Après sa conquête du royaume de Kalinga, la vision horrifiante des champs de bataille et des villes dévastées changea radicalement la conscience, le comportement et les projets du jeune empereur Ashoka. La compassion s'éveilla dans son cœur et illumina le reste de son règne. Sa conversion au bouddhisme favorisa largement la propagation de cette religion en Inde et dans d'autres pays de l'Asie.
La décennie de conquête et de cruauté de l'empereur Ashoka
Ashoka fut l'un des plus grands souverains de l'Inde au IIIe siècle av. J.-C.. Son grand-père Chandragupta fonda la dynastie des Maurya, constituant un grand empire sur la presque totalité du sous-continent indien. L'armée de Chandragupta comprenait six cent mille fantassins, trois cent milles cavaliers, neuf mille éléphants.
Son père Bindusara, surnommé le tueur des ennemis, agrandit encore l'empire. Le système économique de cet empire conquérant était basé sur l'esclavage. Chaque nouvelle conquête permettait la déportation de milliers de personnes, qui étaient employées comme esclaves. Bindusara aurait eu treize épouses et une centaine de fils.

Ashoka avait la confiance de son père. Il était un chef militaire intrépide et sans pitié. Il réprima durement des émeutes dans deux provinces de l'Empire et en devint le vice-roi. Après la mort de son père en 272 av. J.-C., une lutte de pouvoir pour la succession s'engagea durant deux ans entre Ashoka et ses frères ou demi-frères. Selon des textes bouddhistes, il les élimina, pour accéder lui-même au trône et éviter de futures alliances entre eux pour le destituer.
Durant les huit premières années de son règne, il fut constamment en guerre et étendit son empire jusqu'à l'Iran et l'Afghanistan à l'ouest et jusqu'à la Birmanie à l'est. Comme son père et son grand-père, il disposait d'une armée considérable qu'il finançait lui-même. Certaines chroniques bouddhistes rapportent des histoires de crimes et de tortures effroyables de sa part. Il fut un terrifiant dictateur qu'on surnomma alors « Chanda Ashoka », Ashoka le Cruel.
Sa conscience vacilla confrontée à la vision des vies anéanties et à sa responsabilité
Le sacre du jeune empereur Ashoka eut lieu vers 270 av. J.-C.. Un cousin lui aurait ce jour-là fait connaître le bouddhisme. Il s'y intéressa et pratiqua un peu mais il n'était pas assidu. Cette courte expérience de la religion bouddhiste avait-elle déjà laissé quelques prédispositions en profondeur ? Toujours est-il qu'il ne changea pas encore son comportement, sa vie fastueuse et ses projets de conquête.

Huit ans plus tard, un peuple résistait toujours à la domination de l'empire Maurya, qui allait changer totalement la vision et le comportement d'Ashoka le Cruel. Quand, en 262 av. J.-C., l'empereur entreprit de soumettre le Kalinga (région actuelle d'Orissa, sur la côte est de l'Inde), son armée dut affronter un royaume prospère et puissant qui lutta jusqu'au bout pour garder sa souveraineté. Les combats furent extrêmement violents, néanmoins l'armée d'Ashoka fut victorieuse. 150 000 personnes furent déportées, 100 000 autres périrent, et plus encore succombèrent ultérieurement à leurs blessures.
Un spectacle de désolation, après la conquête, ébranla profondément la conscience de l'empereur. « Lorsqu’il parcourut le champ de bataille et vit de ses propres yeux les montagnes de cadavres empilés et les larmes des vaincus, Ashoka comprit que la conquête d’un royaume signifiait la mort et la destruction pour tous, amis ou ennemis, et le malheur pour les captifs qui se retrouvaient loin de leurs familles et de leurs terres », rapporte Juan Pablo Sanchez, dans son article Ashoka, l'empereur pacifique de l'Inde, sur le média histoire-et-civilisations.com.
L'empereur garda de profonds regrets de tout ce qu'il vit. Suite à ce profond déchirement dans la conscience d'Ashoka, pendant plusieurs mois, il invita des sages de tout l'empire à venir débattre et philosopher avec lui. Il voulait trouver une paix intérieure et une compréhension dont il ressentait maintenant le besoin crucial.

