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Histoire. Les raisons du 14 juillet comme fête nationale en France

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De nos jours, la fête nationale du 14 juillet évoque habituellement la prise de la Bastille et le début de la Révolution française. Cependant, à la fin du XIXe siècle, à cette date, la Fête de la Fédération était prise en considération et traduisait mieux le sentiment de réconciliation et d'unité des français malgré le grand bouleversement sociétal.

La date du 14 juillet fut décidée officiellement en 1880

En 1879, dans les débuts de la IIIe République, les parlementaires (Chambre des députés et Sénat) reçurent des pétitions demandant l'instauration d'une fête nationale. Le député Benjamin Raspail déposa une proposition de loi le 21 mai 1880 au motif d'adopter le 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle.

Le 14 juillet 1789, jour de la prise de la Bastille, fut jugé trop sanglant pour une fête nationale par certains parlementaires. En revanche, la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 créa un consensus favorable pour la plupart des élus de différentes sensibilités politiques. 

Les raisons du 14 juillet comme fête nationale en France
Le député Benjamin Raspail déposa une proposition de loi le 21 mai 1880 pour l'adoption du 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle. (Image : wikimedia / André Gill / Domaine public)

Le rapport du Sénat, préalable à l'adoption de la proposition de loi, soulignait aussi la référence au 14 juillet 1790 : « Mais, à ceux de nos collègues que des souvenirs tragiques feraient hésiter, le 14 juillet 1789, ce 14 juillet qui vit prendre la Bastille, fut suivi d’un autre 14 juillet, celui de 1790, qui consacra le premier par l’adhésion de la France entière (...). Cette seconde journée du 14 juillet, qui n’a coûté ni une goutte de sang ni une larme, cette journée de la Grande Fédération, nous espérons qu’aucun de vous ne refusera de se joindre à nous pour la renouveler et la perpétuer, comme le symbole de l’union fraternelle de toutes les parties de la France et de tous les citoyens français dans la liberté et l’égalité. Le 14 juillet 1790 est le plus beau jour de l’histoire de France, et peut-être de toute l’histoire. C’est en ce jour qu’a été enfin accomplie l’unité nationale, préparée par les efforts de tant de générations et de tant de grands hommes, auxquels la postérité garde un souvenir reconnaissant. Fédération, ce jour-là, a signifié unité volontaire. » 

La loi fut promulguée le 6 juillet 1790. Le texte de loi était très court : « La République adopte le 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle ». Par le fait de ne pas préciser quel événement de la révolution était fêté, il permit la liberté de conscience et d'unir, de réconcilier une majorité de citoyens français autour de valeurs significatives.

Les événements qui provoquèrent la prise de la Bastille en 1789

La Révolution française fut engendrée par de multiples facteurs : humains, économiques, politiques, religieux et philosophiques. Le royaume de France devait faire face à un endettement colossal, dû pour une bonne part aux nombreuses guerres françaises du XVIIIe siècle.

Louis XVI fut contraint par les circonstances de convoquer à Versailles les États généraux, c'est à dire réunir les députés des trois ordres de la nation française: la noblesse, le clergé et le tiers état. Ce grand conseil d'environ mille députés avait été créé par le roi Philippe le Bel en 1302 et était convoqué exceptionnellement en cas de crise majeure, notamment financière. 

Les raisons du 14 juillet comme fête nationale en France
Louis XVI fut contraint de convoquer les Etats généraux, c'est à dire réunir les trois ordres de la nation française: la noblesse, le clergé et le tiers état. (Image : wikimedia / Bibliothèque nationale de France / Domaine public)

Les députés, quelque soit leur ordre, étaient porteurs des doléances des habitants de leur circonscription mais ils ne pouvaient pas s'arroger le droit de parler en leur nom. Les députés du tiers état étaient principalement des bourgeois, venant des classes sociales aisées ou relativement aisées des villes. Les États généraux s'ouvrirent le 4 mai 1789 à Versailles. Chacun des trois ordres devait se réunir séparément pour proposer des réformes et trouver des accords dans l'objectif de sauver les finances du royaume. En 1789, l'ordre de la noblesse comptait 291 députés, celui du clergé 270 députés et celui du tiers état 578 députés.

