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Histoire. La lutte de l’Église catholique romaine contre l’hérésie cathare (2/3)

FRANCE > Histoire

Dans cette période où l’Eglise catholique devenait puissante et riche, se propageaient pourtant des dissidences chrétiennes. Dans certaines régions, l’opulence de l’Église romaine, et la conduite de certains curés et prélats, ne délivraient pas un bon exemple de vie religieuse et nuisaient à l’adhésion du peuple, provoquant des dissidences. L’Église eut recours successivement à trois moyens pour venir à bout de l’hérésie cathare : la prédication, la croisade et l’inquisition.

Saint Dominique rencontra les Cathares et pleura

Tous ceux qui avaient rencontré Dominique de Guzman (1170-1221) en témoignaient, il était dévoré de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. Cela rayonnait dans son comportement.

Dominique de Guzman entra dans la vie religieuse vers l’âge de 25 ans, comme chanoine d’Osma en Castille (Espagne) où il se fit très vite remarquer par son talent extraordinaire de prédication. Quand il parlait de Jésus, les gens venaient, les jeunes aussi étaient attirés. Ce n’était pas qu’il maniait brillamment la rhétorique, les grandes phrases ou les citations, c’était quelque chose qui émanait de son cœur.

L’évêque d’Osma aussi l’avait repéré. Un jour, le roi de Castille voulut envoyer l’évêque d’Osma en ambassade au Danemark, afin de lui ramener une épouse. Il voulait faire une alliance avec ce pays du Nord. L’évêque accepta et demanda à Dominique de l’accompagner.

Ils traversèrent les Pyrénées et se trouvèrent dans le Midi, au sud de la France. Là, ils furent frappés par le fait suivant : ils ne rencontraient que des Cathares, pratiquants d’un christianisme qu’ils ne reconnaissaient pas. Ils logeaient parfois chez des moines cisterciens, qui leur confiaient leur désappointement.

Dans La vie de Saint Dominique, Arnaud Dumouch, agrégé en science religieuse, raconte : « Dominique observe et prie. Il passe des nuits en prière pour ces pauvres gens. Il est convaincu qu’en étant dans l’hérésie, ils ne seront pas sauvés. Que deviendront ces pauvres pêcheurs ? Il pleure. Il se met même au pied de la croix, suppliant pour que des grâces tombent et l’aide à enseigner à ces personnes que Jésus-Christ est le Dieu tout-puissant, et que rien n’arrive aux hommes, y compris les malheurs, si ce n’est pour purifier leur cœur et les amener à la vie éternelle. »

La lutte de l’Église catholique romaine contre l’hérésie cathare
« Dominique observe et prie. Il passe des nuits en prière pour ces pauvres gens. Il est convaincu qu’en étant dans l’hérésie, ils ne seront pas sauvés. » (Image : wikimedia / Fra Angelico / Domaine public)

Les prédications de Saint Dominique aux Cathares

L’évêque d’Osma et Dominique arrivèrent à Toulouse où le seigneur de cette ville, le comte Raymond VI, soutenait le mouvement hérétique. L’hôte de l’auberge où ils séjournèrent était Cathare. Dominique engagea un dialogue théologique très profond avec lui. La discussion fut longue et salutaire. Au bout de la nuit, l’hôte fut convaincu qu’il n’y avait qu’un seul Dieu tout-puissant, que la Terre était un passage conduisant à la vie éternelle.

« … si ce corps est fragile, soumis à des tentations, cela ne vient pas du démon, mais parce que Dieu le permet pour éviter en nous l’orgueil. (..) Car le grand risque, c’est l’orgueil, se croire quelqu’un. Or, le paradis est donné aux gens humbles, aux gens repentants, aux gens qui veulent aimer Dieu et le prochain. C’est tellement plus harmonieux. » rapporte encore Arnaud Dumouch.

La conversion de l’hôte au catholicisme marqua Dominique. Certainement, fallait-il être formé en théologie et aimer Dieu, mais il croyait fermement que c’était par la parole, par la vérité qui avait sa propre force, que l’hérésie cathare disparaîtrait.

