements et de ses réflexions, Confucius a découvert que le principe du sens était le principe le plus élevé de la vertu séculière

Confucius (551-479 av. J.-C.), sans doute le plus connu des anciens sages chinois, a consacré sa vie à faire revivre et à transmettre des valeurs intemporelles pour guider la conduite humaine. Il a parcouru les nombreux royaumes qui composaient la Chine de son époque, dans l’espoir d’harmoniser les familles et la société grâce à la moralité et à la culture de soi.

La vie et les enseignements de Confucius : à la recherche de la voie du milieu pour rétablir l’ordre dans le monde
Représentation de Confucius. Sa sagesse a été transmise par ses milliers de disciples et a façonné la culture de la Chine et des pays voisins. (Image : wikimedia / See page for author / Domaine public)

Bien que les enseignements de Confucius soient souvent tombés dans l’oreille d’un sourd, et ont même été supprimés, sa sagesse a été transmise par ses milliers de disciples et a façonné la culture de la Chine et des pays voisins.

Les idées confucéennes, notamment l’ordre entre les générations, les relations familiales correctes et le principe du sens, sont restées au cœur de la civilisation de l’Asie orientale pendant des milliers d’années, assurant la stabilité et la communauté de ces sociétés anciennes.

Confucius lui-même était autant un apprenant qu’un enseignant : restant humble et ouvert d’esprit tout au long de sa vie. Sa quête pour réparer les failles du monde s’est accompagnée d’une recherche constante d’élévation spirituelle, qui a bénéficié de ses brèves, mais propices rencontres avec Lao-Tseu, le légendaire sage du taoïsme.

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Confucius avait trois ans lorsque son père âgé de 75 ans est mort, et avait 17 ans lorsque sa mère Yan Zhengzai est décédée à l’âge de 33 ans seulement. La peinture date de la dynastie Qing. (Image : 黃山壽畫作局部 / Sound of Hope)

Confucius était un fils chéri

Connu respectueusement en chinois sous le nom de Kong Fuzi (孔夫子) ou simplement Kong Zi, qui signifie « Maître Kong », Confucius est né sous le nom de Kong Qiu (孔丘) dans le royaume de Lu, une partie de l’actuelle province du Shandong, dans l’Est de la Chine. Confucius, le nom sous lequel il est connu en Occident, est une traduction latine du titre honorifique chinois.

L’époque à laquelle Confucius a vécu était marquée par la montée des conflits et de la discorde. Il est né le 28 septembre 551 av. J.-C., à la fin de la Période des Printemps et Automnes (770-481 av. J.-C.). La Chine était théoriquement gouvernée par le royaume de Zhou, mais l’autorité centrale s’était affaiblie au point que les royaumes féodaux se comportaient comme des pays indépendants, se chamaillant et se battant les uns contre les autres à la recherche de l’hégémonie politique.

Confucius n’est pas venu au monde aisément. Son père, Kong He (孔紇), également appelé Shuliang He (叔梁紇), avait 72 ans à sa naissance. Bien que le lettré et officier militaire ait déjà eu neuf enfants de sa principale épouse, Dame Shi, tous étaient des filles et n’ont pas pu poursuivre la lignée familiale de Kong. Il a eu un fils, Kong Pi, d’une concubine, mais on dit qu’il avait les pieds déformés et qu’il ne pouvait donc pas devenir l’héritier de son père.

En dernier recours, le vieux Kong a convaincu le patriarche de la famille Yan de lui permettre d’épouser l’une de ses filles, Dame Shi était décédée à ce moment-là et un homme ne pouvait avoir qu’une seule épouse principale.

La plus jeune des trois filles de la famille Yan, Yan Zhengzai (顏徵在), devint l’épouse de Kong He à l’âge de 18 ans. Craignant de ne pas pouvoir concevoir à temps en raison de l’âge de son mari, Dame Yan se rendit au Mont Ni, priant la divinité de la montagne de la bénir en lui donnant un fils. Sa piété a été récompensée et elle est tombée enceinte de Kong Qiu.

