Le Pacte du Coffre d'Or de l'impératrice Du
En l'an 962, dans la chambre d'une impératrice mourante, se jouait un moment qui allait changer le cours de la dynastie Song. L'impératrice Du, mère du fondateur de la dynastie, convoqua son fils pour lui transmettre un dernier conseil d'une sagesse remarquable : céder le trône à son frère cadet, l'autre fils de l'impératrice Du, plutôt qu'à ses propres enfants. Ce testament, scellé dans un coffre d'or, témoignait d'une vision éclairée du pouvoir et transformait les règles de la succession impériale en Chine.
La sagesse au seuil de l'éternité
L'impératrice Du se savait proche de sa fin. Dans la solennité de sa chambre impériale, elle veillait à ce que son héritage dépassât les liens du sang. Son fils, l'empereur Zhao, fondateur de la dynastie Song, la soignait avec une piété filiale exemplaire, lui apportant personnellement ses remèdes.
Mais ce n'était pas le moment des attendrissements. L'impératrice convoqua auprès d'elle Zhao Pu, son conseiller le plus fidèle, pour un entretien qui allait marquer l'Histoire.
« Mon fils, » demanda-t-elle avec une lucidité troublante, « comprends-tu véritablement comment tu es devenu empereur ? »
Submergé par la tristesse, l'empereur répondit avec humilité que tout était dû à la vertu de ses ancêtres et aux mérites de sa mère.
L'impératrice secoua la tête. « Non, mon enfant. Si le précédent souverain des Zhou avait été un homme dans la force de l'âge plutôt qu'un jeune garçon, cette dynastie n'aurait jamais été renversée. Et notre famille ne régnerait pas aujourd'hui. »
Un testament qui défie les conventions
Puis vint la demande qui allait entrer dans les annales comme un exemple de sagesse dans l'art de gouverner.
« Lorsque ton heure viendra, » déclara l'impératrice avec autorité, « ne transmets pas le trône à ton fils. Confie-le à ton jeune frère. Un empire naissant a besoin d'un souverain mûr et aguerri. C'est ainsi que la dynastie Song perdurera. »
L'empereur Zhao, bouleversé, s'agenouilla et jura d'obéir aux volontés de sa mère. L'impératrice demanda alors que ces paroles fussent consignées dans un édit impérial, scellé dans un coffre d'or et conservé précieusement. Cette disposition historique devint connue sous le nom de « Pacte du Coffre d'Or ».
Peu après, l'impératrice Du s'éteignit paisiblement, à l'âge de soixante ans. Et quand vint le jour du départ de l'empereur Zhao, son frère monta effectivement sur le trône, honorant ainsi la promesse faite.

Une femme de vision au-delà de la gloire
L'impératrice Du incarnait les vertus les plus nobles de la culture chinoise traditionnelle. Lorsque son fils fut porté au pouvoir impérial, un messager vint lui annoncer avec effervescence : « Votre fils est devenu empereur ! »
Elle répondit avec un calme remarquable : « Mon fils a toujours nourri de grandes ambitions. Cette issue n'est guère surprenante. »
Plus révélatrice encore fut sa réaction lorsqu'elle fut officiellement intronisée impératrice douairière. Tandis que toute la cour la félicitait, elle demeura songeuse, presque mélancolique.
« Pourquoi n'êtes-vous pas joyeuse ? » lui demanda-t-on. « N'est-ce pas un honneur suprême de voir son fils régner ? »
L'impératrice répondit avec une profondeur qui stupéfia l'assemblée : « Être empereur est le fardeau le plus lourd qui soit. Si mon fils gouverne avec sagesse, notre lignée prospérera pendant des générations. Mais s'il échoue, l'empire sombrera et nous avec lui. Car une fois que l'on a touché au pouvoir suprême, on ne peut plus redevenir un simple homme du peuple. C'est cette responsabilité qui m'inquiète. »
Ces paroles révélaient une conscience aiguë du devoir et une absence totale d'attachement à la gloire personnelle. L'impératrice Du ne voyait dans le pouvoir ni privilège ni vanité, mais uniquement responsabilité envers les peuples de l'empire.

Une vision révolutionnaire de la succession impériale qui place le bien de l'empire au-dessus des intérêts familiaux
La décision d'exhorter son fils à transmettre le trône à son frère cadet plutôt qu'à ses petits-enfants témoignait d'une élévation d'esprit remarquable. Cette impératrice comprenait que la succession impériale ne relevait pas du privilège familial, mais de la nécessité de confier une dynastie entière à celui qui était le plus apte à en préserver l'héritage.
Cette sagesse rejoignait celle des anciens souverains Yao et Shun, qui choisirent leurs successeurs non parmi leurs descendants, mais parmi les hommes les plus vertueux et compétents de leur temps. Le principe de l'abdication en faveur du plus capable incarnait l'idéal du gouvernement au service des dix mille peuples.
Trois exemples historiques qui illustrent cette sagesse
L'histoire de l'empire du Milieu offre d'autres témoignages de cette noblesse d'esprit :
Sun Ce et Sun Quan, fondateurs du royaume de Wu
Sun Ce, sentant sa fin proche en l'an 200, confia le pouvoir à son jeune frère Sun Quan avec ces mots mémorables : « Pour mener les troupes au combat et conquérir des territoires, tu ne m'égales pas. Mais pour choisir des hommes vertueux et gouverner avec sagesse, je ne peux t'égaler. » Sun Quan honora cette confiance et devint l'un des plus grands souverains de son époque, régnant pendant plus de cinquante ans sur le royaume de Wu.
L'empereur Gaozong et son successeur Xiaozong de la dynastie Song du Sud
Sans héritier naturel, l'empereur Gaozong adopta en 1162 son neveu Xiaozong et lui transmit le trône. Ce dernier devint le souverain le plus accompli de la dynastie Song du Sud, réhabilitant le général Yue Fei et restaurant la prospérité du royaume durant son règne de vingt-sept ans.
Les empereurs Xizong et Chongzhen des Ming
L'empereur Xizong, dont le fils mourut en bas âge, confia en 1627 le trône à son jeune frère Chongzhen. Malgré une situation désespérée, Chongzhen gouverna avec intégrité jusqu'à la fin tragique de la dynastie Ming en 1644, préférant la mort à la trahison de son royaume.
La leçon pour notre époque : la vertu au-delà des liens du sang
L'histoire de l'impératrice Du nous rappelle une vérité intemporelle : les véritables souverains placent le bien de l'empire au-dessus de leurs intérêts personnels et familiaux.
Cette femme remarquable ne porta le titre d'impératrice douairière que pendant une année, mais prononça trois discours qui marquèrent l'Histoire ,une reconnaissance exceptionnelle pour une femme dans les annales impériales. Sa vision transcendait les ambitions personnelles pour embrasser la dimension spirituelle du pouvoir : servir plutôt que régner, élever plutôt que dominer.
En ces temps où nous cherchons des modèles de sagesse et d'intégrité, l'impératrice Du nous enseigne que la véritable grandeur réside dans la capacité à renoncer pour le bien de tous. Son testament n'était pas un rejet de sa descendance, mais un acte d'amour profond envers les peuples de l'empire et sa dynastie.
Est-il possible de cultiver cette même sagesse et la transmettre aux générations futures ?
Rédacteur: Catherine Keller en collaboration avec Yi Ming
Source : Secretchina
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