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Opinion. Un blogueur chinois censuré dans l’affaire Yu Menglong défie les autorités

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Depuis la mort mystérieuse de l’acteur Yu Menglong en septembre, Lin Beichuan (凛北川), un ancien militaire qui se présente comme descendant des familles « rouges » a pris d’assaut les réseaux sociaux. Ce blogueur chinois censuré dans l’affaire Yu Menglong a publiquement dénoncé un haut responsable de la sécurité publique avant de voir ses comptes supprimés et d’être convoqué à Pékin. Son appel aux vétérans de l’armée pour dénoncer les zones d’ombre de cette mort suspecte a provoqué une onde de choc sur Weibo.

Une dénonciation qui brise le silence

Le 11 septembre dernier, Yu Menglong (于朦胧), acteur chinois populaire, trouve la mort dans des circonstances qui soulèvent immédiatement des questions. Depuis ce jour, un homme suit cette tragédie avec une détermination qui lui vaut aujourd’hui d’être au centre d’une tempête politique sans précédent. Lin Beichuan (凛北川), influent sur Weibo et revendiquant d’être issu d’une famille « rouge », s’est transformé en lanceur d’alerte malgré les risques considérables.

Dès l’annonce du décès de la vedette, cet ancien soldat des forces spéciales frontalières a commencé à poser des questions dérangeantes. Sa première intervention publique en faveur de l’acteur lui a valu une convocation à Pékin, où il a été retenu pendant deux semaines. Loin de le décourager, cette intimidation semble avoir renforcé sa résolution de faire éclater la vérité.

Le 25 octobre marque un tournant dans cette histoire. Lin Beichuan franchit une ligne rouge en publiant le nom d’une figure clé qu’il accuse d’être impliquée. Sur son compte principal, il écrit : « La personne que je dénonce est la seule à avoir été visée par moi nommément. Je l’ai pratiquement dénoncée en face à face. »

Sur son compte de secours, il ajoute des précisions qui font froid dans le dos : « C’est lui le personnage principal, l’artère vitale. Quiconque a publié à son sujet a été convoqué. Les autres ne sont que des faire-valoir et de la chair à canon pour détourner l’attention. » Les photos accompagnant ses publications sont immédiatement censurées par le système, mais dans la section commentaires, un nom émerge rapidement : Wang Xiaohong (王小洪).

Ce dernier occupe actuellement le poste de conseiller d’État et ministre de la Sécurité publique de la République populaire de Chine. Si les accusations s’avéraient fondées, cela signifierait qu’un des plus hauts responsables de la sécurité du pays protège les suspects dans cette affaire.

Le lendemain, conscient du danger, le vétéran publie un message prémonitoire sur son compte de secours. Il prévient ses abonnés que s’il disparaît longtemps ou publie soudainement des messages contraires à ses convictions, cela signifiera qu’il a été placé sous contrôle. Il affirme qu’il ne cédera jamais et ne prononcera pas de paroles trahissant ses principes. Puis il conclut sobrement : « Personne ne peut m’aider. Attendez patiemment mon retour. »

Le 28 octobre, ses craintes se matérialisent. Son compte de secours est supprimé, tandis que son compte principal est réduit au silence. Sa géolocalisation indiquant Pékin, les internautes en déduisent qu’il a été convoqué une seconde fois dans la capitale.

Un blogueur chinois censuré dans l’affaire Yu Menglong révèle les dessous du pouvoir

Selon des sources proches du dossier, cette dénonciation a provoqué des remous jusqu’aux plus hauts échelons du pouvoir. L’oncle de Lin Beichuan, qui travaille pour l’Assemblée populaire nationale, aurait été convoqué à une réunion. Toutes les personnes au courant de la vérité ont été interrogées.

Un informateur ayant lui aussi tenté de dénoncer cette personnalité raconte avoir été convoqué pour « boire du thé » – euphémisme désignant un interrogatoire par la police. Il confirme qu’il s’agit du plus haut responsable d’un certain département. « Ce que le Parti communiste chinois (PCC) craint le plus, c’est la diffusion de la vérité. Surtout quand l’affaire prend cette ampleur, il est impossible qu’ils ne réagissent pas. L’enquête est d’une rigueur sans précédent », explique-t-il.

L’ informateur ajoute avec gravité : « Cette fois, il (Lin) affronte vraiment le système de face. J’espère que quelqu’un le protégera, sinon sa situation est très incertaine. C’est le moment où le pouvoir de la famille compte. »

Le journaliste Li Muyang, figure médiatique reconnue, a consacré une émission à cette affaire sur sa chaîne YouTube « Xinwen Kandian Li Muyang » (新闻看点李沐阳). Des internautes lui ont confirmé par courriel que la personne dénoncée par l’ancien militaire serait bien Wang Xiaohong. En tant que conseiller d’État et ministre de la Sécurité publique, ce dernier dispose effectivement des moyens de protéger les suspects, ce qui souligne l’ampleur de leurs connexions.