Kong He mourut alors que Confucius n’avait que trois ans. Sa mère, devenue veuve, l’éleva avec Kong Pi, dont la mère était également décédée, dans des conditions de pauvreté extrême. Comme Dame Yan venait d’une famille instruite, elle a transmis à Confucius ce qu’elle savait : semant en lui les premières graines de l’érudition. Cependant, elle n’a pas vécu assez longtemps pour voir le grand homme qu’allait devenir son fils, car sa vie s’est achevée alors qu’elle avait 33 ans et Confucius 17 ans.

Kong Qiu veilla à ce que sa mère soit enterrée dans le tombeau ancestral de sa famille, et partit par la suite en mission pour rectifier l’état du monde. La Période des Printemps et des Automnes fut une époque où diverses écoles de pensée rivalisaient d’influence (百家爭鳴), et où de nombreux grands esprits proposaient des solutions au désordre qui régnait.

Sa propre naissance étant une fortune durement gagnée par son vieux père et sa fidèle mère, Kong Qiu appréciait les efforts de ses parents. Il pensait que la racine de toute harmonie sociale était l’harmonie au sein de la famille, ce qui pouvait être obtenu grâce au xiao (孝), ou piété filiale.

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Carte de la Chine des Zhou pendant la Période des Printemps et Automnes. Le royaume de Lu est visible à l’Est, à la frontière de Qi. (Image : wikimedia / Yug / CC BY-SA 3.0)

L’errance dans les royaumes féodaux sous la dynastie des Zhou

Confucius a déploré le déclin du royaume des Zhou, qui fonctionnait selon un système honorifique d’accord mutuel entre la maison royale et les nobles locaux. Il pensait que les problèmes du royaume résidaient dans la perte de la conduite morale et du comportement rituel qui caractérisaient la première période du règne des Zhou.

Il était parfaitement conscient que la conduite morale devait commencer par le comportement de l’individu, dont un facteur important était la piété filiale. Confucius dira plus tard à l’un de ses disciples les plus éminents : « Établir nos caractères et pratiquer la Voie, laisser ainsi notre bonne réputation aux générations futures et glorifier nos pères et nos mères, voilà l’accomplissement ultime de la piété filiale ».

À l’âge de 19 ans, Kong Qiu épousa Dame Qiguan (亓官氏). Un fils, Kong Li (孔鯉), fut suivi de deux filles, dont l’une serait morte en bas âge.

Dans la Chine féodale, il existait plusieurs castes. La famille de Confucius appartenait à la caste des shi (士), ou lettrés-guerriers, un peu comme les futurs samouraïs du Japon. Les shi étaient également des fonctionnaires du gouvernement.

Comme son père, Confucius devint fonctionnaire, après avoir étudié les six arts que sont les rites, la musique, le tir à l’arc, l’attelage, la calligraphie et les mathématiques. Le jeune homme occupa divers postes gouvernementaux, mais il fut désappointé par la corruption de la noblesse du royaume de Lu qu’il servait. Parfois, les conflits internes laissaient Kong Qiu et d’autres membres de la classe shi sans emploi.

Cependant, les dirigeants féodaux, en quête de prestige et de pouvoir, ont compris l’intérêt de garder à leurs côtés des hommes érudits. La maîtrise des traditions aristocratiques pouvait permettre aux seigneurs régionaux d’adopter les rituels de la cour des Zhou et d’autres institutions, ce qui, outre le maintien des vestiges de l’ordre royal, était également utile pour la diplomatie et les intrigues politiques.

Lassé des dysfonctionnements qu’il constatait dans sa patrie, Confucius finit par abandonner ses fonctions et quitta le royaume de Lu, entreprenant un voyage à travers la Chine pour enrichir ses connaissances et promouvoir ses idées.

