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Histoire. Marie Antoinette, des caprices de la Cour à l’échafaud de la Révolution

FRANCE > Histoire

La reine Marie-Antoinette, dans les dernières années du règne de Louis XVI et durant la Révolution, joua un rôle de bouc émissaire et les révolutionnaires en firent le symbole d'une aristocratie hautaine et méprisante envers le peuple. Cependant, l'immaturité et les extravagances de ses débuts à la Cour firent place, au fil des années, à une constance remarquable.

Marie-Thérèse, l'impératrice d'Autriche, scella une alliance en 1756 avec Louis XV, roi de France pour ne pas être diplomatiquement isolée en Europe et pouvoir combattre la Prusse quant à des acquisitions contestées de territoires. Pour fortifier cette alliance, elle devait conclure plusieurs mariages, dont celui de sa septième fille Marie-Antoinette avec le dauphin Louis, fils de Louis XV. 

Une jeune dauphine frivole et capricieuse

A partir de 1769, l'éducation de Marie-Antoinette, assez négligée jusque là, fut complétée pour atteindre les critères d'éducation d'une future reine. L'abbé de Vermond se déplaça à la Cour d'Autriche et se chargea de la perfectionner dans la langue française. Il gagna la confiance de la dauphine et resta au service de la reine jusqu'en 1789. Il laissa un témoignage sur la jeune Marie-Antoinette, à travers des lettres adressées à l'ambassadeur autrichien à Versailles. C'était un portrait psychologique frappant d'une jeune archiduchesse relativement frivole et immature, intellectuellement assez paresseuse. L'abbé expliquait notamment par quelle méthode il l'amena à lire, à s'intéresser à la France et à son Histoire.

La question de son mariage avec le Dauphin Louis, qui allait devenir Louis XVI, prit beaucoup de temps. Le contexte politique était tendu en France, la royauté était déjà remise en cause par les parlements. Marie-Antoinette ne saisissait pas la complexité des jeux d'influence et de pouvoir à la cour de Versailles. Elle n'était pas préparée non plus à la violence politique, à l'effervescence créée par la contestation du pouvoir royal, à l'âpreté des relations entre les divers clans qui souhaitaient se faire remarquer et obtenir d'elle des faveurs. Cette adaptation à la vie de cour fut particulièrement difficile pour la jeune dauphine. Cela participa-t-il à sa fuite en avant dans la distraction et l'amusement ? 

Marie Antoinette, des caprices de la Cour à l'échafaud de la Révolution
L'éducation de Marie-Antoinette, assez négligée jusque là, fut complétée pour atteindre les critères d'éducation d'une future reine. (Image: wikimedia / Myrabella / CC BY-SA 3.0)

On lui reprocha de dépenser beaucoup et même d'être en partie responsable de la dette du pays. Des archives existent sur la comptabilité de la dauphine puis de la reine. Grâce aux documents comptables et aux témoignages, il est possible de nuancer. Les dépenses furent trois fois plus élevées quand elle devint reine. Certaines dépenses pouvaient être expliquées par les 400 employés œuvrant dans la maison royale et des dépenses pratiquement fixes et obligatoires telles que, par exemple, le renouvellement des robes de cour, l'entretien des chevaux, l'approvisionnement d'une table pour nourrir son personnel. Il était difficile de lui reprocher ces dépenses.

Il y eut également une forte inflation à l'époque, et bien sûr toutes les dépenses augmentèrent. Le coût de la vie augmenta beaucoup entre la fin de règne de Louis XV et la fin de règne de louis XVI. Ce fut aussi un élément qui put tromper le peuple sur les dépenses réelles de la reine. 

Concernant la frivolité légendaire, les idées fantasques et le luxe ostentatoire de Marie-Antoinette, on comprend que son comportement ait pu irriter une partie du peuple français. « ... il est vrai que Marie-Antoinette s’enflamme pour les modes du temps, notamment celle des coiffures excentriques. Elle fait la fortune de sa modiste, Rose Bertin, et de son parfumeur, Jean-Louis Fargeon », souligne Pierre-Yves Beaurepaire, professeur d'histoire, dans le média Histoire et civilisations. Dans sa période d'immaturité, quand elle était dauphine, elle commença à sortir fréquemment, mais aussi à organiser des bals dans ses appartements. Elle s'ennuyait à la cour et voulait profiter de la vie. Son goût pour le luxe et les sorties allait persister dans les premières années de son règne jusqu'à sa première maternité. 

