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Homme. Confucius et le sens donné à la vie : une leçon pour les hommes d’aujourd’hui

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Parmi les nombreux récits transmis à travers l’histoire de la Chine, un épisode concernant Confucius continue de résonner d’une intensité singulière. Lors d’un voyage entre les royaumes de Chen et de Cai, Confucius et ses disciples furent privés de nourriture pendant sept jours. L’enseignement tiré de cette expérience est encore d’actualité aujourd’hui.

Affamés, épuisés et plongés dans l’incertitude, Confucius et ses disciples se retrouvèrent totalement démunis. Pourtant, Confucius garda son calme. Il continua de réciter de la poésie, d’enseigner les classiques et de jouer de la musique, comme si l’absence de nourriture n’avait aucunement perturbé son équilibre intérieur.

Ses élèves restèrent incrédules face à son détachement. Zilu, l’un de ses plus proches disciples, finit par lui demander comment il pouvait encore chanter et jouer de la musique dans de telles conditions. Confucius répondit par une phrase qui allait traverser les siècles de philosophie morale : « Un homme de bien reste inébranlable dans l’adversité ; un homme mesquin se perd face à la pauvreté. »

Confucius enseigne comment préserver son orientation intérieure

Confucius et le sens donné à la vie : une leçon pour les hommes d’aujourd”hui
Pour Confucius, l’urgence en temps de crise n’était pas de se nourrir, mais de préserver son orientation intérieure. Perdre sa boussole éthique dans des conditions extrêmes était, à ses yeux, un échec plus profond que la privation matérielle elle-même. (Image : wikimedia / Кано Таніу / Domaine public)

Son message était simple, mais néanmoins exigeant. Une personne intègre ne renonce pas à ses principes moraux lorsque les circonstances s’effondrent. Les épreuves révèlent le caractère plutôt que de justifier son érosion. 

Pour Confucius, l’urgence en temps de crise n’était pas de se nourrir, mais de préserver son orientation intérieure. Perdre sa boussole éthique dans des conditions extrêmes était, à ses yeux, un échec plus profond que la privation matérielle elle-même.

Cette conception repose sur une idée centrale du confucianisme : le Tao comme fondement de la vie humaine. Dans cette tradition, le Tao n’est pas une croyance abstraite ni un idéal lointain. Il est la source des valeurs, le cadre qui donne cohérence au monde intérieur d’une personne. Il oriente la pensée, stabilise les émotions et ancre l’action.

Confucius et le sens donné à la vie : une leçon pour les hommes d’aujourd”hui
Selon Confucius, l’adversité devient l’épreuve ultime de la vie intérieure d’une personne. « Rester serein dans la pauvreté tout en restant fidèle au Tao » ne suggère ni résignation ni passivité. Cela signifie permettre à un sens supérieur du devoir de régir la souffrance, afin que les épreuves extérieures ne perturbent pas l’harmonie intérieure. (Image : wikimedia / See page for author / Domaine public)

Lorsque Confucius a été confronté à la faim, au danger et à l’isolement, son calme n’était pas le fruit du déni ou de l’optimisme. Il reflétait une vie structurée par une orientation – un sens - plutôt que des circonstances.

De ce point de vue, l’adversité devient l’épreuve ultime de la vie intérieure d’une personne. « Rester serein dans la pauvreté tout en restant fidèle au Tao » ne suggère ni résignation ni passivité. Cela signifie permettre à un sens supérieur du devoir de régir la souffrance, afin que les épreuves extérieures ne perturbent pas l’harmonie intérieure.

Une orientation claire n’efface pas la douleur, mais elle nous empêche de sombrer dans le chaos.

L’influence de Confucius résonne à travers les siècles

Confucius et le sens donné à la vie : une leçon pour les hommes d’aujourd”hui
L’influence de Confucius résonne à travers les siècles. (Image : wikimedia / 唐吉訶德的侍從, CC0)

Des siècles plus tard, une pensée similaire a émergé d’un contexte radicalement différent.

Viktor Frankl, (1905 - 1997) un psychiatre autrichien emprisonné dans les camps de concentration nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, a été confronté à une souffrance d’une ampleur qui défie l’entendement. Après avoir survécu, il a développé ce qui est connu aujourd’hui sous le nom de logothérapie, ou thérapie destinée à sensibiliser l’individu au sens de sa vie.