Confucius chercha à s’entretenir avec les dirigeants régionaux, espérant qu’ils suivraient ses conseils moraux. Il prônait également l’éducation universelle, quelle que soit la classe sociale, estimant que toute personne ayant les aptitudes requises pouvait bénéficier d’un enseignement. Confucius a instruit des milliers d’étudiants au cours de sa vie.

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Voyages de Confucius dans les différents royaumes féodaux de 497 à 484 av. J.-C. Confucius rendait visite aux seigneurs féodaux dans l’espoir qu’ils écoutent ses conseils. (Image : wikimedia / SY / CC BY-SA 4.0)

Au fur et à mesure que Confucius gagnait en réputation et en disciples, nombreux étaient ceux qui approuvaient son objectif de restaurer les rites Zhou et la politique qui reposait sur l’honneur plutôt que sur la réglementation. Mais le plus souvent, ils doutaient de ses chances de réussite.

Par exemple, lorsqu’un disciple de Confucius entrait dans une ville et faisait mention de son maître, le noble local disait : « c’est l’homme qui persiste à faire ce qu’il sait lui-même ne pas pouvoir faire » (知其不可為而為之者).

En effet, peu de nobles auxquels Confucius s’est adressé étaient sincèrement désireux de restaurer les valeurs qui avaient apporté la force et la prospérité à la dynastie des Zhou. Dans les décennies qui ont suivi la mort de Confucius, les conflits entre les royaumes féodaux se sont intensifiés et ont débouché sur une guerre totale. La Période des Royaumes combattant ne prend fin qu’avec l’unification de la Chine par le premier empereur, en 221 av. J.-C.

Confucius n’en gardait pas moins le moral et chérissait les occasions qu’il avait de transmettre son savoir et d’apprendre des autres.

L’une de ses célèbres phrases est la suivante : « Dans un groupe de trois personnes, je peux certainement trouver mon maître parmi elles. Je prends ce qu’ils font correctement et je suis leur exemple. Je vois ce qu’ils font de mal et je corrige ce problème (en moi) ».

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Représentation de Confucius avec ses disciples. Si les élites n’appréciaient guère les enseignements de Confucius, de nombreuses personnes ordinaires y trouvaient une grande valeur. Confucius a enseigné à environ 3 000 élèves. (Image : wikimedia / See page for author / Domaine public)

Des enseignements moraux pour la vie séculière

Si les élites n’appréciaient guère les enseignements de Confucius, de nombreuses personnes ordinaires y trouvaient une grande valeur. Confucius a enseigné à environ 3 000 élèves.

Confucius pensait que le but de l’éducation était de former des individus vertueux qui se comporteraient conformément aux valeurs traditionnelles et aux codes moraux. Adhérant à l’idéal de l’homme supérieur qui apprend pour apprendre et qui est juste pour être juste, Confucius a établi un système de conduite guidé par les principes de l’auto-culture morale.

Au cœur de ses enseignements se trouvent les Trois liens fondamentaux et les Cinq vertus constantes (Sāngāng Wǔcháng, 三綱五常). Le philosophe explique que les Trois liens entre père et fils, seigneur et serviteur, et mari et femme sont les fondements d’une société harmonieuse. Cependant, la culture de ces liens dépendait largement du raffinement du caractère de chaque personne en suivant les Cinq vertus élémentaires que sont la bienveillance (ren, 仁), la droiture (, 義), la bienséance (, 禮), la sagesse (zhì, 智) et la fiabilité (xìn, 信)

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Le général Guan Yu, de la fin de la dynastie des Han orientaux, est souvent considéré comme l’incarnation ultime de yi. Ses paroles immortelles continuent d’inspirer les gens aujourd’hui : « Si les murs de la ville tombent, c’est la mort, c’est tout. Le jade peut être brisé, mais on ne peut changer sa blancheur. Le bambou peut être brûlé, mais son articulation ne peut être détruite. Le corps peut périr, mais le nom restera pour la postérité ». (Image : wikimedia / Shizhao / CC BY-SA 1.0)

La bienveillance, ren, englobe un sens altruiste de la vertu. Elle implique que l’on s’acquitte de ses responsabilités envers les autres sans se soucier du gain personnel. Au sens large, elle se définit comme l’humanité, l’empathie et la compréhension à l’égard d’autrui. Selon Confucius, la bienveillance se cultive en incarnant les vertus fondamentales que sont le sérieux, la générosité, la sincérité, la diligence et la bonté.

