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Histoire. Le pouvoir innovateur et modernisateur de l’autoritaire empereur Napoléon III

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Depuis quelques années, Napoléon III est redécouvert par les historiens pour son rôle fondamental d'innovateur et de modernisateur de la France au milieu du XIXe siècle. Cette modernisation, découlant de la révolution industrielle, se concrétisa principalement dans l'action et les avancées économiques et sociales de notre pays. En outre, la France retrouva une place prépondérante dans les relations internationales.

Après les échecs répétés de la monarchie constitutionnelle en France, dans la première moitié du XIXe siècle, et la fuite du dernier roi, un homme providentiel allait se hisser à la tête de la nation grâce au tout nouveau suffrage universel en France, réservé aux hommes (les femmes durent attendre presque un siècle encore).

Il y avait sept candidats à cette première élection du Président de la République en décembre 1848 et il fut élu par 74% des suffrages exprimés, loin devant le favori des modérés et des notables, second avec 19% des suffrages. Cet homme était Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, fils de l'ancien roi de Hollande, Louis Bonaparte, et neveu de Napoléon Ier. Dans cette période, le nom de Bonaparte rassemblait encore beaucoup de français.

Son parcours et ses écrits, avaient déjà montré sa volonté d'accéder au pouvoir et de gouverner la France. Il avait tenté par deux fois de s'emparer du pouvoir par la force sous le règne de Louis-Philippe, mais sans succès. Cela lui valut l'exil la première fois, puis la deuxième fois la prison à vie, mais il s'évada et se réfugia à Londres. Durant cette période, il exposa dans un livre, Des idées napoléoniennes, et une brochure, Extinction du paupérisme, ses idées politiques et sociales.

Le pouvoir innovateur et modernisateur de l'autoritaire empereur Napoléon III
Un homme providentiel se hissa à la tête de la nation grâce au tout nouveau suffrage universel en France. (Image : wikimedia / Auteur inconnu / Domaine public)

Le pouvoir autoritaire d'un homme soutenu par le peuple

Louis-Napoléon souhaitait établir un rapport plus direct entre le chef de la nation et le peuple. Il pouvait ainsi avoir recours au plébiscite, posant des questions au peuple français et tenant compte des réponses. Dans notre histoire contemporaine, il fut celui qui fit le plus de déplacements à travers le pays, visitant une cinquantaine de départements.

Il pratiqua une forme de populisme durant sa présidence de la République. « Ayant une marge de manœuvre extrêmement réduite, il prendra le peuple à parti, du fait que les notables qui siègent à l'assemblée et dans son gouvernement ne lui permettent pas de réaliser ses idées généreuses. Dans son discours à Saint-Quentin (…) il dira : "Mes vrais amis ne sont pas sous les lambris dorés des ministères, ils sont sous le chaume des fermes" », indique l'historien Eric Anceau dans la production vidéo Napoléon III, un modernisateur incompris.

En 1851, Louis-Napoléon fut en désaccord avec l'Assemblée nationale, qui voulait majoritairement l'adoption d'une loi restreignant à nouveau le nombre d'électeurs, loi qui fut déjà probablement fatale à la monarchie constitutionnelle. De plus, selon la Constitution, il ne pouvait pas être réélu pour un second mandat présidentiel. Le président de la République déclencha alors le coup d'Etat du 2 décembre 1851, qui lui permit de devenir empereur.

Des dizaines de milliers de soldats furent déployés dans la capitale. L'Assemblée nationale fut dissoute après l'arrestation de 230 députés royalistes ou républicains. Le lendemain des barricades s'élevèrent à nouveau dans Paris. Cependant l'ordre public fut rapidement rétabli mais au prix d'un lourd tribut humain de 400 morts, 500 blessés, et 26 000 arrestations les jours suivants à Paris et dans les villes de province. 

Le pouvoir innovateur et modernisateur de l'autoritaire empereur Napoléon III
L'Assemblée nationale fut dissoute après l'arrestation de 230 députés royalistes ou républicains, et le lendemain des barricades s'élevèrent à nouveau dans Paris. (Image : wikimedia / Louis-Ernest Pichio / Domaine public)

L'historien Jean Sévillia résume ainsi le paradoxe de la IIe République qui porta Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir : « née d'une révolution parisienne contre la monarchie parlementaire, dotée par la province d'une Assemblée aux trois quarts royaliste, elle se termine par un coup d'Etat qui profite à un dictateur, avec le consentement du pays ». En effet, le plébiscite des 21 et 22 décembre 1851 confirma le soutien du peuple à l'autoritarisme de Napoléon III : 92% des électeurs l'approuvèrent, soit 7,4 millions de voix. 

