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Tradition. Préface au recueil du pavillon des Orchidées

CHINE ANCIENNE > Tradition

 

La Préface au recueil du pavillon des Orchidées a été écrite au cours de la fête de Shangsi. Cette fête se situe le troisième jour du troisième mois lunaire et se déroule au cours du Festival de Qing Ming. Dans la Chine antique, cette fête était consacrée à un autre rituel important de « purification ». Les gens se rassemblaient au bord d’une rivière, et purifiaient leur corps avec des herbes médicinales trempées dans l’eau tout en priant les Divinités pour l’élimination des maladies et des calamités.

Sous la dynastie Zhou, le 3ème mois lunaire, à Luo Yang, la capitale nouvellement construite, le roi invitait ses ministres à laisser flotter sur la rivière Luo des timbales remplies d’alcool, comme offrandes aux Divinités, en témoignage de leur respect et de leur vertu. Plus tard, les érudits chinois en ont fait un jeu intellectuel.

Durant la fête de Shangsi de la neuvième année de Yonghe (353), Wang Xizhi, le « Sage de la calligraphie », a rassemblé 41 célébrités, dont Xie An, Sun Chiao et Zhisun, pour effectuer le rituel de purification au bord de l’eau à Lanting (Zhejiang), à l’Est de la Chine. Cette activité a rassemblé presque toutes les célébrités de la dynastie des Jin orientaux. Ils buvaient de l’alcool, écrivaient des poèmes et parlaient du Tao. Les timbales remplies d’alcool flottaient sur l’eau du ruisseau dans le jardin de Wang. Dès qu’une timbale arrivait devant un invité, celui-ci devait la rattraper et improviser un poème. Tous ceux qui n’arrivaient pas à improviser un poème étaient condamnés à boire trois timbales d’alcool.

Sous l’effet de l’alcool, Wang Xizhi improvisa une œuvre de calligraphie, devenue très célèbre dans l’histoire de la Chine pour ses six poèmes, intitulée : Préface au recueil du pavillon des Orchidées.

Lan Ting Ji Xu, de Wang Xi Zhi. (Image : wikimedia / Chu Suiliang / Domaine Public)
Lan Ting Ji Xu, de Wang Xi Zhi. (Image : wikimedia / Chu Suiliang / Domaine Public)

 

 

Préface au recueil du pavillon des Orchidées

La neuvième année de l’ère Yonghe, en l’an Guichou, au début du dernier mois du printemps, nous nous sommes réunis au pavillon des orchidées à Shanyin en Kuaiji, à (l’occasion du) rite de purification.

Les Très sages, anciens et jeunes, tous étaient réunis. En ce lieu il y avait des collines majestueuses, des sommets vertigineux, d’épaisses forêts et de fins bambous, et une rivière claire aux eaux vives menait les reflets du soleil de toutes parts. Nous conduisîmes ses eaux à former un ruisseau sinueux pour y faire flotter nos coupes. Chacun prit place selon son rang. En l’absence de la magnificence des cordes et des vents, une coupe et un alexandrin suffirent à exprimer un sentiment profond. En ce jour, le temps était lumineux et clair, et la brise légère se répandait doucement. (Les yeux) levés nous contemplions l’immensité de l’univers, baissés, nous examinions l’extraordinaire (multiplicité) des espèces. Ainsi en promenant nos regards, notre âme s’épanouissait librement, contentée du spectacle offert à nos sens, vraiment, c’était réjouissant !

Les hommes réunis, nous contemplions toute une époque. Certaines personnes aiment parler de leurs ambitions à l’intérieur, d’autres mettent leurs sentiments dans leurs loisirs et vivent indulgemment sans aucune contrainte. Bien que les choix (de chacun) fussent différents, certains plus posés, d’autres plus actifs, de ces rencontres naquit de la joie, une satisfaction qui nous comblait pour un temps et nous [mena à] perdre conscience de la vieillesse s’approchant.

Lorsque nous nous lassons des choses que nous aimons, notre humeur change, et nous ressentons beaucoup d’émotions. Ce qui faisait notre joie, en un instant, n’était plus qu’un souvenir et il était impossible de ne pas s’en émouvoir, comme de la brièveté de la vie qui suit les mutations (de l’univers) : en son terme, (tout) a une fin. Les Anciens disaient : « La mort et la vie sont d’égale importance ». Ne serait-il pas douloureux ? Chaque fois que j’embrasse ce qui suscita l’émotion des gens de jadis, (je) fais corps (avec eux), (et) toujours devant les écrits je suis pris de compassion, sans pouvoir me l’expliquer. Je sais fermement que considérer la mort et la vie, une vie longue ou courte, comme une même chose est insensé, (mais) la postérité considéra notre époque comme nous considérons le passé. Quelle tristesse !

C’est pourquoi j’ai recensé (mes) contemporains et retranscrit (les vers) composés (lors de cette réunion), car en d’autres temps, dans d’autres situations, ce qui suscitera l’émotion sera toujours de même (nature). Par la suite, les lecteurs seront également touchés par ces textes.

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