Une longue attente due aux psychologies de Louis XVI et Marie-Antoinette

Elle eut aussi dans cette période une passion frénétique pour les jeux d'argent. Les jeux d'argent faisaient partie des loisirs de la cour du roi, mais cela devint vraiment excessif chez Marie-Antoinette. Sa mère l'impératrice d'Autriche s'en inquiéta et le lui reprocha, d'autant que son mariage avec Louis XVI au bout de sept années, n'avait toujours pas abouti à une maternité. Ainsi elle ne jouait pas son rôle de garante de l'alliance franco-autrichienne. 

En conséquence, son frère l'empereur Joseph II entreprit de venir en France pour mieux comprendre le problème conjugal du couple royal. Joseph prit le temps d'observer leur relation, parla séparément avec Louis XVI et avec sa sœur, et comprit que le problème était principalement fait de blocages psychologiques. « Outre les blocages psychologiques du roi, Joseph avait compris le jeu de sa sœur, ses échappatoires, sa fuite devant la maternité, ses refus cinglants qui indisposaient son mari, au point de lui inspirer de la répulsion... » écrit l'historien Jean-Christian Petitfils dans son livre Louis XVI. La suite des événements prouva qu'il sut leur parler pour résoudre la situation.

Marie Antoinette, des caprices de la Cour à l'échafaud de la Révolution
Après sept années de mariage et la visite salutaire de son frère Joseph II, Marie-Antoinette put enfin surmonter ses barrières psychologiques et devenir mère. (Image : wikimedia / Élisabeth Louise Vigée Le Brun / Domaine public)

Après la visite de son frère, Marie-Antoinette changea de comportement. Elle s'éloigna peu à peu des tables de jeu. Son entourage changea aussi, probablement avec des personnes moins avides de faveurs. Elle allait s'assagir progressivement. Et surtout, elle put enfin devenir mère et découvrir les joies de la maternité. Elle mit au monde quatre enfants. 

Elle se développa aussi intellectuellement, lisant et écrivant davantage. Vers la fin des années 1770, elle s'intéressait de plus en plus à la politique, particulièrement aux affaires étrangères et un peu aux affaires intérieures, elle dialoguait avec certains ministres. Elle comprit qu'elle pouvait avoir un jour, elle aussi, un rôle important à jouer notamment comme régente, en tant que mère d'un potentiel héritier du trône. En outre, elle permit une communication et une diplomatie plus fluide entre la France et l'Autriche.

Les retraites impopulaires de Marie-Antoinette au Petit Trianon

Marie-Antoinette passa beaucoup de temps au Petit Trianon, un petit château dans le parc de Versailles, construit dans les années 1760. Elle entreprit de faire construire des dépendances non loin de là, dont le hameau de la Reine en 1783. C'était une façon d'échapper pour un moment à l'ambiance pesante de la cour, à sa condition de reine avec ses contraintes de la vie en public. Au Petit Trianon et plus encore au hameau de la Reine qui abritait une petite ferme, elle était dans une quête de vie simple, de proximité de la nature, ce qui était aussi dans l'air du temps. Elle en profita assez peu finalement car les travaux du hameau de la Reine ne furent pas encore achevés en 1789.

Marie Antoinette, des caprices de la Cour à l'échafaud de la Révolution
Le hameau de la Reine concrétisa le rêve de Marie-Antoinette d'une vie simple et près de la nature. (Image: wikimedia / Coyau / CC BY-SA 3.0)

Charles-Eloi Vial, historien, indique au micro du média Storiavoce : « Effectivement, il y a la légende autour du hameau de la Reine, il y a ce que le public en sait à l'époque, et on se rend compte que le fait que la reine ne soit plus présente à Versailles, le fait qu'elle s'isole dans un domaine qu'elle façonne à son image ou selon ses goûts, cela ne joue pas en sa faveur. Dans ce contexte de perte de sacralité du pouvoir royal, dans un contexte où Louis XVI devient impopulaire, ses sujets ont de moins en moins confiance en lui. En définitive la reine joue le rôle de bouc émissaire et on l'accuse de dépenser énormément d'argent, de vider les caisses de l'Etat. » 

Selon cet historien, c'était en réalité une goutte d'eau dans le budget de la nation royale, surtout en regard du montant de la dette de l'époque. Cependant c'étaient des comportements qui exaspéraient les gens du peuple. La reine était un souffre-douleur qu'on pouvait facilement accuser et détester. Beaucoup de rumeurs infondées sur la reine étaient colportées dans les rues, dans les maisons. Tout cela contribuait à dégrader l'image de la reine.