Dès lors, les libertés furent restreintes pendant une dizaine d'années. Dans les dernières années, la pression se relâcha et l'empire devint libéral avec un régime semi-parlementaire, un régime qui avait beaucoup de similitudes avec celui qu'instaura le Général De Gaulle en début de Ve République en 1958.

La modernisation économique et sociale de Napoléon III

Louis-Napoléon se disait républicain et socialiste, inspiré par la doctrine saint-simonienne. Cette doctrine pouvait se résumer ainsi : le bonheur et l'émancipation pour tous par le travail, la solidarité, le progrès technique et les sciences. Il pensait qu'en améliorant le sort des ouvriers et des paysans, on pouvait tirer toute la société vers le haut. Devenu empereur, Napoléon III mit en œuvre ses idées exposées, en particulier, dans son ouvrage Extinction du paupérisme. De grandes lois furent adoptées.

En 1864, les coalitions ouvrières furent autorisées, les ouvriers pouvaient se réunir, se concerter et faire grève. Les sociétés de secours mutuel furent légalisées. Des caisses de retraites furent établies pour les fonctionnaires en 1853 et Napoléon III ambitionnait d'étendre ce système à l'ensemble des catégories sociales, mais la fin anticipée de son règne l'empêcha de réaliser ce programme.

Le pouvoir innovateur et modernisateur de l'autoritaire empereur Napoléon III
Les plus concrètes et les plus visibles des nombreuses initiatives de Napoléon III sont sans doute les transformations urbanistiques de Paris et d'autres grandes villes de France. (Image : wikimedia / Marville, Charles / Domaine public)

Napoléon III prit beaucoup d'initiatives nécessaires pour améliorer le sort du peuple français et particulièrement des plus pauvres. Sa politique n'était pas d’assister la pauvreté et de favoriser l'oisiveté, mais au contraire d'inciter les français à améliorer eux-mêmes leurs conditions d'existence. Dans Extinction du paupérisme, Napoléon III écrit : « La pauvreté ne sera plus séditieuse lorsque l'opulence ne sera plus oppressive ». Il appliqua le principe de redistribution des richesses de façon intelligente.

La création de banques fut très importante pour financer l'économie et particulièrement l'industrie. Des banques de dépôt comme le Crédit lyonnais et la Société générale furent aussi créées sous le Second Empire.

Globalement, les bénéfices de la prospérité française étaient réinvestis dans les infrastructures du pays et profitaient à tous. L'empereur était opposé aux impôts sur la production, selon lui les impôts devaient s'appliquer sur la consommation. « La richesse d'un pays est comme un fleuve, si on prend ses eaux à sa source, on le tarit. Si on les prend lorsque le fleuve a grandit, on peut en détourner une large masse sans en altérer le cours », souligne le prince Joachim Murat dans l'interview Napoléon III, l'empereur incompris, sur le média Institut des Libertés.

Des réalisations ou des transformations judicieuses du patrimoine immobilier, matériel ou culturel sous Napoléon III

Actuellement, les plus concrètes et les plus visibles des nombreuses initiatives et réalisations de Napoléon III sont sans doute les transformations urbanistiques de Paris et d'autres grandes villes de France, comme Lyon, Marseille, Bordeaux, Dijon ou Lille. Dans la capitale de 1853 à 1870, sous l'autorité du préfet Haussmann, de larges avenues rectilignes furent créées qui favorisèrent la circulation et le désengorgement de la ville. La plupart des quartiers anciens et insalubres furent remplacés par des immeubles aux normes architecturales strictes, en pierre de taille, avec des façades décoratives et harmonisées.

Le pouvoir innovateur et modernisateur de l'autoritaire empereur Napoléon III
Le Baron Haussmann eut la responsabilité des grands projets de construction et de rénovation de Paris entre 1853 à 1870. (Image : wikimedia / Adolphe Yvon / Domaine public)

De grands espaces verts furent réalisés comme le parc des Buttes-Chaumont ou le parc Montsouris. Les bois de Vincennes et de Boulogne furent mis en valeur. Les infrastructures de la capitale furent améliorées avec de nouveaux ponts, de nouvelles voies, la construction de gares modernes et le creusement de 600 kilomètres d'égouts. Sur le territoire national, la création de nouvelles lignes de chemin de fer, firent passer la longueur du réseau de transport par train de 3000 kilomètres quand Louis-Napoléon arriva au pouvoir en 1848 à près de 20 000 kilomètres à la fin de l'empire en 1870.

Des compagnies maritimes françaises se développèrent pour le transport international des marchandises. Elles empruntaient le Canal de Suez pour naviguer dans l'Océan indien ou continuer leurs routes maritimes vers l'Asie. Ce fut là encore Napoléon III le véritable promoteur du Canal de Suez. En prison, avant son arrivée au pouvoir, il avait déjà réfléchi à un canal pouvant relier l'Océan Pacifique à l'Océan Atlantique. Il fut percé entre 1859 et 1869 sous la direction d'un ancien diplomate français, Ferdinand de Lesseps. L'impératrice Eugénie l'inaugura en l869.