Cette obsession du salut des âmes travaillait Dominique de Guzman. Comment faire ? Il savait qu’il avait du talent pour la prédication. Après la fin de leur mission au Danemark, Dominique voulut continuer dans la voie de la prédication et son évêque fut d’accord avec lui. Ils allèrent voir le pape et le supplièrent de les envoyer en mission dans des contrées au nord, sans religion. Le pape Innocent III dit : « Vous irez dans le sud de la France, auprès des Cathares. Il leur dit qu’il allait y envoyer aussi trois de ses représentants, des abbés cisterciens (Pierre de Castelnau, Arnaud Amaury et frère Raoul), et qu’ils les accompagneraient. »

Ils commencèrent leur mission de prédication dans les villes et villages cathares, mais ils n’eurent pas de ralliement à la foi catholique. Dominique observa, il avait toujours dans son cœur la conversion au catholicisme de l’aubergiste toulousain. Il dit à ses compagnons prêcheurs : « Il faut renoncer à nos richesses. Nous devons être plus pauvres que les pauvres qui sont leurs évêques. Nous devons montrer l’exemple par notre charité. Nous devons aussi débattre avec eux, débattre dans la charité, ne pas les insulter, les respecter, utiliser seulement l’arme du Christ, l’épée du Christ qui est l’argumentation intelligente accompagnée de l’amour. »

Alors l’évêque d’Osma renvoya en Espagne ses équipages, ses serviteurs, ses chevaux. Il rendit tout et se revêtit comme un pauvre. Il devint pauvre et Dominique aussi.

La lutte de l’Église catholique romaine contre l’hérésie cathare
Par trois fois, on jeta dans le feu le manuscrit de Dominique, et par trois fois, il ne brûla pas. (Image : wikimedia / APedro Berruguete / Domaine public)

La parole de Dominique approuvée lors d’une joute orale

En 1207, Dominique avait 35 ans et une première joute orale avec les cathares fut organisée, à Montréal, près de Carcassonne. Il avait lui-même voulu cette joute pour, à plus grande échelle, convaincre de l’hérésie cathare. Les gens de la région furent prévenus : il y aurait une disputation qui allait durer plusieurs jours. De partout, on se pressa comme au spectacle.

Après plusieurs jours de joute orale, manifestement, les arguments de Dominique avaient triomphé, ils étaient allés droit au cœur du public. Les gens étaient prêts à revenir au catholicisme. On rapporta un événement à la fin de cette joute : les évêques cathares décidèrent d’en appeler à l’ordalie. L’ordalie consistait, lorsqu’il y avait un conflit théologique, à faire appel au jugement de Dieu : on mettait au feu les manuscrits de chacun, là où la doctrine était écrite, et on regardait celui que Dieu épargnait.

Par trois fois, on jeta dans le feu le manuscrit de Dominique, et par trois fois, il ne brûla pas. Les cathares, émus par ce miracle, auraient ensuite soigneusement caché ce qui s’était passé ce jour-là.

Malgré tout, peu de gens retournèrent à la foi catholique. Les cisterciens se découragèrent et rentrèrent à leurs monastères. Si bien qu’après toutes ces années de mission, il ne resta que trois hommes, Dominique, l’évêque d’Osma et un jeune prêtre. Ils s’installèrent à quelques kilomètres de Montréal, dans le village de Fanjeaux, en fief cathare, pour continuer à lutter contre l’influence des « parfaits ».

Fanjeaux était une citadelle audoise où le catharisme était pratiqué publiquement. La noblesse locale était cathare, ainsi que la bourgeoisie et le peuple, composé principalement de tisserands.

En 1206-1207, Saint Dominique y fonda le monastère de Prouilhe, y établissant des femmes converties du catharisme par sa prédication : la communauté de Prouilhe était née, prémices de ce qui deviendrait l’Ordre des Prêcheurs. C’est au monastère de Prouilhe en 1208 que la Sainte Vierge, se donnant le nom de Notre Dame du Rosaire, apparut à Saint Dominique et lui remit un rosaire (grand chapelet) pour la prière.

La lutte de l’Église catholique romaine contre l’hérésie cathare
Notre Dame du Rosaire apparut à Saint Dominique et lui remit un grand chapelet pour la prière. (Image : wikimedia / Guido Reni / Domaine public)

L’événement qui décida de la croisade contre les Cathares

Dans cette période, advint un événement violent qui allait, par la suite, faire couler beaucoup de sang. Pierre de Castelnau, le légat du pape, eut l’idée de former, avec les seigneurs provençaux, une ligue militaire pour protéger les chrétiens. Seul le puissant comte de Toulouse Raymond VI refusa d’y prendre part. Un tel refus signifiait pour l’Église un aveu de protection des hérétiques.

Le 14 janvier 1208, après une entrevue où Pierre de Castelnau menaça Raymond VI d’excommunication et de dépossession de ses immenses terres du Languedoc pour son soutien aux Cathares, le légat du pape fut poignardé par un officier du comte Raymond VI de Toulouse.

Pierre de Castelnau fut déclaré martyr, puis béatifié par Innocent III. Le meurtre du légat eut un retentissement énorme dans la société chrétienne et décida du début de la croisade contre les Cathares.

À suivre...

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