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Monde. Le Royaume-Uni adopte un amendement sur le génocide

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Le 2 février, la Chambre des Lords a voté en faveur de son projet de loi sur le commerce avec la Chine, qui inclut des amendements sur le génocide, par 359 voix contre 188. (Image : Jim Moylan / Pixabay)

Le 2 février, la Chambre des Lords a voté en faveur de son projet de loi sur le commerce avec la Chine, qui inclut des amendements sur le génocide, par 359 voix contre 188. Le premier amendement de Lord Collins of Highbury obligera les ministres du gouvernement à déterminer si le signataire d’un nouvel accord commercial a commis des crimes contre l’humanité avant la ratification de l’accord.

Le deuxième amendement proposé par Lord David Alton, un pair indépendant, permettra à la Haute Cour d’Angleterre et du Pays de Galles ou à la Cour suprême d’Écosse de décider si un autre signataire d’un accord commercial a commis un génocide.

L’amendement révisé, modifié en raison des objections du gouvernement précédent, n’inclut pas la résiliation automatique des accords commerciaux avec les États qui, selon la Haute Cour, commettent un génocide. Au lieu de cela, le gouvernement a présenté sa réponse aux deux Chambres du Parlement, qui pourrait inclure des actions telles que la résiliation des accords commerciaux concernés.

Lord David Alton a déclaré qu’il avait proposé cet amendement parce que le gouvernement n’agirait pas sans la détermination des tribunaux. « Cet amendement sur le génocide... trouve son origine en 2016, lorsque, malgré l’adoption par le Parlement d’une motion sur les crimes génocidaires contre les Yazidis et d’autres minorités, le gouvernement a refusé de l’accepter, parce qu’un tribunal n’avait pas fait la déclaration », a-t-il dit. « L’amendement multipartite sur le génocide remédie à un raisonnement circulaire. »

L’« amendement sur le génocide » donnant aux tribunaux un rôle dans la détermination du génocide a été voté pour la première fois à la Chambre des Lords en décembre, avec 287 voix contre 161.

Berne (Suisse) : des réfugiés de la région autonome ouïghoure du Xinjiang protestent contre les violations des droits de l’homme commises par le gouvernement chinois. (Image : wikimedia / Hadi / CC0)
Berne (Suisse) : des réfugiés de la région autonome
ouïghoure du Xinjiang protestent contre les violations
des droits de l’homme commises par le gouvernement
chinois. (Image : wikimedia / Hadi / CC0)

Le bureau de Boris Johnson, représenté par l’attachée de presse Allegra Stratton, a déclaré « Nous reconnaissons la force du sentiment, mais le gouvernement ne soutient pas l’amendement. »

Le 12 janvier, le ministre des affaires étrangères Dominic Raab s’est adressé à la Chambre des Communes au sujet de la réponse britannique aux violations des droits de l’homme contre les musulmans ouïghours dans le Xinjiang, en Chine. Dominic Raab a présenté certaines mesures qui pourraient être considérées comme une alternative à l’« amendement sur le génocide » proposé, jetant ainsi les bases de la suppression de cet amendement.

Ces mesures visent à empêcher les entreprises basées au Royaume-Uni de s’impliquer dans les chaînes d’approvisionnement utilisant des camps au Xinjiang. Elles se concentreront sur l’application de la diligence raisonnable, la fourniture d’informations sur les risques de travailler avec des entreprises liées au Xinjiang, la mise en œuvre de sanctions financières pour les entreprises qui ne sont pas transparentes, l’exclusion des fournisseurs impliqués dans des violations des droits de l’homme et l’utilisation de restrictions à l’exportation.

Le 19 janvier, dans l’un de ses tout derniers actes en tant que secrétaire d’État américain dans l’administration de Donald Trump, Mike Pompeo a annoncé que les atrocités commises par le Parti communiste chinois contre les Ouïghours constituaient un génocide.