Pour couronner le tout, deux grandes expositions universelles, les premières de l'Histoire, furent organisées en France en 1855 et en 1867. A cette dernière, quinze millions de visiteurs du monde entier vinrent à Paris.

Des relations internationales conditionnées par le principe des nationalités

L'armée française de Napoléon III, alliée aux Anglais, fit la guerre à la Russie à partir de 1854, en soutien à l'empire ottoman (guerre de Crimée). En contrepartie de la victoire, Napoléon III exigea des Ottomans qu'ils libéralisent le régime qu'ils appliquaient dans les principautés balkaniques. Selon Eric Anceau : « Napoléon III peut être considéré à juste titre comme le père de l'autonomie de la Serbie et du Monténégro, et le créateur du royaume de Roumanie à partir des années 1860 ». Dans le même esprit, l'empereur déclara la guerre aux Autrichiens en 1859, pour les chasser de la péninsule italienne. Il contribua ainsi, en partie, à unifier l'Italie. 

Napoléon III entreprit aussi une expédition à but humanitaire au Liban. Suite à d'atroces massacres de chrétiens en juin 1860, deux bateaux de guerre français et deux anglais, naviguérent à toute vapeur vers Beyrouth. Début août, des représentants de plusieurs nations européennes, réunis à Paris, décidèrent une intervention navale et terrestre. La France allait fournir 6000 hommes et une escadre, les autres pays, des navires de guerre. 

Le pouvoir innovateur et modernisateur de l'autoritaire empereur Napoléon III
Napoléon III contribua à unifier l'Italie en chassant l'armée autrichienne de la péninsule. (Image : wikimedia / Théodore Gudin / CC BY-SA 3.0)

Le calme revenu, le bilan s'avéra lourd : 18 000 chrétiens massacrés, des milliers de veuves et d'orphelins, 2 000 femmes vendues dans les harems, 150 villes ou villages détruits ou pillés. Cependant, l'embrasement de tout le pays fut écarté grâce à l'intervention ferme et mesurée de Napoléon III. A Constantinople en mai et juin 1861, des compromis furent adoptés entre les différentes confessions religieuses qui apportèrent une paix durable au Liban.

L'empereur à la fin de son règne subit des revers dans sa politique militaire. L'expédition du Mexique fut un échec cuisant. Le but était de créer un grand empire catholique et latin, favorable aux intérêts français, qui puisse rivaliser avec la République des Etats-Unis d'Amérique anglo-saxonne et protestante. Mais l'empereur français avait trop présumé des forces armées, il changea de politique et abandonna le nouvel empereur du Mexique qui s’obstinait à rester. Il fut arrêté, condamné et fusillé par les républicains mexicains .

Une dernière guerre fatale au Second Empire

Enfin Napoléon III dut faire face dans les années 1860 au très avisé et déterminé chancelier Bismarck qui cherchait à établir l'unification allemande. Fidèle au principe des nationalités qui le guidait, Napoléon III y fut d'abord favorable. Cependant il se ravisa quand il prit conscience du danger. Il était bien conscient que l'armée française n'était pas prête à affronter l'armée allemande, le Parlement ayant refusé de lui donner les moyens nécessaires à son réarmement .

En outre, l'empereur était lui-même très diminué physiquement par la maladie de la pierre (lithiase rénale) et très souvent sous morphine. Son gouvernement se prit au piège du redoutable Bismarck et finit par déclarer la guerre à une Allemagne déjà trop puissante. Cette guerre sonna le glas du Second Empire, par la défaite de l'armée française à la bataille de Sedan. 

Le pouvoir innovateur et modernisateur de l'autoritaire empereur Napoléon III
A la fin de son règne, Napoléon III fut très malade et trop diminué physiquement pour gérer correctement la guerre avec l'Allemagne. Il meurt en 1873, exilé en Angleterre. (Image : wikimedia / Wilhelm Camphausen / Domaine public)

Napoléon III, à la fin du Second Empire, après plus de deux décennies à la tête de la nation, laissait à la France un patrimoine impressionnant de nouvelles infrastructures, de villes judicieusement rénovées, de nouvelles et nombreuses voies de transports et de circulation. Il laissait aussi, et ce n'était pas de moindre importance, des outils et des services remarquables et bénéfiques pour les entreprises et pour une économie prospère. Il avait de plus redonner de la dignité aux catégories sociales les plus exploitées par «l'ogre» de la révolution industrielle, et les moyens de leur défense et de leur émancipation par l'union, la solidarité et de nouveaux droits sociaux.

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