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Histoire. Le gendre qui chevauche le dragon : origine de l’expression chinoise du mari idéal

CHINE ANCIENNE > Histoire

De l’Antiquité à nos jours, trouver le gendre idéal demeure le rêve de toute famille chinoise. Mais connaissez-vous l’origine de l’expression : « le gendre qui chevauche le dragon » ? Cette tradition millénaire puise ses racines dans une légende romantique du royaume de Qin pendant la période des Printemps et Automnes (770-476 av. J.-C.), immortalisée par les lettrés de la Chine impériale.

La rencontre de Xiao Shi et de Nongyu : une légende du gendre qui chevauche le dragon devenue éternelle

Dans la culture traditionnelle chinoise, l’expression chéng lóng kuài xù(乘龙快婿), littéralementle gendre rapide qui chevauche le dragon, désigne le mari parfait que toute famille souhaite pour sa fille. Cette expression trouve son origine dans une histoire extraordinaire rapportée par Liu Xiang (77-6 av. J.-C.), célèbre lettré de la dynastie des Han occidentaux (206 av. J.-C. - 9 apr. J.-C.), dans son ouvrageBiographies légendaires des Immortels taoïstes de l’Antiquité(列仙传, Liexian Zhuan).

Selon les Biographies légendaires des Immortels taoïstes de l’Antiquité, chapitre consacré à Xiao Shi : Xiao Shi était un homme qui vivait à l’époque du duc Mu de Qin (règne : 660-621 av. J.-C., période des Printemps et Automnes). Il savait admirablement jouer de la flûte verticale chinoise (簫, xiao), et pouvait par sa musique attirer des paons et des grues blanches dans la cour. 

Le duc Mu avait une fille nommée Nongyu qui aimait aussi cet instrument. Le duc la donna donc en mariage à Xiao Shi. Chaque jour, celui-ci enseigna à Nongyu à imiter le chant du phénix avec sa flûte. Après quelques années, les sons qu’elle produisait ressemblaient au chant du phénix et un phénix vint se poser sur leur toit. 

Le duc fit alors construire une Terrasse du Phénix, où le couple résida pendant plusieurs années. Un matin, tous deux s’envolèrent en suivant le phénix. Les habitants de Qin érigèrent alors le Temple de la Dame Phénix dans le palais de Yong, où l’on entend parfois encore le son de la flûte.


Le gendre qui chevauche le dragon : origine de l’expression chinoise du mari idéal
 Les deux jeunes musiciens s’unirent par le mariage. (Image : wikimedia / 蘇州市景商業圖冊 / Domaine public)

Une légende aux multiples versions

Cette légende existe en plusieurs versions. L’une d’entre elles, particulièrement liée à la fête de la Mi-Automne, mérite d’être contée : le duc Mu de Qin avait une fille, Nongyu, qui excellait au sheng (orgue à bouche chinois). Une nuit, Nongyu rêva qu’un immortel d’une grande beauté, monté sur un phénix multicolore, descendait du ciel. Lorsqu’elle lui demanda qui il était, l’immortel répondit : « Je suis Xiao Shi, l’immortel doré Taiyi du mont Taihua. L’Empereur de Jade m’a dit que j’étais destiné à vous épouser. Il m’a ordonné de venir vous chercher la nuit de la Mi-Automne pour célébrer notre union et retourner ensemble au Palais Céleste. Acceptez-vous ? »

À son réveil, Nongyu raconta son rêve à son père. Le duc Mu dépêcha immédiatement des émissaires au mont Taihua pour enquêter. Ils confirmèrent qu’un immortel nommé Xiao Shi y résidait effectivement.

Lorsqu’arriva le huitième mois lunaire, Xiao Shi apparut en personne pour rencontrer le duc Mu. Ce dernier célébra avec joie les noces de sa fille bien-aimée. Le jour de la fête de la Mi-Automne, un dragon et un phénix descendirent du ciel et se posèrent dans le jardin du palais du royaume de Qin. Xiao Shi enfourcha le dragon, Nongyu monta sur le phénix et tous deux s’élevèrent dans les airs en jouant de leurs instruments, disparaissant dans les nuées.

Voilà donc l’origine de l’expression chéng lóng kuài xù (乘龙快婿), le gendre rapide qui chevauche le dragon. Xiao Shi et Nongyu sont devenus depuis l’un des modèles du mariage harmonieux, du couple parfait formé par le Ciel.

Des vestiges historiques témoignent de la légende

Cette légende a laissé des traces concrètes dans la Chine actuelle. L’ancien site du village au Chant de Phénix (凤鸣村) est situé au sud-est de la ville de Baoji, dans la province du Shaanxi. On y trouve encore des vestiges liés à cette histoire : la Terrasse de la Dame Phénix, des fragments de stèles anciennes, les ruines du Pavillon de la Dame Phénix et l’étang où buvait le phénix.

Ce temple, représentant emblématique de l’architecture de culte féminin dans la Chine antique, a inspiré de nombreux lettrés à travers les dynasties. Des poètes célèbres comme Li Bai (701-762) et Li Qingzhao (1084-vers 1155) ont chanté cette légende dans leurs vers. L’histoire de Xiao Shi et Nongyu s’est également largement diffusée à travers des œuvres d’art, notamment le célèbre Tableau du joueur de flûte attirant le phénix (吹箫引凤图).

Le gendre qui chevauche le dragon : origine de l’expression chinoise du mari idéal
 Le son enchanteur du xiao attira des phénix. (Image : wikimedia / Qiu Ying - Ming dynasty / Domaine public)

Ces sites sont d’ailleurs mentionnés dès l’époque des Wei du Nord (386-534) dans le Commentaire du Livre des rivières (水经注, Shuijing Zhu) de Li Daoyuan (mort en 527). 

Au volume 18 consacré à la rivière Wei, l’auteur écrit : « À Yong se trouvaient cinq autels sacrificiels pour honorer les Cinq Empereurs célestes. Il y avait aussi une Terrasse du Phénix et le temple de la Dame Phénix. À l’époque du duc Mu de Qin, un certain Xiao Shi savait admirablement jouer du xiao et pouvait attirer grues blanches et paons. La fille du duc Mu, Nongyu, l’apprécia. Le duc fit construire pour eux la Terrasse du Phénix où ils résidèrent. Après plusieurs décennies, un matin, ils s’envolèrent en suivant le phénix. On dit que dans le palais de Yong, on entend encore parfois les sons du xiao. Aujourd’hui, la terrasse s’est effondrée et le temple est en ruines, ces merveilles n’existent plus. »

Ainsi, cette belle légende du gendre qui chevauche le dragon continue de résonner à travers les siècles, rappelant que le véritable mariage parfait unit non seulement deux êtres, mais aussi deux âmes destinées à s’élever ensemble vers l’harmonie céleste.

Rédacteur Yi Ming

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