Souvent traduite par droiture ou devoir, la vertu de yi implique la capacité à maintenir la vertu et la justice en toutes circonstances. Englobant des qualités telles que l’honneur, la loyauté et la fraternité, la droiture était un concept central de la culture chinoise traditionnelle.

Les rituels et la bienséance, li, sont une autre pierre angulaire de la pensée confucéenne. Le philosophe pensait que les rituels et les formes de bienséance étaient la méthode la plus efficace pour permettre aux gens de concilier leurs désirs. En réfrénant sa nature indécente et en renforçant sa bienséance, il était possible de faire preuve de respect envers les autres et d’adhérer à un comportement social approprié.

La sagesse, zhi, implique la compréhension et l’application correctes des autres vertus, ainsi que la capacité d’évaluer le caractère d’une personne à sa juste valeur. La valeur de la confiance ou de la foi, quant à elle, implique la fiabilité, xin, la responsabilité et la capacité à s’engager, ce qui est propice à des relations interpersonnelles fortes et harmonieuses

Une bonne gouvernance

Pour Confucius, l’éthique et la morale sont les fondements d’une bonne gouvernance. Il a été le premier à privilégier l’acquisition d’un bon jugement par rapport à la connaissance des règles, expliquant que la morale était plus efficace pour réguler le comportement des gens que les lois. Confucius pensait que le meilleur moyen pour un dirigeant d’inculquer la moralité à son peuple était de devenir lui-même son modèle moral.

« Si le peuple est dirigé par des lois et que l’on cherche à lui donner une certaine uniformité par des châtiments, il s’efforcera d’éviter le châtiment, mais n’aura aucun sentiment de honte. S’il est guidé par la vertu et que l’on cherche à lui donner l’uniformité par les règles de la bienséance, il aura le sens de la honte et, de surcroît, deviendra bon. »
(Analectes, ou Entretiens de Confucius).

Au milieu du chaos et des guerres incessantes entre les royaumes féodaux, Confucius voulait restaurer le Mandat du Ciel (天命) pour unifier la nation. S’inspirant de la tradition des dynasties Xia, Shang et Zhou, le philosophe pensait qu’un gouvernement centralisé serait bien plus efficace pour apporter la paix et la prospérité au peuple, contrairement au système féodal de son époque, qui s’érodait et ne cessait de s’affaiblir.

Cependant, le souverain devait mériter son pouvoir sur la base de ses mérites moraux et non de sa lignée. Ainsi, la relation entre le dirigeant et son peuple ressemblerait à celle entre un père et son fils, le dirigeant étant dévoué à son peuple et le peuple respectant son supérieur et coopérant sans condition.

En outre, selon Confucius, un gouvernement vraiment efficace placerait la culture morale au-dessus des nécessités matérielles, avant de se préoccuper de l’économie et de la défense.

Un disciple lui a posé la question suivante : « Supposons qu’un pays doive se passer de son armée, de sa nourriture ou de sa confiance. Que faut-il abandonner en premier ? »

Le maître répondit : « Supprimez d’abord l’armée, puis la nourriture. Aucune nation ne peut survivre dans ce monde sans confiance ».

Ce sentiment se retrouve dans une conversation entre Mencius, l’un des plus célèbres élèves de Confucius, et le roi Hui du royaume de Liang. Le roi déplorait la perte de territoire de son pays au profit de ses ennemis et cherchait à se racheter de son embarras devant ses ancêtres.

