Histoire. Albert Roche, un héroïque soldat dévoué à sa patrie

Pendant la Première Guerre mondiale, Albert Roche fut un héros aux nombreuses et stupéfiantes prouesses, capturant entre autres exploits, tout au long de la guerre, des centaines de soldats allemands. Il fut nommé « premier soldat de France » par le général Foch, chef des Forces alliées. 

Albert Roche était fils de paysans. Son père voulait le garder pour travailler sur la ferme, mais lui souhaitait à tout prix s'engager dans l'armée et aller combattre sur le front. D'où venait cet appel, cette énergie qui le poussait à aller combattre pour son pays ?

Né en 1895 à Réauville dans la Drôme, à l'âge de 18 ans, le conseil de révision le jugea de faible constitution et de trop petite taille et le réforma. Cependant quand la Première Guerre mondiale éclata, le jeune paysan ne put résister, en son for intérieur, au pressant appel à combattre, malgré le refus de son père. Alors il s'enfuit et rejoignit un camp d'instruction. Les médecins militaires l'acceptèrent cette fois-ci et l'affectèrent au 30e Bataillon de Chasseurs à Grenoble.

La première mission d'Albert Roche

Mais la vie de caserne et l'entraînement furent difficiles pour le jeune soldat qui rêvait d'être déjà sur le front. Il n'était pas très apprécié et il était mal noté. Un jour, un de ses compagnons d'armes lui dit que les déserteurs qu'on rattrapait étaient envoyés en première ligne. Alors il déserta, sans trop se cacher. Rattrapé et mis en prison, il déclara : « Les mauvais soldats, on les expédie là-haut, et moi je veux aller où l'on se bat ». L'officier exauça son voeu et il fut envoyé dans les Vosges, au 27e Bataillon des Chasseurs Alpins, surnommés les « diables bleus » en raison de leur uniforme et de leur grande combativité.

Albert Roche arriva en 1915 dans son unité. Il se distingua rapidement des autres par son entrain à partir en mission et par ses actions d'éclat. Un soir d'été, le capitaine de sa section demanda des volontaires pour neutraliser un nid de mitrailleuses allemand. Albert se proposa aussitôt, avec deux autres compagnons. A la nuit tombée, ils rampèrent tous les trois jusqu'à la tranchée allemande. 

Albert aperçut un tuyau de poêle dépassant de la tranchée. Il saisit l'opportunité et jeta plusieurs grenades dans le tuyau. Elles descendirent jusqu'au poêle, tuant sur le coup plusieurs soldats allemands qui se chauffaient. Huit autres, qui crurent à une attaque de grande envergure, se rendirent sans résister. Albert et ses deux compagnons revinrent victorieux dans leur tranchée avec les armes, des munitions et huit prisonniers. 

Un habile subterfuge pour tromper l'ennemi et défendre la position

Comme Albert prenait facilement l'initiative, qu'il était téméraire, loyal et inspirait confiance, au vu de ses exploits, des armes et de tous les prisonniers qu'il ramenait, ses supérieurs militaires lui laissèrent souvent un large champ d'action. Ainsi, fréquemment, il partait seul dans la nuit et revenait avec des prisonniers allemands, sous le regard stupéfait de ses compagnons de tranchée.

Un jour de l'hiver 1915, sur le massif du Sudel dans les Vosges, la tranchée en première ligne d'Albert Roche et ses compagnons se fit pilonner par l'artillerie allemande. Juste après le bombardement, un assaut des allemands eut lieu vers la tranchée dont ils croyaient les occupants morts ou réfugiés en seconde ligne. Cependant, en avançant, ils reçurent des tirs nourris, à tel point qu'ils renoncèrent à ramper jusqu'à la tranchée et abandonnèrent l'attaque. 

Pourtant Albert était le seul survivant de la tranchée, mais sans perdre son sang-froid, il avait judicieusement aligné en différents endroits, les fusils de ses camarades morts. Il avait couru d'un endroit à l'autre, tiré et rechargé d'innombrables fois, faisant croire à l'ennemi que la position française était encore solidement défendue.

L'épopée guerrière du soldat Roche peut nous amener à penser qu'il suivait simplement le destin extraordinaire de sa vie, où il avait beaucoup de missions périlleuses à accomplir, et qu'il était aidé et protégé par le Ciel. Il y eut bien d'autres épisodes saisissants de bravoure et d'endurance.

Lors d'une mission de reconnaissance, il fut découvert et fait prisonnier avec son lieutenant blessé. Albert parvint à saisir le pistolet de l'officier qui l'interrogeait. Il l'amena dans la tranchée allemande sous la menace de son arme, de telle sorte que les autres soldats allemands durent se rendre. Il revint ainsi dans les tranchées françaises avec 42 prisonniers allemands et son lieutenant blessé sur les épaules.

Albert Roche persévérait jusqu'au bout dans des situations extrêmes

Au cours d'une offensive dans la bataille du Chemin des Dames, la compagnie d'Albert Roche dut se replier sous le feu allemand. Le capitaine fut grièvement blessé et il resta seul, gisant entre les lignes allemandes et françaises. Albert rampa sous le feu ennemi pendant six heures pour le rejoindre, le retour lui prit encore quatre heures pour ramener son capitaine avant de le confier aux brancardiers. Epuisé par tous ces efforts, Albert s'endormit dans un trou d'obus.

