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Histoire. Les druides, sages énigmatiques de la civilisation gauloise

FRANCE > Histoire

Les druides ont laissé peu de traces de leur existence et de leur rôle dans la société gauloise. Le plus riche témoignage que l'on eut d'eux, écrit par un philosophe grec, disparut dans un incendie. Heureusement certains l'avaient déjà lu et transmis en partie. En outre, l'archéologie moderne délivre maintenant quelques secrets.

Les druides furent les sages de la civilisation celtique et gauloise. Ils constituaient l'ordre social prééminent. Ils avaient de nombreuses fonctions dans la société gauloise : philosophes, théologiens, ministres du culte, historiens, gardiens du savoir et de la sagesse, juges et juristes, conseillers militaires. Ils étaient les intermédiaires entre les divinités et les hommes. Ils avaient des homologues dans d'autres cultures, notamment les chamanes, les mages en Perse, et plus tard les Pythagoriciens. Les druides furent connus des historiens et philosophes en Grèce au début du IIIe siècle av. J.-C.

Selon le Lebor Gabala (Livre des Conquêtes), le druidisme fut initié par les Partholoniens, un peuple qui s'établit sur la terre d'Irlande, trois cent ans après le Déluge et durant cinq millénaires. Jules César rapporta au sujet des druides dans Commentaires sur la Guerre des Gaules: « On croit que leur doctrine est née en Bretagne (Grande-Bretagne), et a été apportée de cette île dans la Gaule ; de nos jours encore, ceux qui veulent en faire une étude approfondie vont le plus souvent s’instruire là-bas ».

D'un autre point de vue, le monde religieux des Gaulois était proche de celui des Grecs ou des Romains. « Ce qui, dès l'Antiquité, a rendu légitime la comparaison entre druides et Pythagore, ce sont, à l'évidence, un certain nombre de croyances métaphysiques. Celle en la réincarnation ou métempsychose occupe la première place », écrit l'archéologue Jean-Louis Brunaux dans son livre Les Druides : des philosophes chez les barbares. Il existait d'autres points communs entre les croyances des druides et celles des pythagoriciens : incarner la science sacrée par la prière, la connaissance, la vertu, la méditation, la sacralisation des êtres, de la nature, préserver le savoir sacré, voulu parfaitement secret ou seulement réservé aux hommes capables d'incarner ses sagesses, s'abstenir de consommer des animaux ou de pratiquer des sacrifices. 

Y avait-il deux différentes tendances philosophiques et religieuses du druidisme en Gaule, l'une à l'ouest du pays, tournée vers l'île de Bretagne et l'autre, côté est, influencée par la culture grecque et romaine ? La question reste posée.

Les druides, sages énigmatiques de la civilisation gauloise
Il existait des points communs entre les croyances des druides et celles des pythagoriciens. (Image : wikimedia / Jean-Louis Lascoux / Domaine public)

Le développement du druidisme en Gaule

Une œuvre remarquable sur les druides et la civilisation gauloise fut écrite par Posidonios d'Apamée. Né en 135 av. J.-C., Posidonios venait d'Asie et avait étudié à Athènes. Il fonda à Rhodes une grande école philosophique, qui fut fréquentée par des Grecs et des Romains de renom. Il se chargea d'une mission de reconnaissance et d'étude à Rome, en Espagne et en Gaule. Il écrivit de nombreux volumes à partir de ses observations et de ses informations, dont César se servit dans son récit La guerre des Gaules. Malheureusement la plus grande partie de l'œuvre de Posidonios fut détruite ultérieurement dans l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie.

À part les écrits de Posidonios, lus et repris en partie par Strabon et Jules César entre autres, l'archéologie est une autre ressource importante dans l'étude du druidisme. Jean-Louis Brunaux, archéologue, a découvert il y a 50 ans le premier grand sanctuaire gaulois datant de 280 av. J.-C., qui ressemblait beaucoup aux sanctuaires grecs ou romains. On connaît maintenant une cinquantaine de sanctuaires gaulois sur le territoire correspondant à la Gaule. Il est probable que des druides, à de nombreuses occasions, aient accompagné les guerriers et colons gaulois s'installant en Italie, en Grèce ou en Turquie, et se soient inspirés de l'architecture de ces pays.

Par leurs échanges et interactions entre eux et dans les différentes communautés, les druides avaient une bonne connaissance de la Gaule. Dès le VIIe siècle av. J.-C., ils savaient que le pays était délimité par des mers, des montagnes et un fleuve (le Rhin). Strabon, géographe et historien grec, puisant dans l'œuvre de Posidonios, parlait de la Gaule comme l'un des pays les plus beaux et attirants d'Europe. On pouvait s'y déplacer aisément, dans des régions fertiles, où serpentaient de nombreux fleuves et rivières. Les Grecs considéraient les peuples de la Gaule comme leurs amis.

