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Tradition. La fête de Chongyang : quand Wang Wei pensait à ses frères en admirant les chrysanthèmes

CHINE ANCIENNE > Tradition

Chaque neuvième jour du neuvième mois lunaire, la Chine traditionnelle célèbre la fête de Chongyang, devenue aujourd’hui journée du respect des séniors. Cette célébration automnale, où l’on gravit les hauteurs et où on admire les chrysanthèmes, a inspiré Wang Wei (701-761) qui y a consacré l’un de ses plus beaux poèmes.

Double neuf, double yang : l’origine de la fête de Chongyang

Le chiffre neuf, qui se prononce jiu en chinois, résonne avec le caractère jiu signifiant « longévité » et « éternité ». Dans la numérologie traditionnelle, le neuf représente le plus grand nombre yang - le principe masculin, lumineux et actif. Lorsque ce chiffre se répète le neuvième jour du neuvième mois lunaire, on obtient un double neuf, d’où les appellations Chongjiu (double neuf) et Chongyang (double yang). Au fil des dynasties, cette fête s’est peu à peu transformée en une véritable journée du respect des séniors. 

Les coutumes de la fête de Chongyang selon les textes anciens

Évoquer la fête de Chongyang, c’est immédiatement penser à ses nombreuses coutumes. Selon L’Almanach mensuel des gens de Qi (齐人月令 ) dans Taiping Yulan(太平御览),encyclopédie éditée sous la dynastie Song : « Au jour de Chongyang, on doit gravir les hauteurs avec des gâteaux et de l’alcool, contempler au loin, festoyer et se divertir en cette saison, afin de célébrer pleinement l’automne. L’alcool doit être infusé de cornouiller et de chrysanthèmes doux ; puis l’on rentre, enivré. » Autrement dit, dès l’arrivée de Chongyang, les Chinois anciens pratiquaient l’ascension des hauteurs, l’admiration des chrysanthèmes, le port du cornouiller et la dégustation d’alcool aux chrysanthèmes.

La fête de Chongyang : quand Wang Wei pensait à ses frères en admirant les chrysanthèmes
Li Bai monte sur la montagne pour contempler l’armée navale à la fête de Chongyang. :(Image : Yi Ming / image générée par Perplexity)

De même, Li Bai (701-762), surnommé « l’Immortel de la poésie », écrit dans son poème Le neuvième jour, gravissant Baling pour contempler l’armée navale du lac Dongting (九日登巴陵望洞庭水军): « Au neuvième jour le temps est clair, gravir les hauteurs sans nuages d’automne. La nature a façonné monts et pics, distinguant clairement les anciennes terres ennemies de Chu et de Han ». Ces vers attestent que les lettrés chinois considéraient Chongyang comme une fête traditionnelle majeure depuis l’Antiquité.

Wang Wei et son célèbre poème de Chongyang

En cette fête importante, le poème de Wang Wei Le neuvième jour du neuvième mois, pensant à mes frères de l’autre côté des monts (九月九日忆山东兄弟) est régulièrement cité : « Seul en terre étrangère, je suis un étranger, à chaque belle fête, je pense davantage aux miens. Au loin je sais que mes frères gravissent les hauteurs, portant partout le cornouiller, il manque une personne. »

Le sens général : isolé dans une contrée lointaine, chaque fête accroît ma nostalgie des proches. Au loin, je sais que lorsque mes frères graviront les hauteurs en ce jour de Chongyang, au moment de porter le cornouiller, ils penseront à celui qui manque.

La fête de Chongyang : quand Wang Wei pensait à ses frères en admirant les chrysanthèmes
 Le jeune Wang Wei pense à ses frères à la fête de Chongyang. (Image : Yi Ming / image générée par Perplexity)

La famille de Wang Wei résidait à Puzhou (actuelle Yongji, province du Shanxi). Lorsqu’il composa ce poème, le jeune homme n’avait que dix-sept ans et séjournait à Chang’an (actuelle Xi’an) pour préparer les examens impériaux, espérant obtenir gloire et position. À l’arrivée de la fête de Chongyang, submergé par la nostalgie de sa famille et de sa région natale, le poète prit son pinceau pour écrire ces vers. Ce poème ne reflète pas seulement la solitude du lettré vivant loin des siens, il révèle profondément comment les fêtes intensifient les émotions et rendent la nostalgie familiale plus aiguë qu’aux jours ordinaires.

Ce qui rend ce poème vraiment unique, c’est son approche originale : plutôt que de simplement dire combien sa famille lui manque, Wang Wei imagine la scène inverse. Il se représente ses frères, restés au pays, en train de célébrer la fête de Chongyang. À travers la description de la coutume « porter le cornouiller partout », le poète évoque avec finesse comment ses frères, en réalisant qu’il manque un membre de la famille, pensent à lui avec la même intensité qu’il pense à eux.

Dans les deux premiers vers, le poète évoque sa propre situation ; dans les deux derniers, il se place du point de vue de ses frères. Wang Wei imagine que lors de la fête, au moment de porter le cornouiller, ses frères réaliseront qu’il manque à la célébration familiale, ce qui accroîtra leur mélancolie et leur nostalgie envers lui. Cette technique de basculement de perspective — passant du point de vue personnel à celui d’autrui — témoigne d’une grande créativité. Elle révèle simultanément le talent exceptionnel du poète et sa sincérité profonde. Ces vers expriment avec justesse que l’échange des sentiments familiaux est par nature réciproque, et que Wang Wei et ses frères partagent une fraternité exceptionnellement forte.

Rédacteur Yi Ming

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