Sur les hauteurs de l’Est parisien, la colline du Père Lachaise regarde la ville comme un témoin silencieux. Avant d’être un cimetière, elle était un jardin paisible. Selon les archives de Paris, les jésuites y ont établi en 1675 une maison de repos, appelée Mont-Louis, en hommage à Louis XIV. Le confesseur du roi, François d’Aix de La Chaise, y vivait, entouré de vergers et de vignes. C’est de lui que viendra, plus tard, le nom du lieu.
Après l’expulsion des jésuites en 1763, le domaine est saisi par la Couronne, puis devient un bien national. Longtemps, la colline reste à l’écart, sauvage et oubliée, tandis que Paris manque d’air et de place pour ses morts. Sous le Consulat, un décret de 1801 interdit les inhumations dans la capitale. Il fallait ouvrir de nouveaux cimetières hors des murs.

Création du cimetière du Père Lachaise
En 1803, le préfet Nicolas Frochot acquiert le domaine du Mont-Louis. L’architecte Alexandre-Théodore Brongniart y trace des allées, mêlant la rigueur classique à la douceur d’un parc. Le 21 mai 1804, le Cimetière de l’Est ouvre ses portes. La première personne inhumée, une petite fille nommée Marie-Adélaïde Paillard de Villeneuve, repose aujourd’hui encore sous un simple tertre, d’après les registres originaux conservés aux Archives de la Ville de Paris.
Mais les Parisiens se méfient. Le lieu paraît trop éloigné, trop campagnard. L’Église refuse d’abord de le bénir. Peu d’âmes s’y aventurent. Pour changer le destin du cimetière, Nicolas Frochot imagine un geste audacieux. En 1817, il y fait transférer les restes de Molière et de La Fontaine. Qu’ils soient authentiques ou symboliques, ces transferts marquent un tournant. La rumeur se répand, la curiosité naît, et bientôt les familles les plus en vue réclament une concession.

Comment Nicolas Frochot rend le cimetière attractif
Le Père-Lachaise devient alors un théâtre de pierre et de verdure. Les tombeaux s’élèvent comme des chapelles miniatures ; les anges, les pleureuses et les sphinx se mêlent aux lilas et aux ifs. Au milieu du XIXᵉ siècle, il s’étend sur plus de quarante hectares. Les artistes viennent s’y promener. Balzac, Stendhal, Hugo y trouvent l’inspiration. L’endroit n’est plus seulement un cimetière, il devient un musée à ciel ouvert, un jardin où l’art et la mémoire dialoguent.

Le cimetière n'a pas toujours été un lieu paisible
Puis vient 1871. Pendant la Commune de Paris, la colline devient un champ de bataille. Au pied d’un mur, des centaines de communards sont fusillés lors de la Semaine sanglante. Ce mur, que l’on nommera plus tard le Mur des Fédérés, témoigne d’un Paris déchiré. Les combats et les incendies de la Commune ont laissé des ruines dans la ville, mais aussi une mémoire vive, douloureuse.
Dès lors, le Père-Lachaise n’est plus seulement un lieu de recueillement : il devient un témoin de l’Histoire, un espace où reposent à la fois les bâtisseurs, les artistes et les victimes des révoltes humaines.

Le Père Lachaise aujourd'hui
Aujourd’hui encore, le cimetière vit. Il s’étend sur 44 hectares, abrite plus de 70 000 tombes et accueille chaque année des millions de visiteurs. Selon la Ville de Paris, il reste un cimetière en activité, mais aussi le site funéraire le plus visité au monde. Sous les arbres centenaires reposent Chopin, Proust, Piaf, Oscar Wilde, Modigliani, Jim Morrison… autant de voix que le vent semble réveiller lorsqu’on s’y promène.
Marcher au Père-Lachaise, c’est traverser deux siècles de mémoire. C’est écouter la rumeur d’un Paris éternel où la mort n’efface rien, elle transforme.
La colline du confesseur du Roi-Soleil est devenue un royaume de silence et de lumière, où chaque pierre parle, et où la vie continue, discrète, entre les allées fleuries.
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.