Les druides, sages énigmatiques de la civilisation gauloise
Strabon, puisant dans l'œuvre de Posidonios, parlait de la Gaule comme l'un des pays les plus beaux et attirants d'Europe. (Image : wikimedia / Jibi44, CC BY-SA 4.0)

L'assemblée des druides dans la forêt des Carnutes s'établit vers le Ve siècle av. J.-C. dans le but de partager entre eux leur savoir. N'ayant pas d'écrits validant et transmettant leurs nombreuses connaissances, c'était le moyen de partager leurs dernières découvertes avec les autres druides. À cette époque, à l'initiative des druides, les Gaulois réalisèrent de grandes voies dans toute la Gaule, qu'on nomme encore voies romaines, mais qui sont en réalité des voies gauloises, selon Jean-Louis Brunaux. Ces voies auraient permis à Jules César de faire avancer et circuler ses troupes armées rapidement dans le pays, lors de sa conquête de la Gaule.

Les druides veillaient et régulaient la société gauloise

La société gauloise se divisait en trois ordres sociaux. Les druides maîtrisaient le savoir et faisaient les lois. Ils régissaient les arts, le sacré et le religieux. Les guerriers géraient les affaires militaires sous le commandement du roi. Les agriculteurs, éleveurs et artisans subvenaient aux besoins de l'ensemble de la société.

Étant d'abord des philosophes, les druides cherchaient à développer les connaissances et l'intelligence dans tous les domaines. Ils semblaient être des défenseurs de la raison, de la science plutôt que de la croyance, de la foi. Ils privilégiaient le savoir et le développement intellectuel, ce qu'on pourrait rapprocher de la philosophie pythagoricienne. Les druides étaient de fins mathématiciens. Ils étaient aussi astronomes et savaient établir un calendrier lunaire ou prévoir des éclipses solaires. 

Les druides, sages énigmatiques de la civilisation gauloise
Les druides avaient une vaste connaissance des plantes médicinales. (Image : wikimedia / Agnieszka Kwiecień, Nova, CC BY-SA 4.0)

Bien que très savants, ils étaient réservés vis-à-vis de l'écriture et de la transmission écrite, voulant rester maîtres de leurs connaissances entre initiés. Cependant, lors de leurs assemblées annuelles, si une décision importante était prise et acceptée par les druides de tous les peuples, elle était divulguée dans toute la Gaule.

Les jeunes qui souhaitaient devenir druides devaient suivre un apprentissage d'une vingtaine d'années. L'enseignement reposait sur une transmission orale et une impressionnante et difficile mémorisation du savoir. En contrepartie de cette longue initiation, ils étaient exemptés d'impôts et libres de porter ou non les armes. Les druides se chargeaient aussi de l'instruction des enfants de l'aristocratie, même s’ils ne souhaitaient pas devenir druides.

Les druides avaient un rôle de modération dans la société gauloise. Ils régulaient en partie les décisions des dirigeants de chaque communauté. Par exemple, les guerres ne pouvaient être entreprises que si les druides avaient eu l'accord des divinités. Ils avaient aussi un rôle prédominant dans la construction des cités.

La religion des druides s'ouvrit aux gens du peuple

La divulgation publique de la religion druidique apparut tardivement. Des sanctuaires publics furent construits au niveau de la cité ou du canton (pagus). Les sanctuaires et les rites religieux furent alors ouverts aux nobles, aux guerriers et au peuple.

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Les bardes étaient des chantres et poètes qui racontaient les événements et les faits des hommes remarquables. (Image : wikimedia / Thomas Jones / Domaine public)

L'ordre sacerdotal des druides était partagé en trois classes de religieux. Les bardes étaient des chantres et poètes qui racontaient les événements et les faits d'hommes remarquables. Les ovates étaient des devins et se consacraient au culte et à la divination, prenaient les auspices, accomplissaient des sacrifices animaux ou humains, pratiquaient la médecine, utilisaient les plantes médicinales. Enfin, les druides théologiens professaient la philosophie morale, et furent garants de la justice sociale.

Dans les sanctuaires, les druides avaient un rôle important mais se tenaient en retrait, lors des grands rites religieux. Ils étaient vêtus de toges blanches. Ils s'abstenaient totalement de participer aux sacrifices et ne touchaient pas aux animaux. Vers le IVe siècle av. J.-C., les druides mirent fin aux sacrifices humains des ovates. Ils interdirent, de plus, de sacrifier des animaux dans le but d'interpréter leur agonie et l'état de leur corps après la mort, pour prédire l'avenir. 

