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Chine. La crise des gâteaux de lune en Chine : quand une tradition millénaire se heurte à la réalité économique

ACTUALITÉ > Chine

En 2025, la fête de la Mi-Automne révèle un malaise profond dans la société chinoise. La crise des gâteaux de lune en Chine ne se limite pas à une simple baisse des ventes : elle témoigne d'une économie en détresse, d'une sécurité alimentaire défaillante et d'un peuple contraint de renoncer à ses traditions ancestrales. Entre scandales sanitaires et pouvoir d'achat en berne, cette pâtisserie traditionnelle devient le symbole d'un système qui vacille.

La fête de la mi-automne, célébrée depuis des millénaires en Chine, devrait être l'occasion de réunions familiales joyeuses autour des gâteaux de lune. Mais en cette année 2025, c'est un tout autre tableau qui se dessine dans les supermarchés et les boutiques de Chine continentale.

« Demandez à tous les revendeurs de cadeaux d'entreprise : comment se vendent vos coffrets de gâteaux de lune cette année ? Dans notre magasin, l'activité est... gravement au point mort », témoigne un commerçant désemparé, dans une vidéo devenue virale. « On peut vraiment parler d'un Waterloo des gâteaux de lune. Mon supermarché est ouvert depuis quatre ans, et c'est l'année la plus incompréhensible. »

Un effondrement sans précédent des ventes

Selon les dernières données de surveillance, les ventes globales de gâteaux de lune en Chine continentale ont chuté de plus de 45 % par rapport à l'année précédente, juste avant la fête. Que ce soient les coffrets haut de gamme exposés dans les grands magasins ou les gâteaux ordinaires vendus par les commerçants de rue, les résultats sont catastrophiques.

« Même pas une seule boîte vendue au détail », poursuit le commerçant. « C'est comme si tout le pays ne mangeait plus de gâteaux de lune, comme si personne ne célébrait plus la fête. Il reste huit jours avant la mi-automne, je n'ai pas beaucoup de stock, je n'ose pas en commander. Vous voyez, chaque référence n'a que quelques boîtes éparses. »

Les raisons d'un désamour

Les internautes et commerçants identifient plusieurs facteurs expliquant ce phénomène inédit.

Premièrement, la baisse de prix systématique après la fête incite les consommateurs à attendre. « Pourquoi acheter maintenant quand on sait que les prix chuteront après le 15ème jour du 8ème mois lunaire ? » explique un blogueur.

Deuxièmement, le coût de l'emballage dépasse souvent celui du produit lui-même. Pour une boîte de quatre gâteaux vendue 168 yuans, le coût de production n'est que de 60 yuans, tandis que l'emballage en coûte plus de 100. Cette proportion aberrante choque les consommateurs.

Troisièmement, la fraîcheur douteuse des produits inquiète. « J'ai retrouvé des gâteaux de lune de l'année dernière que j'avais oublié de jeter et ils étaient encore parfaits », confie un internaute, soulevant des questions sur les conservateurs utilisés.

Quand la sécurité alimentaire devient un cauchemar

Au-delà de l'aspect économique, la crise des gâteaux de lune en Chine révèle des problèmes sanitaires alarmants qui érodent la confiance des consommateurs.

« J'ai acheté cette boîte de gâteaux de lune, elle contient du déshydroacétate de sodium. Regardez si mon chien en mange », lance un blogueur dans une vidéo choc. Le chien refuse catégoriquement le gâteau mais dévore avec enthousiasme un pain maison. « Vérifiez bien si vos gâteaux contiennent ce composant. Si oui, évitez d'en manger, c'est extrêmement nocif pour le foie et les reins. Les gâteaux destinés à l'exportation ont tous été retournés par les pays étrangers. Eux, ils n'en mangent pas. »

La crise des gâteaux de lune en Chine : quand une tradition millénaire se heurte à la réalité économique
Un internaute a découvert une bague dans son gâteau de lune. (Image : Capture d’écran / /www.ganjingworld.com)

Les commentaires affluent sous ces vidéos. « Avant de manger quoi que ce soit, je le fais d'abord sentir à mon chien. Si mon chien le mange, alors je mange. S'il refuse, c'est qu'il y a des additifs louches », écrit un internaute.

