Le 8 mai 2024, Luo Shuaiyu, un jeune médecin stagiaire chinois, a été assassiné pour avoir dénoncé les prélèvements forcés d’organes sur des mineurs dans l’hôpital où il travaillait. Un an plus tard, son nom n’a pas disparu de la mémoire des personnes de conscience.
Avec la divulgation de nouvelles preuves, la dissimulation et la répression du Parti communiste chinois (PCC), les gens ont pris conscience que la mort de Luo Shuaiyu était davantage un « assassinat collectif » perpétré par le système étatique chinois.
Luo Shuaiyu, un jeune homme qui refusait de tuer
Luo Shuaiyu est né en 1996 à Neijiang, dans la province du Sichuan. Il a été assassiné le 8 mai 2024, à l’âge de 25 ans. Issu d’une famille paysanne, il aurait pu devenir médecin et mener une vie tranquille, mais lors de son internat à l’hôpital Xiangya II de la province du Hunan, il a découvert un immense réseau criminel qui détruisait la nature humaine.
Là-bas, en tant que stagiaire en médecine rénale au département de transplantation rénale, il a découvert des anomalies dans l’approvisionnement en organes de mineurs, des canaux spéciaux pour les soi-disant « donneurs » et le silence complice des hauts responsables de l’hôpital, et surtout, un « écosystème de prélèvements forcés d’organes » fonctionnant de manière systématique.
Il a commencé à prendre des notes. Il a tenté de dénoncer ces pratiques. Il voulait défendre le serment d’Hippocrate.
Il a commencé à consigner ses observations dans un dossier de 1 119 pages. Il a tenté de dénoncer ces pratiques. Il voulait défendre le serment d’Hippocrate.
Mais Luo Shuaiyu ignorait qu’il n’était pas face à quelques médecins sans scrupules, mais à tout un système où s’entremêlent pouvoir et intérêts. Les hauts responsables de l’hôpital Xiangya, le système de santé, la police locale et même la Croix-Rouge locale jouaient tous un rôle dans ce système.
Finalement, il n’a pas été protégé mais dévoré par le système. Le 8 mai 2024, Luo Shuaiyu a été retrouvé « mort après une chute du haut d’un immeuble de son dortoir ». En moins de 24 heures, la police a qualifié sa mort de « suicide », sans autoriser d’autopsie ni d’examen du corps par ses parents. Ces derniers ont dû signer une « reconnaissance de suicide » afin de pouvoir récupérer le corps de leur fils.
Les détails étranges du soi-disant suicide de Luo Shuaiyu
Une enquête médiatique a révélé des détails effrayants : Luo Shuaiyu est tombé à sept mètres du mur de son dortoir.
Comment une personne en chute libre peut-elle parcourir une telle distance ? Pourquoi un suicidaire choisirait-il une position aussi difficile pour « mourir » ? La chambre était en désordre, avec des lunettes cassées et des traces de sang sur le sol. Son sac à dos contenait 25 000 yuans (environ 3 000 euros) en espèces.
La veille de sa chute, il a envoyé un SMS à un collègue : « Si je ne viens pas travailler demain, envoyez les preuves que j’ai rassemblées. » Cela ressemble beaucoup à quelqu’un qui pressentait sa mort et qui a utilisé ses dernières forces pour prouver que ce n’était pas un suicide. Plus effrayant encore, il a laissé un message audio dans lequel il disait : « Je ne me suiciderai jamais. Si quelque chose m’arrive, appelez la police. »
Si ce n’était pas un suicide, qui l’a « éliminé » ? Et pourquoi en est-il arrivé là ? Cela reste un mystère à ce jour.
Les découvertes choquantes par les parents de Luo Shuaiyu
Bien que la cause du décès de leur fils ait été officiellement qualifiée de « suicide », les parents de Luo Shuaiyu n’ont pas gardé le silence. Ils ont signé des documents pour récupérer le téléphone portable et l’ordinateur portable de leur fils, dans l’espoir de récupérer les données qu’ils contenaient.

Ils ont découvert des preuves choquantes parmi les données récupérées :
- Une partie des médecins de l’hôpital participait à un « programme de recherche de donneurs pédiatriques », recherchant directement dans les bases de données des mineurs éligibles afin de prélever leurs organes,
- Le système de la Croix-Rouge local fournissait une couverture « légale » pour dissimuler l’origine des donneurs,
- Les données relatives aux équipements médicaux étaient falsifiées et les rapports postopératoires aussi avaient été falsifiés,
- Luo Shuaiyu a été menacé à plusieurs reprises avant de décéder dans des circonstances étranges, trois jours seulement après la dernière menace.
