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Histoire. Les empereurs sportifs de la dynastie Tang, champions méconnus de la Chine ancienne

CHINE ANCIENNE > Histoire

Polo, tir à l'arc, lutte et tir à la corde : les empereurs sportifs de la dynastie Tang ont élevé la pratique sportive au rang d'art impérial. Loin de l'image figée du monarque assis sur son trône, ces souverains de la dynastie Tang (618-907) se distinguaient par leur passion pour les activités physiques, transformant la cour en véritable arène sportive où se jouaient prestige dynastique et démonstrations de force.

Le polo, discipline favorite des empereurs sportifs de la dynastie Tang

Parmi tous les souverains chinois amateurs d'activités sportives, ceux de la dynastie Tang se démarquaient particulièrement. Leurs disciplines favorites étaient nombreuses : le polo, le football, le hockey sur gazon, ainsi que le tir à la corde, la lutte, la chasse, l'haltérophilie, l'escrime, la natation et le jeu de go.

Les matchs de polo sous la dynastie Tang opposaient deux équipes sur un terrain doté de deux buts. Montés sur leurs chevaux au galop, les joueurs maniaient leurs maillets dans des affrontements d'une rare intensité. Bien plus qu'un simple entraînement militaire, ce sport constituait un divertissement prisé de l'élite, particulièrement apprécié des empereurs.

Les empereurs sportifs de la dynastie Tang, champions méconnus de la Chine ancienne
Le premier à frapper la balle et à la faire entrer dans le but l'emporterait.   (Image : Musée National du Palais de Taïwan / @CC BY 4.0

Le palais impérial abritait des terrains de polo dédiés et entretenait des équipes professionnelles. Nombre de souverains n'étaient pas seulement des spectateurs enthousiastes, mais de véritables stars du polo. 

L'ouvrage Récits et observations de la famille Feng de l'érudit Feng Yan rapporte un épisode remarquable survenu en 709 sous l'empereur Zhongzong (656-710, règne 684 et 705-710), alors que le souverain tibétain avait dépêché son ministre pour escorter une princesse chinoise jusqu'à Lhassa.

L'empereur organisa alors un match de polo dans le jardin impérial Liyuan pour divertir ses hôtes. À la surprise générale, la délégation tibétaine avait amené sa propre équipe de dix joueurs et sollicita un match contre les équipes chinoises. Le monarque ordonna donc à l'équipe impériale et de la garde d'affronter les Tibétains, mais toutes deux s'inclinèrent.

Le souverain constitua alors une équipe aristocratique composée du futur empereur, alors jeune prince âgé de vingt-quatre ans, accompagné d'autres membres de la famille impériale et de gendres impériaux. Sur le terrain, le jeune prince « galopait d'est en ouest, fonçant comme le vent et l'éclair, invincible dans ses charges », remportant la victoire. Le ministre tibétain dut reconnaître sa défaite. 

La passion pour le polo pouvait coûter la vie à l’empereur

L'empereur Jingzong (809-826, règne 824-826) monta sur le trône à seize ans. « Excellent joueur de polo, amateur de lutte, les armées de la garde et les différentes régions rivalisaient pour lui offrir des athlètes », racontent les chroniques. 

Le jeune souverain recrutait à prix d'or des lutteurs et des joueurs de polo qui ne quittaient jamais son entourage. Mais l'empereur avait un tempérament impétueux et, au moindre mécontentement, exilait, voire confisquait les biens de ses athlètes, tandis qu'il fouettait et battait les eunuques à son service.

Son entourage vivait dans la crainte et le ressentiment. En décembre 826, le monarque, alors âgé de dix-huit ans, rentra au palais après une chasse nocturne. L'excitation encore vive, il convoqua ses eunuques pour une partie de polo.

Après le match, il festoya avec les eunuques et vingt-huit joueurs de polo. Alors que l'empereur, ivre, se retirait aux latrines, il fut assassiné par ses propres compagnons.

Le polo servait à sélectionner des fonctionnaires

L'empereur Xizong accéda au trône à douze ans. Champion de polo, il se vantait de pouvoir remporter le titre de lauréat si la cour instituait un concours impérial de polo.

En mars 880, le poste de gouverneur militaire du Sichuan devint vacant. Face à l'afflux de candidats, le souverain organisa un match de polo entre quatre généraux de la garde impériale.

La balle fut placée au centre du terrain, et au signal, les généraux s'élancèrent au galop. Le premier à frapper la balle et à la faire entrer dans le but l'emporterait. Le vainqueur obtint ainsi le poste de gouverneur militaire du Sichuan.

Le tir à la corde, du champ de bataille aux jardins impériaux

Le polo exigeait l'entretien de chevaux spécialisés, la construction de terrains dédiés et l'organisation d'équipes professionnelles, ce qui représentait des dépenses considérables. Réservé aux empereurs, à l'aristocratie et aux armées, il restait inaccessible au peuple. Le tir à la corde, en revanche, était une activité populaire répandue.

Dans la Chine ancienne, cette discipline s'appelait « tirer le crochet ». À l'époque des Royaumes combattants, le royaume de Chu utilisait des cordes munies de crochets pour tirer les chars ou navires ennemis au combat. En temps de paix, ces cordes servaient à l'entraînement militaire. Le tir à la corde trouvait donc son origine dans ces exercices guerriers.