Dans l’heure qui a suivi l’annonce de Mike Pompeo, les députés de la Chambre des Communes ont voté la suppression de l’« amendement sur le génocide », mais seulement par un vote de 319 contre 308. L’amendement a été soutenu par l’opposition travailliste, le SNP (Parti national écossais) et les partis libéraux démocrates. Trente-trois députés conservateurs rebelles ont failli renverser la donne en allant à l’encontre de la ligne du parti et en soutenant l’amendement.

James Gray, député conservateur du comté du North Wiltshire, fait partie de ceux qui se sont rebellés contre le « three line wip » (convocation impérative, procédé institutionnel obligeant les députés à suivre les consignes de vote sous peine de sanction, voire d’exclusion temporaire) et qui ont soutenu « l’amendement sur le génocide ». James Grey a expliqué que l’amendement permettrait aux tribunaux britanniques de réagir de manière proactive dès maintenant, plutôt que de rester à attendre que les tribunaux internationaux se prononcent sur la question. La Baronne Ruth Deech, membre indépendante et avocate éminente, a déclaré que « des actions préventives sont nécessaires pour prévenir le génocide. Une fois qu’il a lieu, il est trop tard ».

James Grey craint que la Chine n’applique son veto au Conseil de sécurité pour bloquer toute action de la Cour pénale internationale contre Pékin.

Miriam Jane Alice Davies, députée conservatrice du Mid Sussex et Sous-secrétaire d’Etat parlementaire à l’Emploi, a voté contre l’amendement en raison de l’absence d’accords de libre-échange entre le Royaume-Uni et la Chine.

Le ministre du commerce, Greg Hands, a qualifié la proposition d’«amendement génocide » qui donne aux tribunaux le pouvoir de révoquer les accords commerciaux conclus par les gouvernements élus d’« érosion sans précédent et inacceptable » de la souveraineté du Parlement. Il a fait valoir qu’étant donné qu’actuellement le Royaume-Uni n’a pas d’accord de libre-échange avec la Chine, l’amendement ne serait d’aucune utilité.

La porte-parole du parti travailliste pour les affaires étrangères, Lisa Nandy, et la porte-parole pour le commerce international, Emily Thornberry, ont écrit une lettre commune aux législateurs stipulant que voter pour l’amendement enverrait un message d’aide clair.

L’amendement a été soutenu par de nombreuses ONG, dont des musulmans, des anglicans et des groupes religieux catholiques. Le Conseil des députés des Juifs britanniques a publiquement soutenu l’amendement, en tweetant : « Nous applaudissons la Chambre des Lords pour avoir voté en faveur de l’amendement révisé sur le génocide, de Lord David Alton, au projet de loi sur le commerce du gouvernement, avec une énorme majorité de 171 voix. »

Dorit Oliver Wolff, survivante de l’Holocauste, a appelé les députés à mettre de côté les politiques partisanes et à soutenir l’amendement. Dans une vidéo diffusée sur les médias sociaux, réalisée par YetAgainUK, un mouvement de jeunes exposant les atrocités des temps modernes, Dorit Olivier Wolff a déclaré « Vous devez reconnaître qu’il s’agit d’un génocide. S’il vous plaît, ne faites pas de commerce avec ces personnes qui commettent un génocide ».

Sir Malcolm Rifkind et Jeremy Hunt, deux anciens ministres des affaires étrangères, ainsi que Bill Browder, le pionnier des sanctions Magnitsky, ont publiquement soutenu l’amendement.

Dorit Oliver Wolff, survivante de l’Holocauste, a appelé les députés à mettre de côté les politiques partisanes et à soutenir l’amendement. (Image : Jordan Holiday / Pixabay)
Dorit Oliver Wolff, survivante de l’Holocauste, a appelé les députés à mettre de côté les politiques partisanes et à soutenir l’amendement. (Image : Jordan Holiday / Pixabay)

Dans son discours, Lord David Alton a cité un certain nombre de juristes chevronnés qui ont déclaré que les tribunaux britanniques sont compétents pour déterminer si un génocide est en cours en vertu de la Convention sur le génocide.