C’est la première fois que l’on a des preuves directes, fournies par les proches d’une victime, sur l’industrie du prélèvement d’organes sur des personnes vivantes en Chine continentale. Ces preuves montrent que le « système médical » de la Chine est impliqué dans des « crimes d’État ».
Le gouvernement a voulu acheter le silence de la famille mais celle-ci a refusé
Une fois que les parents de Luo Shuaiyu ont récupéré ces informations, l’hôpital Xiangya et les autorités compétentes n’ont pas choisi de présenter des excuses ni d’ouvrir une enquête, mais ont immédiatement proposé une somme d’argent pour faire taire la famille de Luo Shaiyu.
Au départ, le gouvernement et l’hôpital ont proposé une indemnisation de 1 million de yuans (120 k euros), puis ont augmenté leur offre à 1,5 million de yuans (180 k euros), à condition d’effacer les données, de signer un accord de confidentialité et de ne rien divulguer à l’extérieur.
Les parents de Luo Shuai ont refusé. Ils ont compris que la mort de leur fils n’était pas un accident, ni une erreur médicale, ni un « accident du travail », mais un meurtre organisé, planifié et motivé par des raisons politiques.
Il ne s’agit pas d’une négociation. C’est un combat entre la justice et l’argent. Les 15 millions de yuans ne sont pas une compensation, mais un pacte de silence, pour cacher la violence de l’État.
Ils ont refusé d’échanger la vie de leur fils contre un « oubli honorable ». Dans ce pays où tout le monde est contraint de baisser la tête, ils se sont tenus debout. Ils n’ont pas signé, ils n’ont rien détruit et ils n’ont pas fermé la bouche.
Dans le milieu médical, Luo Shuaiyu n’est pas la seule victime
Le cas de Luo Shuaiyu n’est pas un cas isolé. Long Xingyu, stagiaire à l’hôpital du sud-ouest de Chongqing, qui devait subir une opération pour une blessure à la jambe, est soudainement décédé en état de mort cérébrale et tous ses organes ont été prélevés. Cao Liping, une femme médecin originaire de Hunan, qui a remis en question certaines pratiques pendant son stage, est morte après avoir « sauté du toit » et l’autopsie n’a rien révélé.
Plusieurs étudiants en médecine et en pharmacie sont morts subitement dans des circonstances étranges à Jilin, Tianjin, Chongqing et ailleurs. En Chine continentale, les données officielles relatives au don d’organes sont confuses, et les registres de transfert d’organes de la Croix-Rouge chinoise font fréquemment état de « donneurs anonymes ».
Moi-même, Zhao Lanjian, ex-journaliste chinois, j’ai révélé dès septembre 2022 l’affaire « Liu Xiangfeng » au sein du système médical de Xiangya, qui avait alors provoqué un tollé dans tout le pays. Liu Xiangfeng était accusé d’avoir exagéré l’état de santé de ses patients au cours de son travail à l’hôpital Xiangya II afin de percevoir des pots-de-vin de la part des patients. Il a causé des blessures graves et des handicaps de niveau IX à cinq patients.
En septembre 2024, j’ai été le premier à qualifier Luo Shuaiyu de « héros de la lutte contre les prélèvements forcés d’organes », car je savais qu’il ne s’agissait pas de l’acte d’un seul « médecin perfide », mais d’une chaîne industrielle meurtrière globale, bien établie et institutionnalisée.
Plus tôt encore, en 2023, j’ai déniché sur Internet un article rare publié en 2004 par l’agence de presse China News Service : « 8 millions de personnes disparaissent chaque année en Chine ! »

Il ne s’agit pas d’une coïncidence mais d’une récolte sanglante à l’échelle nationale. Un an, ce n’est pas la fin, mais le début. Le 8 mai de cette année marque le premier anniversaire de la mort de Luo Shuaiyu.
Nous rendons hommage à un jeune homme qui a refusé de participer aux prélèvements forcés d’organes sur des enfants vivants, qui a refusé de devenir le complice du système, qui a laissé des preuves et qui a utilisé sa vie pour porter une dernière accusation. Il était la dernière lueur d’espoir de la conscience de la nation chinoise dans les ténèbres.
La vérité ne peut être enterrée sous l’argent, la justice ne peut s’incliner devant la force. Nous n’acceptons pas les 15 millions de yuan, nous exigeons des explications de la part du PCC. Nous voulons que justice soit rendue à Luo Shuaiyu. Nous voulons rendre aux Chinois ce qui leur appartient en tant qu’êtres humains.
RédacteurYi Ming
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