Le 16 novembre 2025, une enquête éminente de plus de 100 000 mots a jeté une lumière crue sur le trafic d'organes en Chine. Publiée par l'Organisation mondiale pour enquêter sur la persécution du Falun Gong (WOIPFG), cette investigation révèle comment un système tentaculaire relie les hôpitaux privés du réseau Putian — qui contrôlent 80 % du marché médical privé chinois — aux établissements militaires et à des réseaux clandestins.
Le schéma est glaçant : l'armée organise, le privé blanchit, les trafiquants portent le chapeau. Wang Zhiyuan, qui dirige cette organisation d'enquête, est formel : « C'est un système criminel mis en place il y a 26 ans sur ordre personnel de Jiang Zemin en 1999, qui mobilise toutes les ressources de l'État chinois et fonctionne encore aujourd'hui. »
Des affaires récentes qui soulèvent des questions
Pourquoi publier cette enquête maintenant ? Wang Zhiyuan évoque plusieurs drames récents : la mort inexpliquée de l'acteur Yu Menglong, le prétendu suicide du médecin Luo Shuaiyu, la disparition mystérieuse du lycéen Hu Xinyu. Ces cas alimentent sur les réseaux sociaux des rumeurs sur des « transfusions de sang jeune » pour clients fortunés.
« Les preuves montrent que le réseau Putian n'est pas le phénomène de quelques hôpitaux véreux isolés, mais un rouage essentiel de ce système criminel d'État », explique-t-il. Il établit un parallèle : « Dans les années 1980, pour imposer la politique de l'enfant unique, Pékin a mobilisé tous les services de gynécologie. Cette fois, pour éradiquer le Falun Gong, le régime a requis tous les centres de transplantation. »
À Gongyi, petite ville du Henan, l'hôpital de médecine traditionnelle chinoise — qui soignait exclusivement par les plantes — a brusquement ouvert en 2001 un grand centre de transplantation rénale. Son chef de service aurait réalisé plus de 500 greffes en cinq ans. Certains jours, huit opérations se déroulaient simultanément, avec douze patients en attente. « Dans n'importe quel pays démocratique, ces chiffres seraient impossibles », souligne Wang Zhiyuan.
Le réseau Putian : de la publicité mensongère au crime organisé
Le rapport consacre son premier chapitre à l'ascension du réseau Putian. Tout commence dans les années 1990, dans le bourg de Dongzhuang, situé dans la ville de Putian (province du Fujian, sur la côte sud-est). Des entrepreneurs locaux louent des services dans des hôpitaux militaires et de la police armée. Leur méthode : publicité agressive et achat de mots-clés sur Baidu, le Google chinois.
En 2014, ils créent la « Fédération de l'industrie de la santé de Putian » pour se donner une respectabilité. À sa tête : Chen Zhili, ancienne ministre de l'Éducation et vice-présidente du Parlement chinois, native du Fujian. Cette caution politique montre que le réseau bénéficie de protections au sommet de l'État. Le réseau compte alors 8 600 hôpitaux, un million de soignants, pour un chiffre d'affaires annuel de 260 milliards de yuans (34 milliards d'euros).
Le réseau Putian repose sur trois piliers : publicités mensongères, diagnostics exagérés, corruption de médecins publics. En 2014, il aurait versé plus de 10 milliards de yuans (1,3 milliard d'euros) à Baidu. Quand ces entrepreneurs ont découvert les profits colossaux de la transplantation — plusieurs centaines de milliers de yuans par opération —, ils se sont liés à 80 hôpitaux militaires et à quasiment tous les hôpitaux de la police armée provinciale, devenant les « hommes de paille » d'un système militaire de prélèvement d'organes.
Les hôpitaux militaires au cœur du trafic d'organes en Chine
Les hôpitaux de l'armée et de la police dépendent du Département de logistique générale de l'Armée populaire de libération, une structure militaire chargée des approvisionnements, des finances et de la gestion des hôpitaux militaires. Ce département est un repaire de corruption notoire. Ces établissements ont fait de la transplantation une véritable industrie.
Le problème ? En Chine, très peu de gens donnent leurs organes après leur mort. D'où viennent les greffons ? Selon l'enquête, l'armée s’approvisionnerait dans le système carcéral — prisons, centres de détention, camps de travail — en ciblant notamment les pratiquants de Falun Gong. Des médecins militaires travailleraient aussi sous couverture dans d'autres hôpitaux.
Le nouveau rapport décrit le système comme une machine de guerre lancée par Jiang Zemin. Le 10 juin 1999, Pékin crée le « Bureau 610 », chargé d'éradiquer le Falun Gong. Avec le Département de logistique comme cerveau, l'armée comme bras armé, la police et la justice comme relais, le système fonctionne comme une chaîne industrielle. Les pratiquants arrêtés sont répartis dans des camps, transportés, gardés. Des dizaines d'hôpitaux militaires deviennent des « usines de mort ».
