La vieillesse peut devenir un âge de la vie enrichissant spirituellement. Quand il n'y a plus de métier, moins d'énergie et moins de désirs de toutes sortes, quand approche la fatalité de quitter ce monde, il reste toujours l'essentiel. La sagesse et la bienveillance de l'esprit permettent encore d'apprendre et de découvrir, de communiquer et d'être créateur de bonheur et d'espérance pour soi et pour les autres.
Dans un éloquent plaidoyer, Caton l'Ancien ou De la vieillesse, le philosophe romain Cicéron nous entretient de ce que recouvrent de merveilleux, en réalité, les quatre griefs parfois infondés mais habituellement attribués à la vieillesse : l'éloignement de la vie active, la diminution de la force physique, la perte de plaisir, et la plus grande proximité de la mort.
Comme personnage de son traité sur la vieillesse, Cicéron choisit un philosophe et homme politique de la Rome antique au IIIe siècle av. J.-C., Caton l'Ancien, qui vécut jusqu'à 85 ans. Il dialoguait avec ses jeunes amis Scipion et Lélius et leur faisait connaître les bienfaits de la vieillesse.

Ces quatre désagréments de la vieillesse se retrouvent évidemment à notre époque contemporaine car ils font partie de la nature et de la condition humaine. La société de la Rome antique était très différente de celle du XXIe siècle, dans bien des aspects culturels et philosophiques. Pourtant les mêmes qualités humaines sont toujours là.
La vieillesse peut être active, d'une manière différente
Peut-être y a-t-il des activités que les vieilles personnes peuvent réaliser, mais que les jeunes n'ont pas forcément le goût ou la capacité de faire. Veiller sur les bonnes relations dans la famille, par exemple: qui mieux qu'une personne ayant la maturité de l'âge sait être de bon conseil et de bonne volonté pour apaiser les tensions dans des relations familiales. Ce n'est pas avec la force ou l'agilité du corps qu'on peut traiter de telles situations, mais par les conseils, la sagesse et la maturité dont les vieilles personnes sont généralement bien pourvues.
« Je pense qu'il ne faut pas avoir peur de vieillir. Il faut vraiment l'embrasser ce vieillissement, le préparer, et vraiment le savourer. Savourer ce qu'on est en train de devenir et préparer les choses pour qu'on puisse vraiment se réaliser dans le vieillissement », confie le docteur Yves Joanette de Montréal, dans la production vidéo Témoignage sur le vieillissement.
Dans la vie publique actuelle, il y a certains domaines d'activité où les personnes âgées restent très présentes. Il en est ainsi, par exemple, dans le monde littéraire où des gens d'un âge avancé écrivent toujours des livres ou des articles. La capacité de mémoire des vieilles gens peut être remarquablement vaste, si on ne renonce pas à l'exercer et à l'enrichir, cela est vrai autant pour les personnes aisées que pour les personnes de conditions modestes.

« Il y a de grands avantages en vieillissant, c'est justement cette capacité à cumuler les expériences, à accroître cette expérience de vie et à pouvoir de plus en plus la partager », dit encore le docteur Yves Joanette.
Caton affirmait qu'une activité était toujours ouverte et facilement accessible aux vieilles personnes, celle de l'étude et des travaux de l'esprit. Lui-même s'était épris de l'étude des lettres grecques dans son vieil âge. Pareillement, Solon, homme politique grec du VIe siècle av. J.-C., se félicitait de pouvoir s'instruire tous les jours en vieillissant. Socrate, lui, s'exerçait à jouer de la lyre dans ses dernières années.
Dans la Grèce et la Rome antique, les jeunes gens appréciaient les leçons des vieux sages, qui les guidaient sur le chemin de la vertu. En retour, les vieux sages chérissaient les jeunes et trouvaient de la douceur et du réconfort dans leur affection et leurs hommages.
La diminution des forces physiques au cours du vieillissement
En vieillissant, hommes et femmes perdent doucement de leur force et vivacité physiques. Cependant il n'y a pas de critères standard sur la force. La santé est une affaire personnelle et dépendante de nombreux facteurs de notre vie passée et présente. Pour rester en bonne santé, les personnes âgées devraient s'astreindre à quelques exercices physiques simples et journaliers. Le meilleur, le plus simple et à la portée de tous et toutes (sauf accident ou maladie graves), est probablement la marche, de préférence dans un environnement naturel.

Il est important aussi de manger et de boire avec modération, « réparer nos forces mais non les étouffer », disait justement Caton l'Ancien. Les vieilles personnes ont généralement beaucoup de bon sens et connaissent bien leurs points forts, leurs faiblesses et leurs limites, donc elles savent trouver elles-mêmes ce qui leur convient le mieux. Ce qu'elles ont surtout besoin pour garder leur énergie, c'est d'une compagnie aimante, compréhensive et tolérante.
« Je crois que tout le problème du vieillissement, c'est d'essayer d'être jeune. Si on va là, on est dans le trouble. Mais si on entre dans le processus, c'est plein de découvertes intéressantes », témoigne dans Témoignage sur le vieillissement Louise Latraverse, actrice et metteuse en scène canadienne.
Caton l'Ancien, qui avait été historien et grand orateur dans sa vie publique, recensait, dans ses vieux jours, tous les monuments de l'Antiquité, et rédigeait avec une ardeur nouvelle les plaidoyers qu'il avait prononcés dans de nombreuses et célèbres causes. Il indiquait qu'à la manière des Pythagoriciens, pour exercer sa mémoire, il passait en revue chaque soir tout ce qu'il avait dit, entendu ou fait pendant la journée.
Il assurait déployer suffisamment d'énergie dans toutes ces tâches pour ne pas regretter beaucoup l'ancienne vigueur de son corps. Caton affirmait que la vieillesse avait au moins en elle les forces suffisantes pour enseigner, instruire et former au bien la jeunesse.