Un autre raconte : « J'ai acheté des beignets de poulet dans la rue et j'en ai donné à un chien errant. Il les a reniflés puis s'est éloigné. » Ou encore : « J'ai acheté des raviolis industriels. J'en ai fait cuire une dizaine, il m'en restait un que je ne voulais plus manger. Je l'ai donné à mon chat. Le chat l'a reniflé, puis a gratté le sol avec sa patte. Vous comprenez ce que ça veut dire. J'ai jeté tous les raviolis restants, je n'osais plus en manger. »

Ces témoignages, aussi troublants soient-ils, reflètent une méfiance généralisée envers l'industrie agroalimentaire chinoise.

Scandales à répétition : lames, vis et créatures mystérieuses

Les incidents impliquant des corps étrangers dans les gâteaux de lune se multiplient de manière inquiétante.

Le 11 septembre 2022, à Zhumadian, dans le Henan, un homme a trouvé une grosse vis de trois centimètres dans son gâteau. « En mordant, je pensais que c'était du sucre candi. En regardant de plus près, c'était une vis. Mes dents me font encore mal », témoigne M. Li. « L'écrou n'a pas été retrouvé, j'ai peur de l'avaler à la prochaine bouchée. » Le fabricant, la société Jiutouya Moon Cake du Henan, n'a réagi qu'après le tollé sur les réseaux sociaux, proposant 1 000 yuans de dédommagement sans pouvoir expliquer la présence de la vis. Selon les registres officiels, cette entreprise a été sanctionnée à plusieurs reprises pour problèmes de sécurité alimentaire.

Le 23 août 2023, à Zhengzhou et toujours dans la province du Henan, une femme a découvert un fragment de lame de couteau dans son gâteau aux cinq noix. « En mordant dedans, j'ai senti quelque chose de dur qui n'allait pas. Je l'ai sorti, c'était une lame », raconte-t-elle. Elle a contacté le vendeur qui a proposé une compensation de dix fois le prix d'achat, mais elle a refusé et a porté plainte auprès de la plateforme et de l'administration alimentaire. Sans résultat.

Plus récemment, des vidéos montrent des gâteaux contenant ce qui ressemble à des créatures : « Regardez bien ce gâteau aux cinq noix acheté pour la Mi-Automne. Ne clignez pas des yeux. Devinez ce que c'est ? Certains disent que c'est un poisson, d'autres un gecko. Je n'aurais jamais imaginé qu'en achetant un gâteau végétarien aux cinq noix, le vendeur y ajouterait de la viande ! Y a-t-il encore une loi, une justice ? »

L'impossible choix entre tradition et survie économique

Pour de nombreuses familles chinoises, la Mi-Automne n'est plus une fête de réjouissances mais une source d'angoisse financière.

« J'ai acheté trois gâteaux pour plus de 40 yuans. Un gâteau coûte 15 yuans. C'est vraiment cher », se plaint une acheteuse. « Quelqu'un peut-il réguler ces prix ? Ou suis-je la seule à les trouver excessifs ? La Mi-Automne est une fête traditionnelle de notre nation chinoise, nous devons offrir des gâteaux à nos aînés. Mais quelques boîtes coûtent facilement plus de mille yuans. Avec la situation économique actuelle, personne n'a d'argent. Autant ne plus célébrer la Mi-Automne. »

Cette année, de nombreuses entreprises ont abandonné la tradition d'offrir des coffrets de gâteaux à leurs employés. « Les gens trouvent qu'il vaut mieux recevoir une carte cadeau de 200 yuans pour le supermarché », explique un commerçant. « Beaucoup d'entreprises n'achètent plus en gros cette année. »

Le marché du luxe s'effondre

Selon la China Bakery and Confectionery Industry Association, le marché des coffrets haut de gamme, autrefois florissant, a vu sa part de marché chuter brutalement de 7,2 % en 2023 à seulement 1,8 % en 2025. Ces coffrets, qui séduisaient autrefois par leur emballage somptueux et leur positionnement premium pour les cadeaux d'affaires, sont désormais perçus comme un gaspillage inutile.