Le tiers état était donc numériquement en position de force, face aux deux autres ordres même réunis. Les députés du Tiers état, cédant à la pression d'une minorité activiste, se déclarèrent représentants du peuple français (mais ils ne l'étaient pas légalement). Le 17 juin 1789, ils se constituèrent en Assemblée nationale. Le 20 juin, ayant trouvé leur salle de réunion fermée sur ordre du roi Louis XVI, ils se rassemblèrent dans la salle du Jeu de Paume où ils firent le serment de ne pas se séparer avant d'avoir donné une Constitution à la France.

Louis XVI, assistant le 23 juin à une assemblée plénière des États généraux ordonna à nouveau aux trois ordres de siéger séparément. Quand le roi quitta la séance, les députés de la noblesse et d'une partie du clergé se retirèrent aussi.

Les députés du tiers état n'obéirent pas au roi. De famille noble, mais banni par les siens et rallié au tiers état, le comte de Mirabeau s'imposa par son éloquence : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes ! » 

Les raisons du 14 juillet comme fête nationale en France
Les députés des Etats généraux, quelque soit leur ordre, étaient porteurs des doléances des habitants de leur circonscription mais ils ne pouvaient pas s'arroger le droit de parler en leur nom. (Image : wikimedia / Helman, Isidore-Stanislas / CC0 1.0)

Face à l'épreuve de force, le 27 juin, le roi Louis XVI transigea et ordonna à la noblesse et au clergé de rejoindre le tiers état. La souveraineté monarchique commençait alors à vaciller. En réalité, le peuple des artisans, ouvriers et paysans, soit la grande majorité de la population, n'avait pas été consulté et n'était pas représenté dans cette Assemblée nationale.

A Paris, durant cette période, les difficultés d'approvisionnement en farine et le prix très élevé du pain, alliés à l'effondrement de l'autorité royale, provoquait des tensions. En outre, Louis XVI fit disposer autour de la capitale des troupes mercenaires. Dans le même temps, il remplaça son principal ministre Necker par le baron de Breteuil, connu pour son opposition au changement. Tous ces événements alarmèrent le peuple de Paris, et le 12 juillet l'avocat Camille Desmoulins, autre figure majeure de la révolution, guillotiné en 1794, lança un appel aux Parisiens pour prendre les armes.

Le symbole du pouvoir absolu du roi, saccagé par les émeutiers 

« Avant d’incarner le despotisme honni par les révolutionnaires, la Bastille fut d’abord un rempart, une forteresse conçue pour défendre Paris et abriter le pouvoir royal en temps de crise. (…) Elle devient ainsi, au fil des siècles, un édifice aux fonctions multiples : entrepôt d’armes, lieu de stockage d’or sous Henri IV, et surtout geôle royale à partir du règne de Louis XI. (…) Le roi assigne les prisonniers sans aucun procès, au seul chef de faire justice par ses fameuses lettres de cachets. On peut y rester des mois ou des décennies selon le bon vouloir du souverain », indique Paul Pierroux-Taranto dans son article 14 juillet : que célèbre-t-on vraiment, la Bastille ou la Fédération ? Sur le média Le petit journal.com

Au matin du 14 juillet, plusieurs milliers d'émeutiers marchèrent sur les Invalides et purent y entrer, sans grande résistance de la part des défenseurs, pour prendre les armes qui y étaient stockées, principalement des milliers de fusils et des canons. De l'autre côté de Paris, d'autres émeutiers assaillirent la forteresse de la Bastille, symbole de l'absolutisme royal, mais surtout grand entrepôt de poudre à canon. Au bout de plusieurs heures de négociations de plus en plus tendues et de dizaines de morts, les assaillants entrèrent enfin au cœur de l'édifice pour y découvrir seulement sept prisonniers. Le gouverneur Launay, responsable de la forteresse, y fut assassiné et sa tête coupée, plantée au bout d'une pique.  

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Des émeutiers assaillirent la forteresse de la Bastille, symbole de l'absolutisme royal, mais surtout grand entrepôt de poudre à canon. (Image : wikimedia / Henry Singleton / Domaine public)

Quelques heures plus tard, Flesselles, le prévost des marchands (l'équivalent du maire de notre époque) fut tué à la sortie de l'Hôtel de Ville et sa tête fut promenée au bout d'une pique, tenant compagnie à celle de Launay. Le 16 juillet, dans une nouvelle volte-face hasardeuse, Louis XVI retire les troupes autour de Paris et rappelle Necker ? Le lendemain, à l'Hôtel de Ville, où la Commune a remplacé l'ancienne municipalité et où le président de l'Assemblée nationale est aussi devenu maire de Paris, le roi consent à mettre la cocarde bleue et rouge des Parisiens, en y ajoutant le blanc de la monarchie. « La population, toutefois, montre des marques d'attachement sincères envers le monarque, qui en est ému. Il n'empêche que pendant les années qui suivront, l'Hôtel de Ville exercera un constant chantage sur l'Assemblée, dans le sens de la surenchère. Manipulation des députés, pression des factions, menace de la rue : le mécanisme révolutionnaire est lancé. » écrit l'historien Jean Sévillia dans son livre Histoire passionnée de la France.