Une patrouille passant par là le prit pour un déserteur. C'était une période de la guerre où les lignes de front étaient de plus en plus menacées de désertions et de mutineries, et certains soldats refusaient de monter à l'assaut. Cela n'arrangeait pas le sort du soldat Roche et la sanction fut sans appel : « Abandon de poste sous le feu, fusillé dans les 24 heures ». Malgré toutes ses explications et sa sincérité, sans témoin pour le défendre, il fut envoyé au cachot en attendant son exécution. Il écrivit un message pour son père : « Dans une heure je serai fusillé, mais je t'assure que je suis innocent ».

Au moment où le peloton d'exécution se préparait à faire sa besogne, le commandant reçut un courrier du capitaine blessé secouru par Albert. Il témoignait de l'innocence du soldat et le proposait à la médaille militaire pour bravoure ! Plusieurs fois durant la guerre, il alla en rampant chercher des blessés entre les premières lignes françaises et allemandes, sous le feu de l'ennemi.

Un autre jour, dans cette terrible bataille du Chemin des Dames, il fut grièvement blessé mais il n'abandonna pas son poste. Il resta trois jours dans un trou d’obus, surveillant une position ennemie et transmettant de précieux renseignements. Finalement il fut secouru. Blessé à neuf reprises pendant la guerre, il retourna toujours au front pour se distinguer dans des missions extrêmement risquées. 

La question de l'héroïsme dans la violence, en temps de guerre

Cela peut paraître inconvenant de parler de héros, concernant un homme qui tua d'autres hommes. Cependant dans certaines missions qu'il menait, il n'avait pas le choix, c'était tuer ou être tué. La guerre est ainsi faite, et il défendait son pays. Les soldats allemands étaient aussi constamment sous les ordres de leurs supérieurs, et prêts à tirer sur l'ennemi. S'ils ne tiraient pas, s'il n'obéissaient pas, ils étaient sévèrement punis et pouvaient même être exécutés. 

Les guerres engendrent beaucoup de souffrances physiques et morales chez les êtres humains et beaucoup de chaos dans le monde. Les guerres semblent être des événements inéluctables de la civilisation humaine qui remettent en question les équilibres nationaux ou internationaux. Néanmoins, beaucoup de nations se sont construites à la faveur de guerres sanglantes. Mais arrivent-elles par hasard ? Ne sont-elles pas la conséquence d'actions et de situations conflictuelles antérieures ? Peut-être est-il là aussi question de rétribution karmique, bien au-delà de la volonté et du pouvoir limité des hommes ? 

Le nombre de prisonniers allemands qu'Albert Roche ramena des lignes ennemies est impressionnant : 1180 prisonniers en trois années de guerre. Ces traques de soldats ennemis n'étaient-elles pas admirables et bienfaisantes ? Albert les sortait de l'enfer des lignes de front. Il leur permettait ainsi de ne plus tuer ou blesser d'autres soldats, et augmentait considérablement leurs chances de survie. N'était-ce pas d'ailleurs une des raisons du peu de résistance des soldats allemands, lorsqu'ils étaient faits prisonniers ?  

Environ 530 000 Allemands furent capturés par l'armée française durant la Première Guerre mondiale, le nombre de Français capturés par l'armée allemande était à peu près équivalent. Beaucoup furent employés à différents travaux publics, également comme ouvriers agricoles, ou dans d'autres secteurs d'activité. Une partie d'entre eux furent placés en camps de détention. Les prisonniers de guerre allemands en France étaient généralement bien traités. 

Au-delà des honneurs, l'imperturbable modestie d'un héros

A la fin de la guerre, le général Foch découvrit avec étonnement tous les exploits d'Albert Roche et il s'écria : « Il a fait tout cela, et il n'a pas le moindre galon de laine ? » Lors d'un rassemblement devant l'hôtel de ville de Strasbourg, le général Foch le fit monter avec lui au balcon devant une foule en liesse : « Alsaciens, je vous présente votre libérateur Albert Roche. C'est le premier soldat de France ! » Albert reçut plusieurs décorations et plusieurs citations à l'ordre de l'armée. 

Il reçut la Légion d'honneur avec cette citation : « Chasseur dont la bravoure est légendaire au bataillon. Fait preuve dans les circonstances les plus difficiles, d'un mépris absolu du danger. Conserve un calme absolu aux moments les plus critiques. Donne à ses camarades l'exemple de l'entrain. Exalte leur courage. Est pour ses chefs un auxiliaire précieux. Pendant les opérations du 31 août 1918, a réussi comme agent de liaison à transmettre à toutes les sections de sa compagnie les ordres du commandant, n'hésitant devant aucun danger, triomphant devant des difficultés de toutes sortes, montrant un rare esprit de décision, une conscience au-dessus de toute éloge. Médaillé militaire pour faits de guerre ».

Il fit partie des huit braves qui portèrent le cercueil du Soldat inconnu jusqu'à l'Arc de Triomphe de Paris. Tout cela témoignait de la reconnaissance de ses actes de bravoure par la hiérarchie militaire. Comme tous les véritables héros, il ne se vanta jamais de ses exploits, car c'était venu de son cœur et d'une énergie mystérieuse qui, semble-t-il, ne lui avait pas laissé le choix.  

Après la guerre, il retourna à une vie modeste dans son Sud natal. Il se maria et travailla comme cantonnier à Valréas dans le Vaucluse. Plus tard, il fut embauché dans une poudrerie à Sorgues, comme pompier. C'est dans ce village qu'il meurt à 44 ans, percuté par une voiture à sa descente d'un bus. Lui qui traversa superbement tant d'extraordinaires et dangereuses situations pendant la guerre, restant toujours bien vivant et activement dévoué à son pays, il avait juste suffi, dans un jour de sa vie redevenue paisible, d'un bref instant d'inattention pour quitter ce monde. 

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