L'hôpital 452 : d'un établissement endetté à un centre de transplantation rénale
En 2000, l'hôpital militaire 452 de Chengdu est au bord de la faillite, avec dix millions de yuans de dettes (1,3 million d'euros). En 2002, son directeur Zhang Cong signe un accord avec des investisseurs privés : huit millions de yuans (un million d'euros) pour lancer une activité de transplantation rénale. L'entreprise verse 1,2 million de yuans par an (156 000 euros).
En quelques années, l'hôpital réalise 331 transplantations et devient numéro un du Sichuan. Ses revenus explosent : de 30 millions à 260 millions de yuans (de 3,9 à 33,8 millions d'euros) en huit ans. En 2007, l'hôpital rachète l'activité pour quatre millions de yuans (520 000 euros). Zhang Cong est promu à la tête d'un autre hôpital militaire. Ce modèle est rapidement copié partout.
Xie Qingxiang : un condamné qui continue de pratiquer
Entre 2010 et 2012, Xie Qingxiang, vice-directeur de l'hôpital Fude à Putian, organise un trafic de reins. Prix d'achat : 40 000 yuans le rein (5 200 euros). Prix de vente : entre 70 000 et 75 000 yuans (9 100 à 9 750 euros), plus 45 000 yuans (5 850 euros) d'honoraires. Les greffes se font dans un hôpital ou dans des appartements loués.
Xie est jugé et condamné. Mais après sa condamnation, il continue de se vanter publiquement d'avoir réalisé « des centaines de suivis post-greffe » et collabore avec des hôpitaux militaires. La justice semble impuissante — ou complice.
Un réseau clandestin tentaculaire
L'hôpital Changfeng de Pékin, ravagé par un incendie en 2023 (29 morts), travaillait avec les prestigieux hôpitaux militaires 301 et 302. Parmi ses médecins : d'anciens chefs de service militaires, dont l'un revendique plus de 10 000 suivis de patients.
Dans le Yunnan, un hôpital a réalisé plus de 400 transplantations rénales entre 2003 et 2006, dont 153 en 2005 seulement. Un médecin a confié que « les greffons arrivent chaque semaine, les donneurs ont 18 ou 19 ans ». Dans un pays où les dons sont rarissimes, un tel « approvisionnement hebdomadaire » défie toute logique.
À Guangzhou, l'hôpital Yuekang a été transformé en prison : portes en fer avec trappes, lits en béton, tables d'opération avec sangles, laboratoire de biosécurité, à deux pas d'un hôpital de la police armée et d'un crématorium.
Hôpitaux et trafiquants : un partage des rôles bien rodé
Entre 2017 et 2018, les enquêteurs ont enregistré les conversations d'un intermédiaire surnommé « Wang », qui travaille avec deux grands hôpitaux de Pékin. Le système est bien huilé : l'hôpital prétend manquer de greffons et oriente les patients vers l'intermédiaire. Celui-ci obtient des organes — souvent de pratiquants de Falun Gong — auprès de la police. La nuit, il les livre à l'hôpital. En cas de problème, tout est rejeté sur le « trafiquant ». Un seul certificat légal peut couvrir plus de dix opérations clandestines.
En 2018, un médecin de l'hôpital Chaoyang de Pékin a admis que les organes fournis par les intermédiaires sont « des organes sains de pratiquants de Falun Gong », identiques à ceux des circuits officiels.
Le rapport évoque aussi un programme secret de transplantation d'organes de nourrissons, par l'armée. Certains bébés proviendraient de pratiquantes détenues et forcées à être enceintes, destinés aux « programmes de longévité » de hauts dignitaires visant à les faire vivre jusqu'à 150 ans.
891 hôpitaux et 9 519 médecins mis en cause
L'organisation d'enquête a identifié nommément 891 établissements médicaux et 9 519 médecins. Wang Zhiyuan lance un dernier avertissement : « Le jour où le Parti communiste s'effondrera, tous devront rendre des comptes. La persécution du Falun Gong est un génocide. " J'obéissais aux ordres " ne sera jamais une excuse. Votre seule chance est d'arrêter immédiatement et de nous aider à révéler la vérité. »
Il conclut : « Le Parti communiste chinois n'est pas un parti politique ordinaire. C'est une organisation terroriste d'État qui menace l'humanité entière. Seul son démantèlement complet mettra fin au massacre le plus brutal du XXIe siècle. »
Rédacteur Yi Ming
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.