Posidonios d'Apamée affirmait que les divinités gauloises étaient au nombre de six : Mercure, Apollon, Mars, Minerve, Jupiter et Pluton. La personnalité de chacune de ses divinités gauloises était différente de celle de son homonyme grec ou latin. Par exemple, Mercure était principalement la divinité du commerce, Apollon était la divinité de la médecine et de la pharmacie.

Les rites religieux étaient principalement des sacrifices d'animaux domestiques et des dons d'objets de grande valeur tels que les armes, les bijoux. Ces rites ressemblaient beaucoup à ceux des Grecs ou des Romains.

Les druides, sages énigmatiques de la civilisation gauloise
Le carnyx était un des instruments de musique des bardes. (Image : wikimedia / Wolfgang Sauber, CC BY-SA 3.0)

Les arts sous la surveillance des druides

Les druides ne laissaient pas les différents arts graphiques se développer, car ils considéraient que les divinités n'avaient aucune ressemblance avec les êtres humains et interdisaient la représentation des divinités sous toute forme que ce soit. Il en était de même pour la représentation réaliste des êtres humains et des animaux.

Néanmoins l'importance de la musique apparaît dans les sources écrites et dans l'archéologie. Dans certaines manifestations auxquelles participaient des druides, les bardes et la musique pouvaient tenir un rôle important. Sur un sanctuaire en Corrèze, ont été retrouvés des sortes de carnyx en cuivre, instruments difficiles à réaliser et qui produisent des sons magnifiques. Actuellement, certains Anglais ou Irlandais savent jouer de ces carnyx. Les bardes jouaient également sur des lyres. Cependant on ne connaît pas les textes des chants ou les mélodies de ces musiques.

Les Gaulois étaient devenus maîtres dans l'art du travail des métaux. Les motifs géométriques grecs ou d'autres cultures étaient connus des Gaulois, mais ils n'étaient pas copiés. Ils étaient interprétés, redessinés et gravés sur le métal de manière différente. La maîtrise et la perfection des figures géométriques demandait les connaissances approfondies des druides.

Les druides, sages énigmatiques de la civilisation gauloise
Le druide Diviciac, au nom du peuple des Éduens, demanda l'intervention de l'armée romaine en Gaule pour les protéger. (Image : wikimedia / Frédéric Lix (1830-1897) / Domaine public)

La perte d'influence des druides et leur disparition

Diviciac fut le seul druide dont la réalité historique est confirmée aujourd'hui. II était sénateur et général dans le peuple gaulois des Éduens, habitant la région de l'actuelle Bourgogne. Il demanda, au nom du peuple des Éduens, l'aide de Jules César pour les protéger des Helvètes, ce qui permit à César de commencer sa conquête de la Gaule. César fait de Diviciac l'un des principaux protagonistes de son livre La guerre des Gaules, mais ne dit jamais qu'il était druide. 

Cicéron, philosophe, écrivain et politicien romain, dans son texte Au sujet de la divination, révèle que Diviciac, deux ans avant la conquête de César, avait dû quitter la Gaule, échappant à un massacre des sénateurs Éduens, et s'était réfugié à Rome chez lui, dans sa villa fastueuse sur le mont Palatin. Ils parlèrent entre eux de religion et de divination, car Cicéron était aussi mage et devin.

De nombreux druides, majoritairement ceux situés à l'est du pays, facilitèrent plus ou moins directement la conquête de César et la romanisation de la Gaule. L'attitude de Rome à l'égard des druides changea pourtant. Les Romains craignaient leur influence et leur clairvoyance. C'est ainsi qu'au premier siècle de notre ère, l'empereur Auguste fit interdire le druidisme aux citoyens romains. Les druides perdirent leur influence et disparurent.

Les druides, sages énigmatiques de la civilisation gauloise
Cicéron philosophe, politicien mais aussi mage, s'entretint de religion avec le druide Diviciac. (Image : wikimedia / J. M. W. Turner / Domaine public)

Il n'y eut jamais d'archives des druides eux-mêmes, qui refusaient de consigner leur savoir par écrit. Les précieux textes de Posidonios d'Apamée sur la Gaule et les Gaulois sont partis en fumée à Alexandrie. Il reste peu de traces du monde druidique, les dernières découvertes de l'archéologie nous permettront-elles d'en savoir bientôt un peu plus encore ?

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