Son argument principal a remis en question de nombreuses hypothèses de la psychologie moderne : la motivation première de l’être humain n’est ni le plaisir ni le pouvoir, mais la quête de sens. 

Les idées de M. Frankl ont été directement influencées par ce dont il avait été témoin dans les camps. Il avait observé que la survie était étroitement liée à l’orientation intérieure d’une personne. Ceux qui conservaient un sens à leur existence, comme l’amour et le dévouement envers leurs proches, la responsabilité envers un travail inachevé ou la foi en quelque chose qui transcende la souffrance immédiate, parvenaient souvent à endurer la souffrance.

Ceux qui perdaient ce sens à leur vie perdaient fréquemment l’envie de vivre

Viktor Frankl remarqua un détail anodin mais révélateur. Dans les camps, les cigarettes pouvaient être échangées contre de la nourriture. Lorsqu’un prisonnier choisissait de fumer sa dernière cigarette plutôt que de l’échanger, cela signifiait souvent qu’il se résignait. Ce geste était moins lié au besoin de nicotine qu’à l’effondrement de tout espoir d’avenir. Sans raison de vivre, même la survie perdait son caractère d’urgence.

Viktor Frankl lui-même survécut en renforçant son monde intérieur en toute conscience. Il se souvenait fréquemment de sa femme, Tilly, même s’il ignorait si elle était encore en vie. La présence imaginaire de l’amour : ce sentiment de connexion et de responsabilité, était devenu une source de stabilité intérieure.

Ses travaux montrent que les êtres humains vivent non seulement dans la réalité extérieure, mais aussi au sein d’un paysage moral et émotionnel intérieur. Même sous une contrainte absolue, cet espace intérieur demeure, dans une certaine mesure, un domaine de choix.

Cette observation permet de comprendre pourquoi la souffrance n’a pas d’effet similaire d’une personne à une autre.

La douleur est inévitable dans la vie humaine, mais sa signification n’est pas prédéterminée. Lorsque l’on comprend l’épreuve comme partie intégrante de quelque chose de plus grand : l’amour, la responsabilité, la croissance ou la fidélité à des valeurs, elle devient supportable.

Prendre soin d’un proche malade, par exemple, peut être épuisant. Pourtant, lorsque cette épreuve est ancrée dans l’amour, elle ne semble plus vaine.

Confucius et le sens donné à la vie : une leçon pour les hommes d’aujourd”hui
La patience tranquille de Confucius nous enseigne une leçon qui semble étonnamment contemporaine. (Image : wikimedia / 孔子 / Domaine public)

La vie moderne ressemble assez rarement à l’extrême dureté de l’exil ou des camps de concentration d’autrefois. Néanmoins, ses pressions sont persistantes et corrosives.

L’anxiété face à l’avenir, l’épuisement émotionnel et la solitude sont devenus des expériences que l’on rencontre souvent dans la vie moderne. Nombreux sont ceux qui vivent dans un état de tension permanente, tiraillés entre les exigences extérieures et leurs incertitudes intérieures.

La patience tranquille de Confucius nous enseigne une leçon qui semble étonnamment contemporaine. La stabilité ne vient pas de l’élimination de la pression, mais du développement d’une cohérence intérieure. Dans les moments d’anxiété, l’orientation est plus importante que le soulagement. Dans les moments difficiles, la fidélité aux valeurs est plus importante que le confort.

« Rester serein dans la pauvreté tout en restant fidèle au Tao » n’est pas un slogan moral désuet. C’est un rappel que l’ordre intérieur ne dépend pas de conditions idéales.

Le sens donné à la vie n’attend pas la stabilité. Il se construit précisément dans les moments de désordre.

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« Rester serein dans la pauvreté tout en restant fidèle au Tao » n’est pas un slogan moral désuet. C’est un rappel que l’ordre intérieur ne dépend pas de conditions idéales. (Image : wikimedia / inconnu, versement et modifications ː G.Garitan / Domaine public)

Nous n’avons pas besoin d’un monde parfait pour commencer à façonner une vie intérieure en lui donnant une direction et un sens. Comprendre pourquoi nous endurons est en soi une forme de résistance, qui permet à l’esprit humain de rester intact, même lorsque les circonstances sont défavorables.

Rédacteur Yasmine Dif

Source : Confucius and the Quiet Strength of Meaning

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