Les microfermes montrent un chemin possible vers une agriculture approvisionnant des circuits courts et le marché local. Elles sont respectueuses de la terre, de l'air et de l'eau, avec peu de machines, sans produits de synthèse. Basées sur le naturel pour bien nourrir les hommes, elles redonnent espoir, en contrepoint d'une agriculture en difficulté.
L'alternative des microfermes pour des produits agricoles de proximité
L'industrialisation de l'agriculture en Occident a entraîné un agrandissement important des fermes et un machinisme agricole impressionnant qui ont rendu le métier d'agriculteur financièrement inaccessible à beaucoup. Cette agriculture, devenue dépendante des marchés mondiaux, s'est plus ou moins désinvestie dans l'approvisionnement des besoins locaux, qu'ils soient alimentaires ou autres. Peut-elle faire encore rêver ?
Pourtant, acheter un lopin de terre, vivre à la campagne, proche de la nature, cultiver la terre et pouvoir en vivre, est toujours un rêve partagé par de nombreux jeunes et moins jeunes, venant de tous horizons et aux parcours très différents. Les microfermes peuvent répondre à ce désir légitime de sens, de naturel, d'essentiel, mais il ne faudra pas ménager sa peine pour pérenniser le projet.

Le terme de microfermes désigne de très petits domaines agricoles ayant généralement une surface de terres exploitables, allant de 2000 à 15 000 m² (1,5 ha). Les productions agricoles peuvent être diversifiées, issues de cultures vivrières, d'un petit élevage ou de l'arboriculture. La diversification optimise l'utilisation de l'espace, crée de la synergie entre les différentes cultures, augmente la résistance aux aléas du temps.
Les microfermes se caractérisent par un travail peu ou pas mécanisé, par des pratiques agricoles respectueuses de la nature, et par la vente en circuits courts. Chez les consommateurs, l'offre de denrées alimentaires produites localement dans de telles conditions est souvent plébiscitée.
Des possibilités d'installation facilitées et des pratiques agricoles diversifiées
L'un des atouts de la microferme réside dans les coûts d'installation relativement faibles, alors que les exploitations conventionnelles nécessitent de gros investissements en foncier et en matériel. Ainsi de nombreux candidats au paysannat, n'ayant ni gros capital, ni héritage agricole, peuvent quand même se lancer dans le projet qui leur tient à cœur.
Selon l'article Micro-fermes : pourquoi elles séduisent de plus en plus les nouveaux agriculteurs, du site agrimotoculture.fr, la taille réduite et la flexibilité des microfermes permet d'expérimenter plus facilement des techniques agricoles bénéfiques. Ainsi la permaculture et l'agroforesterie, qui suscitent l'intérêt, en sont deux exemples.

La permaculture est une approche globale de l'agriculture. Elle s'inspire des systèmes végétatifs naturels pour créer des écosystèmes agricoles productifs. Par exemple, une haie servira à protéger du vent et du soleil, elle servira aussi d’habitat pour les oiseaux, les insectes et d'autres animaux et elle sera source de fruits, de bois, et éventuellement d'herbes sauvages ou aromatiques.
L'agroforesterie associe sur une même parcelle arbres et cultures ou arbres et élevage. Elle permet d'optimiser l'espace et de favoriser une symbiose à différents niveaux entre les arbres et les cultures ou les animaux. L'agroforesterie peut se concrétiser, par exemple, par des allées de fruitiers entre des planches de légumes ou de céréales, ou par des plantations d'arbres abritant un petit élevage et en bénéficiant.
Une autre pratique agricole, datant de millénaires, est l'utilisation de la traction animale pour travailler la terre, qui est bien adaptée au maraîchage. Il y a bien d'autres méthodes à découvrir et utiliser, dont beaucoup héritées du passé.
La question de la viabilité à long terme des microfermes
Cependant, ces microfermes qui renouent avec une vie simple, sensée et créative, sont-elles viables à long terme ? Kevin Morel, chercheur à l'INRAE, a voulu comprendre les stratégies de ces paysans pour garantir la viabilité de leur projet. Il a étudié avec son équipe une vingtaine de microfermes dans la partie nord de la France.
Les choix pour rendre ces fermes viables sont très diversifiés. Au-delà de critères techniques et économiques, ils répondent avant tout aux aspirations des maraîchers dans leurs convictions et leurs engagements, dans leur qualité de vie ou leur autonomie . Le maraîchage occupe souvent une place prépondérante dans la production de la microferme, car c'est une activité très rémunératrice et assez facile à mettre en œuvre .

En prenant les données chiffrées d'une dizaine de ces microfermes, Kevin Morel a confirmé leur capacité à être viable économiquement. Néanmoins, des investissements à bas coût, tels que l'autoconstruction ou l'achat de matériel d'occasion peuvent se révéler chronophages et réduire la rentabilité de l'entreprise agricole.
Il y aurait une progression constante du nombre de microfermes dans les campagnes françaises, selon l'article du 24 juin 2025, Retour sur les micro-fermes, du site revue-sesame-inrae.fr. Suite à une étude récente, Alix Bell, chargée de mission à l'INRAE, soulignait : « Nous avons aussi remarqué que la satisfaction ne se résume pas à la question du revenu horaire. Certains de ces micromaraîchers sont satisfaits, même avec une rémunération inférieure au Smic, parce qu’elle peut parfois être complétée par une autre activité ou bien parce que l’atteinte d’un revenu disponible horaire élevé n’est pas leur objectif principal. En tout cas, la “réussite” ne se lit pas uniquement par le prisme économique ».
L'espoir d'une agriculture revalorisée
Ce constat ne satisfait pas le chercheur Kevin Morel, qui s'obstine sur la question du temps de travail trop long dans ces petites structures maraîchères, au regard de revenus souvent au-dessous du Smic horaire.
Cependant, certains organisent mieux que d'autres leur temps de travail et s'aménagent plus facilement du temps libre. Alix Bell donne cet avis : « Ils sont souvent motivés par deux aspects qu’ils doivent équilibrer au mieux : être utile à la société et avoir plus de temps à eux. Or, pour ce dernier point, ils sont soumis au rythme des saisons et aux aléas de la météo qui ne garantissent pas d’avoir un week-end libre.

Les agriculteurs ont une vision particulière de leur travail. Ils travaillent beaucoup, mais ils ne comptent pas leurs heures. Beaucoup d'entre eux se sentent investis du devoir de nourrir les hommes et prennent à cœur leur métier.
Néanmoins, depuis plusieurs décennies, le métier d'agriculteur s'est plutôt déshumanisé, a perdu de son sens initial. La mondialisation des marchés agricoles et un revenu dépendant de subventions, tendent à avilir et démotiver l'agriculteur. Le sentiment d'abandon, voire de désespoir, ajouté à une lourde charge de travail et de responsabilité, sont trop souvent présents et difficiles à supporter.
Les microfermes, maintiennent l'espoir d'une agriculture à la portée de tous. Pourra-t-on redonner toute sa place et sa valeur, et de bonnes conditions d'exercice, à ce métier indispensable pour nourrir l’homme et pour préserver son environnement naturel harmonieux ? Des jeunes s'impatientent de pouvoir simplement continuer le travail des aînés.
Collaboration Eve Saint-Michel
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