Mencius nota que tous les royaumes environnants accablaient leur peuple de taxes et de châtiments sévères, ce qui suscitait le ressentiment et la tragédie parmi les masses. « Si Votre Majesté met en œuvre des politiques bienveillantes à l’égard de la population », dit-il, « celle-ci aura l’occasion de cultiver sa piété filiale et son respect. Une telle société serait non seulement capable de se défendre, mais aussi de vaincre les royaumes rivaux corrompus ».

Avec ses exhortations morales, Confucius a enseigné la Théorie du milieu (中 庸). Selon lui, « la vertu incarnée dans la Théorie du milieu est de l’ordre le plus élevé, mais elle est depuis longtemps rare parmi les peuples ».

Aussi appelée la Voie du Milieu, cette idée a été codifiée par le petit-fils de Confucius, Kong Ji (孔 伋). Il soutient que la Voie du milieu dans les relations familiales ou interpersonnelles et en politique était d’éviter les extrêmes. Celui qui peut bien équilibrer toutes choses dans la vie et dans la société, sans agir en excès, jouira de la longévité et de la prospérité.

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Confucius a demandé à Lao-Tseu, le Vieux Maître, de l’éclairer sur le Tao. (Image : wikimedia / Shih K’ang / Domaine public)

Apprendre le Tao

La connaissance profonde de Confucius a été façonnée par ses rencontres avec Lao-Tseu (老 子), le vieux maître du Taoïsme.

La première rencontre a eu lieu lorsque Confucius, alors dans la trentaine, a visité la capitale pour apprendre le système Zhou d’observations cérémonielles du vénérable sage, qui travaillait alors comme historien dans les archives royales. Confucius savait que seul Lao-Tseu pouvait lui révéler la source de la musique rituelle et l’essentiel de la morale.

Après avoir reçu des instructions de Lao-Tseu et se préparant à prendre congé, Confucius a exprimé au sage sa plus grande préoccupation :

« Je crains que la Voie ne fonctionne pas. La bienveillance et la droiture ne sont pas pratiquées, la guerre et le chaos sont sans fin, et le pays est en émoi. » Il manifesta alors ce qui était à la fois son but ultime et sa grande crainte : « Je désespère que la vie soit courte, et que je ne puisse être utile au monde et au peuple ».

Voyant les intentions de Confucius, Lao-Tseu a continué à souligner les lacunes de son élève dans un effort pour l’aider à s’améliorer. Il enseigna ainsi à Confucius les vertus de l’eau.

Le grand sage lui énonça que l’eau incarne la vertu de modestie, puisqu’elle profite à toutes choses sans rivaliser. Étant douce et faible, l’eau ne résiste à rien et s’adapte à tout. Coulant bas et ne chassant pas les hauteurs, l’eau dompte tous les grains et les cultures avec sa nature soumise.

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Une statue contemporaine de Shang Yang, l’une des figures représentatives du légalisme. (Image : wikimedia / Taken by Fanghong / CC BY-SA 3.0)

Le sage le lui expliqua en ces termes : « Le Tao est aussi profond que la mer, aussi haut qu’une montagne, partout dans le monde et ailleurs. Il coule sans cesse et atteint tout. Quand vous le cherchez, il est inaccessible, quand vous en parlez, il est inaccessible ! Le Tao a donné naissance au Ciel et à la Terre, et a porté toutes choses sans flétrir. À cause du Tao, le ciel est haut, la terre est épaisse, le soleil et la lune sont en mouvement, les quatre saisons sont en ordre, et tout prend forme ».

Il a ensuite précisé comment la conduite humaine pourrait s’harmoniser avec le Tao. Il a avancé que suivre le cours de la nature était la Voie d’un sage, et que celui qui laisse les choses se produire naturellement, sans s’accrocher aux choses qui changent, est une personne qui a atteint la Voie.