Les plaisirs simples ou studieux de la vieillesse
La recherche du plaisir, de l'amusement ou du confort sont devenus habituels dans notre société actuelle. Il y a une raison importante qui devrait amener à prendre garde et limiter cette recherche. Bien sûr, le plaisir remplit l'être humain de contentement, mais ce bonheur lié aux sens et aux émotions est toujours limité dans le temps. Ainsi, la partie égoïste (l'égo) de l'esprit humain va chercher consciemment ou inconsciemment à renouveler l'expérience, ce qui peut devenir une préoccupation plus ou moins obsessionnelle. Notre esprit peut être ainsi accaparé par différentes recherches et obsessions de toutes sortes, ce qui nous éloigne d'un esprit serein et de pensées plus vertueuses et bénéfiques pour tous.
Néanmoins, confrontés à toutes sortes d'ennuis et d'épreuves, il est indéniable que la plupart d'entre nous avons besoin d'un minimum de plaisir et de satisfaction, ce qui nous rend plus joyeux et reconnaissants envers la vie. Justement, le monde autour de nous et notre monde intérieur sont remplis de bonnes choses qui peuvent satisfaire nos sens et nos émotions, sans pour autant nous entraîner dans des pensées et des comportements obsessionnels. L'observation et la contemplation de la nature, les activités avec d'autres personnes, les conversations amicales, l'étude de sujets qui éveillent notre curiosité, etc., sont des sources de plaisir à tous les âges et particulièrement durant la vieillesse.
Si la vieillesse permet de s'affranchir de la tyrannie des passions et de la volupté, c'est alors un grand privilège qu'on doit lui reconnaître. « Le plus beau présent que la nature ou la divinité elle-même ait fait à l’homme, c’est la raison ; et cette divine raison n’a pas d’ennemi plus redoutable que la volupté. Quand les passions règnent sur l’âme, la tempérance en est bannie, et toutes les vertus avec elle » disait Archytas, philosophe pythagoricien du IVe siècle av. J.-C.

Caton avouait vivre enfin avec lui-même et profiter d'un grand bonheur, après avoir fait son temps au service de l'amour, de l'ambition, de la rivalité et d'autres passions. Il s'y joignait le goût de l'étude et de la science qui nourrit l'esprit. Dès lors, il n'y avait rien de plus délicieux que les loisirs d'un tel vieillard.
La vieillesse permet de développer une vision plus sereine de sa propre mort
Plus on vieillit, plus la mort nous devient familière. Quand certains de nos voisins, quand nos parents, des amis, des frères ou des sœurs quittent ce monde, ce sont des évènements difficiles à vivre. Cependant ce sont peut-être aussi d'ultimes occasions pour nous d'approfondir nos réflexions et nos compréhensions sur la mort et sur l'au-delà.
« J'ai grandi avec mes grands-parents dans la maison, avec tous les enfants, et c'étaient des piliers sur lesquels on s'appuyait quand on était jeune. J'imagine que ça leur faisait du bien aussi, parce que, quand on vieillit, être entouré de sa descendance, des plus jeunes (...) ça fait du bien aussi », se souvient le biologiste et humoriste Boucar Diouf dans Témoignage sur le vieillissement.
Caton l'Ancien dit une parole sur la mort qui résume le dilemme entre croyant et non-croyant sur la question de la mort. Il répond en partie à une éventuelle peur de la mort : « La vérité est qu’elle nous doit être indifférente, si elle éteint notre âme ; ou que nous devons la souhaiter, si elle nous conduit dans une région où notre esprit vivra éternellement. »
Cependant, cette réponse peut sembler incomplète ou imparfaite. Car le croyant n'est peut-être pas si sûr, en son for intérieur, d'aller vers la félicité. N'y avait-il pas dans la spiritualité et les enseignements des sages de l'Antiquité grecque ou romaine la notion de péché, de rétribution et de justice divine ? Le non-croyant, lui, bien souvent ne peut se consoler de devoir quitter ce monde, rempli d'épreuves et de souffrance certes, mais aussi de joies, de plaisirs et de sentiments intenses.

Pourquoi y a-t-il des catastrophes naturelles, des guerres ou des épidémies meurtrières ? Pourquoi parfois la mort emmène-t-elle aussi de jeunes vies ? Il y a certainement des réponses à la portée de chacun. Le cœur humain doit d'abord s'apaiser et faire face aux questions les plus cruciales avec humilité.
Souvent, de nos jours, beaucoup de choses superflues nous détournent des questions essentielles et nous empêchent de trouver des réponses. Néanmoins, objectivement, pour la plupart d'entre nous, la vie nous laisse le temps de vieillir et de se préparer à quitter ce monde.
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.