Un pèlerinage sur les rives du Gange jusqu'à l'arbre de la Bodhi
C'est le bouddhisme, religion apparue dans le nord de l'Inde au VIe siècle av. J.-C., qui le sortit de sa confusion et de ses inquiétudes. Il l'avait déjà un peu pratiqué, sans foi véritable. Désormais, l'éveil de sa conscience était authentique. Il partit en pélerinage avec sa suite pendant 256 jours. Il voyagea à pied le long des rives du Gange jusqu'à Sarnath près de Bénarès où Bouddha avait donné son premier enseignement.
Non loin de là, se trouvait le village de Bodhgaya, où se dressait l'arbre de la Bodhi sous lequel Shakyamuni (le prince Siddharta Gautama) s'éveilla et devint Bouddha. « En voyant l’arbre, Ashoka ressentit en lui cette sérénité éclairée dont il avait besoin, et il érigea un temple (le temple de la Mahabodhi) à cet endroit. Désormais, il se fit appeler « Dharma Ashoka », Ashoka le Pieux », révèle Juan Pablo Sanchez.
Ashoka étudia et pratiqua alors sérieusement le bouddhisme. Délaissant la gloire dues aux armes, il entreprit de prêcher sa nouvelle foi, de faire connaître le Dharma au plus grand nombre. Le Dharma dans le bouddhisme englobe les principes de loi cosmique, de vérité spirituelle, de conduite éthique, de devoir moral. Il s'employa à humaniser un pouvoir qu'il avait exercé jusqu'ici impitoyablement.

Il ne se fit pas moine et il continua à faire preuve d'autorité pour diriger l'immense empire, mais d'une manière juste et modérée, et non pas injuste et cruelle comme auparavant. Il demandait à ses fonctionnaires de l'informer à tout moment et en tout lieu, de toutes les choses importantes qu'il devait savoir et traiter dans son empire. « Car il veut le bien de tous, ce qui ne s'obtient pas sans travail ni sans suivre les affaires jusqu'au succès », est-il indiqué dans l'article Le roi Ashoka, un exemple de transformation intérieure, sur le site soka-bouddhisme.fr.
Les édits de l'empereur Ashoka gravés sur la roche ou sur des colonnes
Ashoka utilisa beaucoup les édits pour propager des messages liés aux valeurs du bouddhisme ou à des événements de sa propre vie et des réflexions personnelles sur le monde. Les édits d'Ashoka (découverts en 1837) furent, à sa demande, gravés sur les colonnes des places de l'empire les plus fréquentées et jusqu'aux rochers des cols de montagne les plus empruntés par les voyageurs, ou encore sur les roches des grottes. Ceci permettait de les diffuser à la population et de les léguer à la postérité.
L'empereur était attentif à traiter ses sujets de manière égale, contrastant ainsi avec la hiérarchie du brahmanisme où la caste définissait la position sociale. Un des édits exprimait cette notion : « Tous les hommes sont mes enfants, et tout comme je souhaite à mes enfants d'être heureux et prospères, tant en ce monde que dans le suivant, c'est ce que je leur souhaite ».

Aux frontières de son empire, il fit graver, sur de grandes stèles, des édits destinés aux peuples voisins. Il y exprimait qu'il n'avait aucune intention belliqueuse, même s'ils avaient quelque agressivité envers lui, il patienterait autant qu'il lui était possible de le faire.
Selon le site soka-bouddhisme.fr, on ne trouve aucun point doctrinal bouddhiste dans ses édits, car il était le roi de tous, quelle que soit leur religion. Il souhaitait que les religions puissent prospérer, les aidant toutes financièrement, et incitant les croyants à bien étudier les enseignements de leur religion et à réfléchir sur leur propre comportement humain.

Ashoka favorisa amplement le développement de la religion bouddhiste, en fondant des monastères et des sanctuaires par centaines. Il fit enseigner le bouddhisme dans tout l'empire. Ses enfants Mahendra et Sanghamitra jouèrent un rôle majeur dans l'établissement et la diffusion du bouddhisme au Sri Lanka. Il le fit aussi se propager dans les pays voisins, autour de la Méditerranée et en Afrique et il envoya des ambassadeurs bouddhistes jusqu'en Occident.
Le respect et la bienveillance envers tous les êtres
Le pacifisme et la bienveillance devinrent des valeurs fondamentales du règne d'Ashoka. Le roulement des tambours, qui soutenait autrefois la marche des soldats vers le champ de bataille, était devenu la musique du Dharma annonçant des spectacles de théâtre qui enseignaient le bouddhisme à travers tout l'empire.

L'empereur voulait promouvoir le respect et la bienveillance envers les êtres humains et envers les animaux. Il montra l'exemple en réduisant le nombre d'animaux tués dans les cuisines royales, jusqu'à ne plus en tuer du tout et devenir végétarien.
« Le long des routes de son vaste empire, il fait planter des arbres pour abriter hommes et bêtes, creuser des puits et des réserves d'eau pour les abreuver. Il prend soin de tous, concrètement. Il ne remet pas directement en cause l'esclavage, mais il crée un corps de fonctionnaires chargés de vérifier qu'aucun esclave ne subit de mauvais traitements, et que, dans les harems, les femmes sont bien traitées » indique le site soka-bouddhisme.fr.

Ashoka mourut en 232 av. J.-C.. Il donna beaucoup de lui-même pour rendre son peuple heureux, pour soutenir la foi, pour encourager la tolérance et la moralité. L'Inde contemporaine lui est toujours reconnaissante et le considère comme le roi le plus important de son histoire.
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