Les paroles sans prétention, mais profondes, du Vieux Maître ébranlèrent Confucius jusqu’au cœur : « À 15 ans, j’ai mis mon cœur dans l’apprentissage, à 30 ans, j’avais posé mes pieds fermement sur le sol, à 40 ans, je n’étais plus perplexe. À 51 ans, j’ai appris ce qu’est la création ! ».

À son retour chez lui, il a été dit que Confucius s’est assis en silence avec ses disciples, avant de finalement louer Lao-Tseu comme un « dragon sublime » qui ne pouvait être ni saisi ni compris.

Il se consacra également à l’enseignement aux étudiants, à l’écriture de livres et à l’édition de textes, laissant derrière lui un système philosophique qui sera plus tard codifié et enseigné génération après génération.

Le confucianisme à travers les âges

Les idées de Confucius étaient populaires, mais n’étaient pas sans opposition. L’ère dans laquelle Confucius a vécu était connue comme une époque où « une centaine d’écoles de pensée ont marqué » (百 家 爭 鳴) par leur influence.

Certains intellectuels, comme les Mohistes, prêchaient la doctrine de l’« amour égal » (兼 愛) par opposition à l’« amour universel » (汎 愛) dont parlait Confucius. Parce que Confucius enseignait qu’il était naturel pour les gens d’aimer leur famille et leurs amis plus que les étrangers, les partisans de Mohisme, la croyance de l’ingénieur Mo Zi (墨 子), dénonçaient le confucianisme pour le fait qu’il n’encourageait pas l’égalité.

Le véritable défi aux idées confucéennes a été le légalisme (法 家), une idéologie totalitaire selon laquelle les humains, étant intrinsèquement égoïstes, doivent être régis par des lois strictes pour enrichir le pays et renforcer les militaires. Les philosophes légalistes considéraient la philosophie indépendante et même les enseignements moraux comme des sophismes dangereux qui « démembreraient » le pays.

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L’empereur Wu de la dynastie des Han, qui a permis le règne d’un âge d’or dans l’histoire chinoise il y a 2 000 ans. Il a établi le confucianisme comme l’idéologie d’État. (Image : wikimedia / See page for author / Domaine public)

Les rois des royaumes chinois étaient attirés par le légalisme, qui mettait tout le pouvoir entre les mains du souverain. Finalement, la terre a été unifiée par Ying Zheng, le roi du royaume de Qin, qui a fondé la première dynastie impériale de la Chine. Les livres confucéens ont été brûlés avec les écrits des autres écoles de pensée qui avaient autrefois prospéré dans tout le pays. À l’exception du Yi King, le Livre des Changements, utilisé pour la divination, tous les autres textes philosophiques ont été interdits. Seuls les efforts dévoués de quelques érudits, qui cachaient les enseignements du grand maître dans les meubles en laque, ont permis aux idées de Confucius de survivre.

En 206 av.J.-C., l’empire de la dynastie Qin s’est effondré sous le poids de ses lois draconiennes, peu après la mort du premier empereur. La dynastie Han suivante a adopté une approche de laisser-faire taoiste à la gouvernance (黃 老 之 治), encourageant une bureaucratie limitée et la croissance économique.

Le confucianisme a bénéficié d’un réveil pendant le règne de l’empereur Wu des Han. L’empereur avait lutté pour contenir les intérêts corrompus qui s’étaient établis sous ses ancêtres. Il avait besoin d’une nouvelle philosophie pour guider le peuple et cimenter son règne.

En consultant le savant Dong Zhongshu, l’empereur Wu a décidé d’établir le confucianisme comme l’idéologie d’État, déclarant que ce n’est que par une règle vertueuse qu’un empereur pourrait réclamer le Mandat du ciel. Tout monarque qui allait à l’encontre de la volonté divine pouvait et devait être renversé. Le règne de l’empereur Wu fut l’un des grands âges d’or de l’histoire chinoise.

