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Tradition. Le développement des motifs de broderie chinoise : entre mythe, art et raffinement

CHINE ANCIENNE > Tradition

Le développement des motifs de broderie chinoise reflète l’évolution de la civilisation chinoise elle-même. Des premières traces de l’époque Shang jusqu’aux raffinements des dynasties postérieures, les techniques et les symboles n’ont cessé d’évoluer : du croisement de la peinture et du fil aux représentations mythologiques du phénix et du dragon, la broderie devient le miroir d’un art total où la beauté rejoint le sacré.

Aux origines de la broderie : un art libre et prestigieux

Les premières traces matérielles de broderie chinoise remontent à la dynastie Shang (env. XVIᵉ–XIᵉ siècle av. J.-C.). Mais c’est à partir des périodes des Printemps et Automnes et des Royaumes combattants (771–221 av. J.-C.) que la broderie chinoise se développe à grande échelle.

Pourquoi un tel essor ? La broderie offre un avantage décisif : alors que le tissage impose des motifs géométriques répétitifs, l’aiguille permet de « dessiner » librement sur le tissu. Aucune contrainte technique, une infinité de possibilités créatives. 

À l’époque, l’élite adorait le faste et se lançait dans une véritable surenchère de luxe. Une pièce brodée, qui demandait des heures de travail méticuleux, pouvait valoir une fortune et servait de cadeau entre seigneurs et nobles. Cette demande croissante stimule puissamment la production, donnant naissance à une véritable industrie du textile d’art — première étape majeure dans le développement des motifs de broderie chinoise.

De la peinture à l’aiguille : l’évolution du sens du mot Xiu 

Durant la période pré-Qin (avant 221 av. J.-C.), la signification du terme Xiu (綉) n’est pas tout à fait la même qu’aujourd’hui : il englobe en effet l’art de la peinture. Le processus commence par la réalisation d’une esquisse, laquelle est ensuite entièrement reprise en broderie pour former le motif.

Sous la dynastie des Han occidentaux (206 av. J.-C.–9 apr. J.-C.), Xiu se spécialise alors progressivement pour ne conserver que le sens strict de broderie. La soie fine devient le principal support, parfois remplacée par le brocart ou le cuir. Les motifs sont décalqués, souvent à l’encre légère, parfois en rouge cinabre. Les brodeuses n’hésitent pas à modifier légèrement les dessins pour en affiner la composition.

Le développement des motifs de broderie chinoise : entre mythe, art et raffinement
Une pochette en brocart. (Image : Musée National du Palais de Taïwan / @CC BY 4.0

Les pièces les plus ambitieuses nécessitent plusieurs brodeuses. Elles dessinent avec du fil, en créant des lignes continues qui ressemblent à de petites chaînes. Ce procédé donne aux motifs un aspect fluide et gracieux, signature de l’art textile chinois.

L’explosion créative de la période des Zhou orientaux

La dynastie des Zhou orientaux (env. 771 - 256 av. J.-C.) voit éclore un foisonnement artistique exceptionnel. Cette période, marquée par l’émulation entre royaumes et l’effervescence des "cent écoles de pensée", insuffle une nouvelle vie aux arts décoratifs. Un style plus libre, romantique et réaliste s’impose. Si quelques pièces s’accrochent encore aux motifs rigides des bronzes rituels, la grande majorité des broderies explore désormais un nouveau bestiaire : phénix, dragons et motifs floraux.

 

Le développement des motifs de broderie chinoise : entre mythe, art et raffinement
Une broderie au motif de dragon sur un vêtement. (Image : wikimedia / Jean-Pierre Dalbéra from Paris, France, CC BY 2.0)

Les créatures mythiques prennent des formes extraordinaires, entourées de vignes et de fleurs. Les compositions deviennent plus libres, plus vivantes. Même si la symétrie reste présente, les motifs ne se répètent jamais à l’identique : chaque broderie est unique.

Le phénix sur la broderie : symbole de la divinité du vent

Le phénix, tout comme le dragon, est un animal sacré pour les Chinois. À l’origine, le phénix incarne le dieu du vent, un élément vital dans la Chine ancienne. Dans cette société agricole profondément dépendante des cycles saisonniers, les vents régissent les récoltes et la prospérité. Le phénix, interprété comme divinité du vent, symbolise les changements des saisons et constitue un motif très courant dans les arts décoratifs dans la Chine ancienne.

Des bronzes rituels des Shang et des Zhou occidentaux, aux broderies des Royaumes combattants, le phénix traverse les siècles. D’abord gravé dans le métal sacré, il s’impose ensuite comme motif de broderie chinoise emblématique, s’envolant sur la soie où sa présence se multiplie et se raffine. Cette métamorphose textile ne trahit pas la foi ancestrale – elle la magnifie, la parant d’une beauté spirituelle nouvelle.

Le développement des motifs de broderie chinoise : entre mythe, art et raffinement
Jupe de mariage d’une femme chinoise. (Image : wikimedia / Hiart, CC0)

Dans les compositions dites « phénix et fleurs », cet oiseau mythique figure comme unique créature animale, entouré de motifs floraux. Ses représentations varient : il apparaît tantôt en plein vol, ailes déployées, tantôt marchant au sol et piétinant un serpent. On rencontre également, plus rarement, la figure d’un phénix tricéphale.

L’évolution des motifs de broderie chinoise: le miroir de l’histoire de la Chine ancienne

À travers l’évolution des motifs de broderie chinoise, c’est toute l’histoire de la Chine ancienne qui se dévoile : ses croyances, ses techniques, son génie artistique. Un art où la technique rejoint la spiritualité. 

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