Le « China Tribunal », un groupe de juristes et de chercheurs se présentant comme un tribunal indépendant, ainsi que le « Uyghur Tribunal », tous deux présidés par le célèbre avocat Sir Geoffrey Nice QC, ont enquêté pour déterminer juridiquement si la Chine a commis des crimes contre l’humanité. Sir Geoffrey Nice est l’avocat qui a dirigé les poursuites contre le président serbe Slobodan Milošević au Tribunal pénal international des Nations unies.

Le China Tribunal a été créé en tant que tribunal du peuple pour apporter un témoignage indépendant sur le prélèvement forcé d’organes sur des prisonniers et des dissidents dans les camps de travail chinois et pour examiner les actes criminels commis par des organisations gérées par l’État chinois ou des membres du Parti impliqués.

La Coalition internationale pour mettre fin aux abus des transplantations en Chine (ETAC) a créé le China Tribunal « une coalition d’avocats, d’universitaires, d’éthiciens, de professionnels de la santé, de chercheurs et de défenseurs des droits de l’homme qui se consacrent à mettre fin au prélèvement forcé d’organes (une forme de trafic d’organes) en Chine ».

Son jugement final a été rendu en juin 2019 et a conclu que « le prélèvement forcé d’organes est pratiqué depuis des années dans toute la Chine à une échelle significative, et que les pratiquants de Falun Gong ont été une - et probablement la principale - source d’approvisionnement en organes ».

Le China Tribunal a également estimé qu’il y avait peut-être des preuves concernant des Ouïghours ciblés plus récemment.

Le Tribunal a examiné si ces preuves constituaient un crime de génocide et a déclaré : « le Falun Gong et les Ouïghours sont tous deux qualifiés de " groupe " par le Parti communiste chinois pour justifier ses crimes de génocide ».

Le Tribunal a déterminé que la persécution du Falun Gong constituait un génocide et que les deux éléments suivants constitutifs du crime de génocide sont clairement établis : le meurtre de membres du groupe et le fait d’infliger des dommages graves à des individus du groupe. Les conclusions ont établi qu’ « à l’exception du troisième élément constitutif du crime, le génocide a été clairement prouvé de façon satisfaisante, sur la base des avis juridiques reçus par le Tribunal ».

Le Falun Gong et les Ouïghours sont tous deux qualifiés de « groupe » par le Parti communiste chinois pour justifier ses crimes de génocide. (Image : Minghui.org)
Le Falun Gong et les Ouïghours sont tous deux qualifiés de « groupe » par le Parti communiste chinois pour justifier ses crimes de génocide. (Image : Minghui.org)

Le 7 décembre 2020, Lord David Alton, s’exprimant à la Chambre des Lords pour présenter l’« amendement sur le génocide », a cité les conclusions du China Tribunal : « Le China Tribunal », présidé par Sir Geoffrey Nice, déclare que la « boucherie organisée » de personnes vivantes pour vendre des parties du corps de personnes appartenant à des minorités religieuses et à des groupes ethniques est comparable « aux pires atrocités commises dans les conflits du XXe siècle, y compris l’Holocauste, les massacres commis par les Khmers rouges au Cambodge et le génocide rwandais ». Le Tribunal a fait part de ses préoccupations concernant le fait que si le gouvernement ne fait rien pour protéger le commerce avec la Chine, le coût serait de saper tout « autre intérêt légitime ».

Le Uyghur Tribunal a des objectifs similaires à ceux du China Tribunal. Le 23 septembre 2020, la Chambre des Lords a discuté de la création du Uyghur Tribunal. Lord David Alton a exhorté ses pairs à soutenir le nouveau tribunal en raison des difficultés inhérentes à la détermination juridique des crimes contre le peuple ouïghour. La réponse a été la suivante : « Nous avons l’intention d’assister à l’enquête comme nous l’avons fait pour l’enquête sur le prélèvement d’organes. »

Selon le site web du Uyghur Tribunal, il est prévu qu’un jugement définitif dans cette affaire puisse être rendu d’ici la fin de l’année s’il existe des preuves suffisantes.

Rédacteur Fetty Adler

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