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Zengzi (à droite), un disciple de Confucius (au centre), s’agenouillant devant ce dernier. Une peinture de la dynastie Song pour illustrer le Classique de la Piété filiale. (Image : wikimedia / National Palace Museum / Domaine public)

Sous la dynastie Song, les chercheurs ont réfléchi davantage sur les significations intérieures des enseignements confucéens, menant à la création de ce qu’on appelle le « néo-confucianisme » (理 學), mais peut-être plus précisément « l’étude des principes » ou simplement « rationalisme ». Alors que les philosophes du néo-confucianisme cherchaient à combler la sagesse du sage avec celle trouvée dans le taoïsme et le bouddhisme à la recherche de vérités philosophiques, la nouvelle tendance intellectuelle a fini par être réduite à une formalité.

Le système impérial et le confucianisme sont restés en place pendant 2 000 ans jusqu’à l’abdication du dernier empereur Qing en 1911. La pensée confucéenne a transcendé les frontières de l’espace et du temps, exerçant une influence remarquable sur la culture de l’Asie orientale et demeurant influente à ce jour.

Confucius lui-même a été honoré comme le « professeur exemplaire de toutes les générations » (萬 世 師 表), et ses descendants ont reçu des titres honorifiques nobles dans chaque dynastie. Aujourd’hui, son petit-fils de la 79ème génération, Kong Tsui-chang, détient le titre de gouvernement honoraire de la République de Chine de fonctionnaire de cérémonie à Confucius (大 成 至 聖 先 師 奉 祀 官), à Taiwan.

Abus et outrages menés par le Parti communiste chinois

Le Parti communiste chinois (PCC) a longtemps critiqué Confucius dans sa croisade contre la « vieille société diabolique » de l’ancienne Chine. Mais, il s’est tristement approprié son nom pour stimuler le nationalisme au sein du pays et diffuser ses récits de propagande à l’étranger.

Au cœur de l’idéologie du Parti communiste se trouvent les idées d’athéisme et de matérialisme, enracinées dans la philosophie marxiste de la lutte. Après avoir pris le pouvoir en 1949, le Parti communiste chinois s’est retourné contre la culture et la foi traditionnelles, les qualifiant de « superstition féodale ». Confucius, l’un des plus grands représentants de la culture traditionnelle, a été dénoncé comme « régressif, pédant et féodal » par Mao Zedong, le fondateur de la « Nouvelle Chine » communiste.

Pendant la Révolution culturelle (1966-1976), les Gardes rouges ont suivi les instructions de Mao pour purger les « quatre vieilleries », c’est-à-dire les vieilles idées, la vieille culture, les vieilles coutumes et les vieilles habitudes.

Le temple de Confucius, dans sa ville natale de Qufu, a été détruit et son cimetière vandalisé. Dans une offense ultime à l’enseignant, les restes de plusieurs descendants ont été exhumés, profanés et brûlés.

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Première porte d’entrée du temple de Confucius à Zhenhai. (Image : wikimedia / Thomas Allom / Domaine public)

Les enseignements moraux du philosophe ont été remplacés par le culte séculier du Parti communiste. Par le biais de campagnes intenses, le PCC a forcé les masses à croire que la destruction de la culture ancienne équivalait à sauver les gens d’un passé dépassé et rétrograde.

Ainsi, des valeurs telles que la piété filiale et la vie en harmonie avec le Ciel et la Terre ont été rejetées. Les enfants étaient encouragés à dénoncer leurs parents si ces derniers n’étaient pas d’accord avec le Parti. Le culte de l’argent et de la loyauté envers le PCC est devenu la valeur fondamentale de la société.

Ces dernières années, le PCC a annoncé qu’il fusionnait les enseignements confucéens dans son idéologie socialiste pour rendre la nation chinoise plus confiante en sa propre culture et contrer l’impact des autres cultures. À cette fin, le PCC a délibérément supprimé ce qu’il appelle les « parties non éclairées et féodales » du confucianisme, et s’est approprié une sélection étroitement définie d’idées confucéennes.