Les produits mainstream se situent aujourd'hui entre 120 et 180 yuans, mais même à ce prix, ils représentent un fardeau pour de nombreux consommateurs ordinaires. Comme le soulignent les internautes, les gâteaux dans ces coffrets pèsent entre 500 grammes et un kilo, avec un coût de production d'environ 60 yuans, tandis que l'emballage coûte bien plus cher que le contenu lui-même.

« C'est la fête de la Mi-Automne ou le pillage de la Mi-Automne ? » s'interroge amèrement un blogueur populaire le 26 septembre dernier, constatant que même les gâteaux les moins chers coûtent plus de cent yuans dans les supermarchés.

Les raisons profondes d'une crise culturelle

Cette débâcle commerciale révèle des transformations sociétales majeures.

D'abord, les Chinois accordent désormais plus d'importance à leur santé. Les gâteaux de lune traditionnels sont des produits riches en huile, en sel, en sucre et en graisses. Non seulement leur goût est trop sucré, mais ils ont également des effets néfastes sur la santé. Dans la vie réelle, même ceux qui en mangent n'en consomment que très peu.

Ensuite, la multiplication des additifs chimiques inquiète. Au-delà de la prolongation de la durée de conservation, ces substances améliorent le goût, mais leur ingestion à long terme nuit gravement à la santé.

Enfin, la situation économique générale s'est détériorée. Nombreux sont ceux dont les revenus ont baissé ou qui ont perdu leur emploi. Les gens réduisent donc les dépenses non essentielles et renoncent à acheter des gâteaux de lune.

L'économie chinoise continentale connaît une récession persistante. Dans ce contexte, le marché des cadeaux d'affaires est pratiquement au point mort. Parallèlement, le pouvoir d'achat de la population s'affaiblit et les exigences en matière de rapport qualité-prix augmentent. Ces deux forces conjuguées provoquent l'effondrement des ventes de gâteaux de lune.

Que deviennent les invendus ?

Face à cette mévente généralisée, que font les supermarchés des stocks invendus ?

Selon les informations, la plupart des grandes surfaces prolongent leurs promotions pendant plusieurs jours après la fête pour liquider au maximum leurs stocks. Pour les gâteaux non vendus, les supermarchés négocient généralement des retours avec les fournisseurs. Certains choisissent également de distribuer les gâteaux restants comme avantages sociaux à leurs employés, les consommant ainsi en interne.

Un symbole du malaise chinois

« Nous devrions avoir de meilleures conditions de vie, mais les hôpitaux sont de plus en plus bondés », constate un blogueur. « Si ça continue comme ça, que va devenir la prochaine génération ? Si personne n'intervient, nous ne pourrons vraiment plus survivre. »

Cette réflexion résume le sentiment d'impuissance qui traverse la société chinoise. Un peuple qui renonce à célébrer ses fêtes ancestrales, non par choix, mais par nécessité économique et par crainte pour sa santé, est un peuple en souffrance.

La crise des gâteaux de lune n'est pas qu'une simple affaire commerciale. C'est le reflet d'une société où les traditions séculaires se heurtent à la dure réalité d'une économie défaillante, d'une sécurité alimentaire compromise et d'une confiance brisée entre le peuple et les institutions censées le protéger.

Alors que la pleine lune de la Mi-Automne brille dans le ciel, elle éclaire désormais non plus des familles réunies dans la joie, mais des rayons de supermarchés remplis de boîtes invendues et des citoyens contraints de choisir entre respecter leurs traditions et assurer leur survie.

Rédacteur Yi Ming

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