Li Muyang révèle que le principal suspect, connu sous le pseudonyme « Jiguangguang » (极光光) et dont le véritable nom serait Li Ming (李明), possède une identité stupéfiante : il serait le petit-fils de Li Peng (李鹏), ancien Premier ministre, fils de Li Xiaoyong (李小勇, deuxième fils de Li Peng) et de Ye Xiaoyan (叶小燕, petite-fille de Ye Ting, général ayant participé à la prise du pouvoir du PCC). Bien que Li Peng soit décédé, l’influence de la famille demeure considérable, incarnant une dynastie rouge typique.

Des suspects aux origines aristocratiques

Un autre suspect, Cai Yijia (蔡乙嘉), serait le fils illégitime de Cai Qi (蔡奇), membre actuel du Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste chinois. Pour le journaliste Li Muyang, si ces rumeurs s’avéraient, cela signifierait que l’affaire dépasse largement le cadre du monde du spectacle. Il émet l’hypothèse d’un possible échange de pouvoir entre Wang Xiaohong et Cai Qi.

Ces révélations explosives expliquent pourquoi le système de censure s’active avec une telle véhémence. Lorsque des noms aussi puissants émergent, la machine répressive se met en marche pour étouffer toute information susceptible de ternir l’image de ces familles princières du régime.

L’appel audacieux de Lin Beichuan, ancien militaire

Le 30 octobre, après avoir créé un nouveau compte sous le nom de « Lin Beichuan_Number2 », le lanceur d’alerte franchit une nouvelle étape. Il explique que son compte principal a été supprimé parce que Weibo l’avait certifié comme vétéran, et qu’on lui a interdit d’utiliser désormais cette identité pour s’exprimer. « Je ne sais pas quand je pourrai me reconnecter la prochaine fois », admet-il.

Mais plutôt que de capituler, il publie une photo de sa carte de vétéran militaire accompagnée d’une déclaration retentissante : « Je suis un sous-officier à la retraite des forces spéciales frontalières de l’Armée populaire de libération de Chine. C’est probablement la dernière fois que je m’exprime avec cette identité. Seule l’armée peut contrebalancer le pouvoir politique. L’armée et le gouvernement doivent se contrôler mutuellement. »

Son appel est direct et puissant : « Je supplie les officiers ou sous-officiers à la retraite, si possible, d’utiliser votre identité pour dénoncer et faire pression afin que la vérité éclate. Je supplie tous les groupes militaires : même si un seul se manifeste, c’est déjà bien. Plus il y aura de militaires qui se lèveront, plus je pourrai représenter ce groupe et soumettre officiellement toutes les preuves. »

Cette initiative a provoqué une explosion sur Weibo. De nombreux vétérans ont répondu à son appel dans les commentaires. Les internautes ont massivement partagé et étiqueté ses publications, saluant le courage de ce lanceur d’alerte qui ose défier ouvertement les plus hautes sphères du pouvoir.

Une mobilisation citoyenne inédite

Dans son émission YouTube, Li Muyang confirme que selon ses informations, Lin Beichuan se trouve encore en sécurité pour le moment. Il appelle toutefois à ne pas perdre de vue l’essentiel : « Il faut maintenir l’attention sur l’événement lui-même. » Le journaliste souligne que cette mobilisation citoyenne est sans précédent, car elle touche un groupe traditionnellement discipliné et loyal au régime : les anciens militaires.

Les internautes chinois expriment leur soutien avec émotion : « Lin Beichuan porte bien son nom, il a une droiture exemplaire. Que le ciel le protège. » D’autres ajoutent : « Espérons que tous les médias indépendants qui prennent la parole pour cette affaire et Lin Beichuan restent en sécurité. Vous êtes des messagers de la justice. »

Certains appellent même au boycott économique : « Nous sommes peut-être insignifiants, mais nous pouvons serrer nos porte-monnaie et boycotter l’industrie du divertissement chinois. Ne regardons ni séries ni films, ne dépensons pas un centime pour eux. » D’autres vont plus loin en identifiant les applications de vidéos courtes comme faisant partie de l’écosystème à éviter : « Les gens malfaisants censurent l’acteur, nous censurons le divertissement. Ne regardez pas non plus les mini-séries, Fanqie et Hongguo font aussi partie de leur industrie. »

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