Le défilé militaire du 3 septembre était censé servir de scène au Parti communiste chinois (PCC) pour provoquer l’émergence d’une « grande puissance ». Cependant, ce spectacle politique soigneusement orchestré est devenu un étrange « enchantement » politique dans l’opinion publique internationale. Tous les dirigeants qui figurent sur la même photo que Xi Jinping ont connu, l’un après l’autre, leur Waterloo. Penchons-nous sur le cas de l’ex-Premier ministre népalais.
Du jour au lendemain, le gouvernement népalais a été renversé
Début septembre, des manifestations de masse, rares, ont éclaté à Katmandou, la capitale du Népal. Ce qui avait commencé comme une manifestation de rue contre la corruption et l’inflation s’est rapidement transformé en émeutes dans toute la ville en seulement 24 heures. La colère s’est dirigée contre de hauts fonctionnaires : le ministre des Finances a été tabassé en pleine rue, le domicile de l’ancien Premier ministre a été incendié et son épouse a tragiquement péri dans les flammes.
Le Premier ministre et chef du Parti communiste (maoïste) népalais, Khadga Prasad Sharma Oli, a dû remettre sa démission, et le régime s’est effondré du jour au lendemain. Le Népal s’est retrouvé au bord du gouffre. Les médias internationaux ont décrit la situation comme un « effondrement fulgurant du pouvoir ».
La chute du Premier ministre népalais : la « malédiction photographique » de Xi Jinping ?
Paradoxalement, quelques jours seulement avant le déclenchement des émeutes, M. Oli a fait une apparition surprise à Pékin, serrant la main de Xi Jinping et posant pour des photos. Il a également participé à un défilé militaire prestigieux le 3 septembre.
Le dirigeant de la Chine aurait déclaré : « La Chine et le Népal sont dans le même bateau, contre vents et marées, partageant le même destin et écrivant un chapitre de l’histoire du bon voisinage et de l’amitié ». Ainsi, quelques jours plus tard, l’intégration immédiate de ce « Premier ministre pro-chinois » dans la situation politique intérieure était pour le moins inattendue.
Il n’est guère étonnant que l’opinion publique ait tourné en dérision la photo du défilé militaire, devenue une « photo de remise de diplômes » : les dirigeants sont tout sourire. Mais de retour de Chine, ils doivent passer leurs propres « examens de fin d’études ». Chacun d’eux est exposé à un désastre majeur. L’un après l’autre, les « régimes pro-chinois » sont en difficulté.
La chute d’Oli n’est pas un cas isolé, mais marque le dernier chapitre du « dilemme des régimes pro-chinois ». Ces dernières années, presque tous les régimes trop proches du PCC et trop dépendants de Pékin ont été plongés dans la tourmente et la crise. On entend même de plus en plus à l’international que ces régimes sont en train d’exploser ou de s’effondrer.
Le Sri Lanka
En 2022, des manifestations de masse ont éclaté dans la « Perle de l’océan Indien » en réaction à une grave crise de la dette et à des pénuries d’énergie, la colère étant dirigée contre le palais présidentiel. Le président Rajapaksa a finalement été contraint de fuir, devenant la risée de la politique sud-asiatique. Derrière cette crise se cache le projet chinois Nouvelle route de la soie ou « Ceinture et Route », qui a exercé une forte pression sur le Sri Lanka en termes d’endettement, notamment le cas de « dette à louer » du port de Hambantota, qualifiant le pays de « piège de la dette ».
Le Bangladesh
En 2023, un mouvement étudiant national s’est propagé comme une traînée de poudre, remettant en cause la légitimité et la capacité du gouvernement à gouverner. Ce pays d’Asie du Sud est depuis longtemps un partenaire économique et commercial important pour Pékin. Pourtant, la dépendance excessive aux investissements et aux prêts chinois a également rendu le Bangladesh plus vulnérable aux conflits économiques et sociaux. La colère des étudiants reflète la méfiance profonde de la jeune génération envers les politiques pro-chinoises du gouvernement et la corruption de ses institutions.
L’Indonésie
Le président Jokowi (Joko Widodo) est censé être l’« ami » de Pékin en Asie du Sud-Est, participant non seulement à l’initiative « Ceinture et Route », mais aussi à de nombreux événements majeurs organisés par Pékin, notamment des défilés militaires. Cependant, de récentes manifestations de grande ampleur ont eu lieu en Indonésie, accusant le gouvernement d’échecs politiques et de corruption. Cela prouve une fois de plus que plus on se rapproche du PCC, plus le régime est sous pression.
La Serbie
En Europe, le président Vucic est l’un des dirigeants les plus pro-chinois, et Pékin l’a encensé, le considérant même comme « la porte d’entrée de l’Europe pour la « Ceinture et Route ». Cependant, fin 2023, des manifestations massives contre la fraude électorale ont éclaté en Serbie. Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue, scandant des slogans et réclamant la destitution de Vucic. Le régime de Vucic s’est alors retrouvé plongé dans une crise sans précédent dans l’histoire.
Cette série de « coïncidences politiques » est désormais connue sur la scène internationale sous le nom de « malédiction Xi Jinping » : les régimes trop proches de Xi Jinping, ou trop proches du PCC, se voient non seulement privés d’un véritable refuge, mais sont aussi plus susceptibles de devenir la cible de troubles.
En d’autres termes, la relation entre ces dirigeants et le PCC a non seulement manqué de prestige politique, mais semble également avoir été entachée, les conduisant peu à peu vers les abîmes du mécontentement populaire.
L’embarras et l’isolement de Xi Jinping
La chute d’Oli a porté un coup dur à Pékin. À la tête du Parti communiste népalais (PCN), il s’était toujours targué d’« écouter Pékin ». L’effondrement du régime a tourné en dérision l’initiative « la Ceinture et la Route », que le PCC s’est efforcé de mettre en œuvre avec tant d’acharnement.
Plus embarrassant encore, les responsables chinois n’ont pas osé reconnaître publiquement le plan d’évacuation et se sont contentés de conseiller aux ressortissants chinois présents au Népal de « rester chez eux autant que possible ». Cette situation d’« impuissance à agir » contraste fortement avec la rhétorique internationale du PCC sur la « responsabilité d’une grande nation ». La vérité sur la « malchance » politique du PCC.
L’opinion publique internationale parodie le « visage sombre et la malchance » de Xi Jinping, suggérant que les dirigeants qui prennent des photos avec lui sont sous l’emprise d’un sort.
Mais au-delà du mystère, la logique politique qui sous-tend tout cela n’est pas si compliquée. Les régimes fortement dépendants de Pékin sont souvent confrontés à leurs propres crises structurelles, notamment la corruption, l’endettement et le mécontentement populaire. En cas d’événement imprévu, ces régimes sont les premiers à s’effondrer, ce qui entraîne Pékin dans une situation délicate.
L’entourage détermine votre destin
La photo de groupe du défilé militaire du 3 septembre est désormais considérée comme une « photo menaçante ». Et c’est peut-être la réalité que Xi est le plus réticent à reconnaître, et qu’il ne peut fuir : le Parti communiste chinois exporte non pas la prospérité, mais la crise et les troubles.
Rédacteur Charlotte Clémence
Source : Nepal’s Prime Minister Struck by Misfortune — Because of a Photo
www.nspirement.com
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