L’idée d’harmonie est révélatrice. Selon l’ancien sage, une société harmonieuse est celle dans laquelle chaque individu remplit sa responsabilité d’une manière morale. Cependant, selon le PCC, une société harmonieuse est une société où il n’y a pas de dissidence contre la règle communiste, et qui justifie à son tour la suppression arbitraire des minorités et des prisonniers de conscience.

L’idée de Confucius d’obéissance et de respect envers les supérieurs a également été utilisée par le PCC pour exiger loyauté et soutien à son régime autoritaire. En rendant obligatoire l’adhésion à des organisations telles que la Ligue des jeunes communistes et les Jeunes pionniers communistes, tous les citoyens chinois sont tenus de jurer et de faire le vœu de consacrer leur vie à servir le régime du PCC. La condition préalable confucéenne pour que le peuple respecte et coopère inconditionnellement avec son dirigeant, c’est-à-dire que le dirigeant se révèle être un modèle vertueux, a été clairement écartée.

Le PCC a aussi déformé les paroles de Confucius pour présenter son marxisme athée comme une ancienne culture chinoise. Contrairement aux pratiques spirituelles, le confucianisme se préoccupe surtout de morale laïque. Confucius lui-même a dit : « Je respecte les dieux et les esprits, mais je garde une distance avec eux », ce que les propagandistes du Parti ont promu pour signifier que Confucius ne croyait pas au divin.

Mais Confucius n’a pas nié l’existence des dieux. Il a en fait dit, dans ses observations sur la piété filiale, que « lorsque la piété filiale et le respect fraternel sont complets, ils se synchronisent avec la grâce divine, illuminant les quatre mers, ne laissant aucune place dans les ténèbres ».

En d’autres termes, Confucius, comme d’autres hommes saints, a enseigné que la foi et la vertu dans le royaume mortel sont bénis par la faveur divine.

La vie et les enseignements de Confucius : à la recherche de la voie du milieu pour rétablir l’ordre dans le monde
 Le cimetière de Confucius a été attaqué par les gardes rouges en novembre. 1966. (Image : wikimedia / Leon petrosyan / CC BY-SA 4.0)

Le PCC voit toute foi et toute moralité comme des obstacles à sa règle, ou alors comme des outils politiques utiles. Depuis 2004, la Chine a ouvert plus de 1 600 instituts Confucius et salles de classe Confucius dans le monde entier pour promouvoir la version communiste de la langue, de la culture et de l’histoire chinoises.

Présentées comme une facilitation bénigne des échanges culturels, ces institutions interdisent à leurs professeurs de discuter de sujets que le PCC juge controversés : comme les relations entre la Chine et Taïwan, la violation continue des droits de la personne ou le massacre de la Place Tiananmen en 1989.

Un documentaire, Au nom de Confucius, montre comment Sonia Zhao, une pratiquante du Falun Gong vivant au Canada, a été empêchée de travailler comme professeur chinois pour l’Institut Confucius à l’Université McMaster, parce qu’elle a refusé de signer des accords disant qu’elle éviterait de discuter de sa foi ou de la persécution à laquelle elle a fait face en Chine.

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Une affiche pour le documentaire de 2016, Au nom de Confucius. (Image : Capture d’écran / VisionTimes)  

Heureusement, les décideurs politiques et le public apprennent peu à peu à voir les nombreux moyens utilisés par la Chine communiste pour influencer et infiltrer l’Occident. Dans le même temps, des millions de personnes en Chine et à l’étranger redécouvrent la beauté et la sagesse de cinq millénaires de culture traditionnelle chinoise. Grâce aux arts visuels, aux arts de la scène et au renouveau de la spiritualité, le monde se rappelle une vérité sur la vie et l’univers que les anciens chinois connaissaient clairement, mais que beaucoup ont été forcés d’oublier.

Rédacteur Jean-Baptiste Adrien-Clotaire

Source : The Life and Teachings of Confucius: Searching for the Middle Way to Restore Order to the World

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