Au début, les compétitions utilisaient des câbles de bambou tressé, remplacés ensuite par de grosses cordes de chanvre. Sous les Tang, ces cordes mesuraient quarante à cinquante zhang de long (environ 120 à 150 mètres), avec des centaines de petites cordes attachées de chaque côté, que les participants passaient sur leur poitrine.

Un grand drapeau planté au milieu marquait la frontière. Les deux équipes, face à face, tiraient de toutes leurs forces : « celui qui recule gagne, celui qui avance perd ». Cette pratique populaire, censée favoriser les bonnes récoltes, finit par gagner le palais impérial.

Sous l'empereur Zhongzong, en 708 (ou en février 710 selon les sources), deux compétitions de tir à la corde furent organisées au palais : une pour les dames de la cour, une autre pour les hauts fonctionnaires. Le monarque, l'impératrice et leur fille, la princesse Anle, assistèrent au tir à la corde des dames du palais sur le terrain du jardin Liyuan.

Lorsque les ministres vinrent présenter leurs vœux, l'empereur ordonna aux fonctionnaires civils et militaires de troisième rang et plus de former des équipes pour un tir à la corde, afin d'attirer  la prospérité pour l'année. Selon les chroniques, l'impératrice désigna sur-le-champ les deux équipes composées de ministres, de généraux et de gendres impériaux.

Un chancelier, constatant que son équipe ne comptait que des sexagénaires et septuagénaires et qu’elle manquait d'un membre, demanda instamment une nouvelle répartition.

La princesse, protégeant jalousement son époux qui participait dans l'équipe adverse, refusa catégoriquement toute modification. L'empereur, cédant aux instances de sa fille adorée, maintint la composition des équipes. Le chancelier dut s'incliner.

Au son du tambour, les deux équipes tirèrent la corde de toutes leurs forces. Après un bref moment de résistance, une équipe s'effondra lamentablement. Les pauvres septuagénaires tombèrent à terre, entraînés par la corde, incapables de se relever pendant un long moment. 

L'empereur Xuanzong appréciait également les compétitions de tir à la corde. L'ouvrage  Récits et observations de la famille Feng relate qu'à Chang'an, la capitale, le monarque organisa une compétition géante réunissant mille participants.

Ce rassemblement massif « faisait trembler la terre de ses clameurs, stupéfiant les visiteurs étrangers et tous les spectateurs ». Mobiliser mille soldats pour un tir à la corde, officiellement destiné à appeler les bonnes récoltes, visait en réalité à « démontrer la puissance militaire à l'extérieur sous prétexte de divertissement à l'intérieur ». 

La traditionnelle « grande corde de Naha » à Okinawa, trouve d'ailleurs ses origines dans ces compétitions de tir à la corde organisées sous la dynastie Tang.

Lutte et chasse chez les empereurs sportifs de la dynastie Tang

La lutte sous la dynastie Tang constituait depuis toujours un élément essentiel de l'entraînement de l'infanterie. Fusionnée avec les techniques de lutte du Nord de la Chine, elle gagna en spectacle et en intensité, devenant un divertissement incontournable des banquets impériaux. Le palais entretenait donc en permanence des lutteurs professionnels pour le plaisir de l'empereur.

La chasse représentait l'activité sportive favorite des souverains de la dynastie Tang. Les chroniques rapportent qu'entre 619 et 625, l'empereur Gaozu (566-635, règne 618-626) organisa six grandes chasses.

Les empereurs sportifs de la dynastie Tang, champions méconnus de la Chine ancienne
Une excursion à cheval au printemps (Image : Musée National du Palais de Taïwan / @CC BY 4.0

Son successeur, l'empereur Taizong (598-649, règne 626-649), en organisait parfois deux par an, voire deux par mois. Par exemple, en octobre 630, « le jour xinzhou, chasse dans la vallée de Guiquan. Le jour jiachen, chasse à Yulongchuan ».

L'haltérophilie à la mode Tang

La technique du « qiaoguan », une forme ancienne d'haltérophilie, consistait à soulever d'une main la barre de porte d'une cité. Cette « barre de porte » désignait le verrou massif des portes de ville. Le grand érudit Confucius de l'époque des Royaumes combattants, loin de l'image du lettré frêle souvent imaginée, était en réalité doté d'une force remarquable et maîtrisait parfaitement cette technique d'haltérophilie.

Sous les Tang, l'épreuve de « qiaoguan » au concours militaire impérial utilisait un bâton de bois d'un zhang et sept chi de long (environ 5,3 mètres) et de trois cun et demi de diamètre (environ 11 centimètres). Le candidat devait soulever ce bâton dix fois au total. Après ces dix levées, la main tenant le bâton ne devait pas s'être déplacée de plus d'un chi (environ 31 centimètres) par rapport à sa position de départ. Cette épreuve d'haltérophilie testait considérablement la force des bras et la stabilité du candidat.

Du terrain militaire aux stades modernes

La plupart des sports prisés par les empereurs de la dynastie Tang trouvaient en réalité leur origine dans l'entraînement militaire. Lorsque ces exercices guerriers pénétrèrent dans l'enceinte du palais, ils se métamorphosèrent en divertissements de cour. L'engouement pour ces loisirs aristocratiques stimula à son tour l'essor du sport de compétition.

Le tir à la corde et la lutte, jadis réservés aux soldats et à l'élite impériale, sont aujourd'hui devenus des disciplines sportives universellement pratiquées dans nos sociétés modernes. L'héritage sportif des Tang perdure ainsi à travers les siècles, témoignant de la modernité étonnante de cette dynastie visionnaire.

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