Dans le registre des rumeurs sur Marie-Antoinette, certaines circulaient encore dans les écoles à la fin du XXe siècle, comme celle que nous rappelle Pierre-Yves Beaurepaire: « Si les affaires détruisent les réputations, les mots, eux, tuent. Celui attribué à l’"Autrichienne"est de ceux-là: "Ils n’ont pas de pain? Qu’ils mangent de la brioche!"(...) Or, ce mot, la reine ne l’a jamais lancé. Il figure en fait sous la plume de Jean-Jacques Rousseau dans Les Confessions: "Enfin je me rappelai le pis-aller d’une grande princesse à qui l’on disait que les paysans n’avaient pas de pain, et qui répondit: qu’ils mangent de la brioche."» 

Marie Antoinette, des caprices de la Cour à l'échafaud de la Révolution
Beaucoup de rumeurs infondées contribuaient à dégrader l'image de la reine. (Image: wikimedia / Bettmann / CC BY 4.0)

 Une dévotion accrue face aux atrocités de la Révolution française

La dévotion de Louis XVI et Marie-Antoinette apparaît principalement à partir de la Révolution de 1789, quand ils sont sous résidence surveillée aux Tuileries, puis emprisonnés au Temple. A ce moment là, face à l'adversité et face à leur avenir très précaire, ils cherchèrent probablement le sens de leurs épreuves et du réconfort dans la religion. Jusque-là, la reine s'était satisfaite de trois ou quatre confessions par an. Elle allait journellement à la messe car cela faisait partie de ses fonctions royales. Néanmoins, il n'y a rien dans les archives ou dans ses correspondances qui indique une forte dévotion de sa part, avant 1789.

Durant la Révolution, une forme d'exaltation se créa entre Marie-Antoinette, Louis XVI et sa sœur cadette Madame Elisabeth. La religion devint vraisemblablement pour eux un soutien inébranlable qui leur permit de se rapprocher et de se soutenir mutuellement et d'affronter plus sereinement leurs dernières épreuves. C'est la reine elle-même qui le disait dans une de ses correspondances: « On ne se connaît bien que dans le malheur ».  Neuf mois après le roi Louis XVI, la reine déchue fut guillotinée, et au printemps suivant ce fut Madame Elisabeth qui monta sur l'échafaud.

Emmanuel de Waresquiel, historien et essayiste, écrit dans Histoire et civilisations: « ... le 16 octobre 1793, place de la Révolution, les révolutionnaires ont été surpris par la contenance, le courage et la fermeté de cette femme pourtant tragiquement seule, brutalement arrachée à ses enfants, moralement détruite et physiquement affaiblie. Si la guillotine a été sous la Révolution un spectacle et une fête, elle a également été vécue par ceux qui assistaient aux exécutions politiques comme le théâtre de la vengeance patriotique et de l’expiation des coupables. Les condamnés étaient censés faire amende honorable et offrir leur mort à la Révolution par la contrition. Rien de tel avec la reine déchue, doublement coupable, aux yeux de ses juges, de complot et de trahison contre la nation. Nuls pleurs, nulles plaintes, nulles paroles. Il n’y eut avec elle que le silence de la dignité face aux injures et à la mort. »

Marie Antoinette, des caprices de la Cour à l'échafaud de la Révolution
Les révolutionnaires furent surpris par la contenance, le courage et la fermeté de cette femme pourtant tragiquement seule. (Image: wikimedia / William Hamilton / Domaine public)

Durant la Restauration (rétablissement d'une monarchie constitutionnelle à partir de 1814), Marie-Antoinette eut presque la stature d'une sainte. L'iconographie et les textes de cette époque-là ne laissent pas de doutes sur la place qu'elle avait acquis pour une grande partie du peuple français. Son ancienne cellule à la conciergerie fut transformée en chapelle. La dévotion et le martyre de la famille royale furent ainsi exaltés.

Face à l'adversité la plus redoutable, émerge parfois ce qui est le plus noble, le plus admirable dans le cœur de l'être humain.  N'est-ce pas ce qu'a pu dévoiler sur l'échafaud Marie-Antoinette au peuple français ?

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