L'unité des français à la Fête de la Fédération de 1790... si près d'une monarchie constitutionnelle

Après les événements de juin et juillet 1789, la France resta dans une situation tendue et instable. Pour pallier ce sentiment d'insécurité et mettre fin à la situation insurrectionnelle, une armée civique de gardes nationaux fut créée par le marquis de La Fayette qui devint le chef de la garde nationale parisienne. Dans l'année 1790, en divers endroits du pays, les gardes nationaux s'unirent aux forces armées régulières afin de mieux garantir la sécurité du peuple français. Ils se constituèrent en fédérations assermentées à travers toute la France et en particulier dans les régions frontalières.

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Une armée civique de gardes nationaux fut créée par le marquis de La Fayette qui devint le commandant de la garde nationale parisienne. (Image : wikimedia / Joseph-Désiré Court / Domaine public)

Ce principe de fédération fut célébré dans plusieurs régions de France, par des défilés militaires témoignant de l'union des soldats et des gardes nationaux, ainsi que par des banquets  et des bals où se rassemblèrent les populations. « Parmi ces nombreuses fêtes, celle de Lyon retient l’attention en mai 1790. Elle a rassemblé près de 50 000 personnes réunies autour d’un autel de la Concorde où s’élevait une statue de la déesse romaine Liberté (Libertas). Aux instants martiaux se sont rajoutés de vastes bals populaires, d’imposants banquets et des feux d’artifice », indique Adrien Rasata dans l'article La Fête de la Fédération sur le média C'est toute une Histoire

A l'exemple de Lyon, la commune de Paris projeta d'organiser une grande fête civique. Le projet fut présenté devant l'Assemblée nationale qui donna son accord début juin. La date du 14 juillet fut retenue en commémoration de la prise de la Bastille et de la fin de la monarchie absolue. Sur le lieu des festivités, le Champ-de-Mars, des travaux d'aménagement furent entrepris, occupant une dizaine de milliers d'ouvriers parisiens, pour réaliser une sorte d'immense cirque antique avec un arc de triomphe et une tribune pour l'Assemblée nationale et la famille royale. Le roi Louis XVI, de bonne volonté, vint en personne donner quelques coups de pioche sur le chantier, acclamé par la foule.  

Environ 100 000 soldats, dont plusieurs milliers venant des départements, furent conviés à la fête. Des milliers de citoyens parisiens participaient à la fête à l'intérieur du cirque antique, et d'autres étaient venus écouter à l'extérieur. La fête commença par une messe donnée par l'évêque d'Autun en compagnie de 200 à 300 prêtres. Puis La Fayette, sur un cheval blanc, se dirigea vers l'autel de la Patrie et prêta serment au nom des gardes nationaux : « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l’intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu’elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité ». 

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Environ 100 000 soldats, dont plusieurs milliers venant des départements, furent conviés à la Fête de la Fédération. (Image : wikimedia / Isidore Stanislas Helman / After Charles Monnet / Domaine public)

Les membres de l'Assemblée nationale prêtèrent tous serment. Le roi prêta serment depuis sa tribune, ainsi que la famille royale . Marie-Antoinette, soulevant son fils, cria : « Voilà mon fils, il s’unit, ainsi que moi, aux mêmes sentiments ». Enfin ce fut au tour du peuple de Paris de prêter serment. La cérémonie terminée, le cirque antique résonna d'une grande clameur d'allégresse et des coups de canon furent tirés depuis l'arc de triomphe. Le soir, un banquet général, des concerts, des bals, des feux d'artifice furent organisés. Dans toute la France, se déroulèrent des fêtes locales avec les mêmes serments entre soldats et citoyens.

Ce fut un grand moment d'unité nationale et cela signifiait pour beaucoup que la monarchie constitutionnelle (comme elle s'exerçait déjà en Angleterre depuis un siècle) était sur le point d'être adoptée en France. La suite des événements en décida autrement.

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