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Chine. Les chrysanthèmes dévoilent le vrai nombre de décès à Wuhan

ACTUALITÉ > Chine

Au réveillon 2021, une rupture de stock de cette fleur, due à un trop grand nombre d’acheteurs, laisse voir l’impact réel du Covid-19 à Wuhan en 2020

Les habitants de Wuhan font la queue pour acheter des fleurs. (Image : Capture d’écran / Weibo)

On dit souvent que « l’histoire est une poupée à habiller ». Malgré cela, si certaines personnes veulent vraiment modifier l’histoire, la plupart d’entre elles, contraintes par la justice sociale et la morale humaine, n’osent pas le faire ouvertement. Seulement une année après l’épidémie de Covid-19 à Wuhan, certaines se permettent déjà de modifier voire de glorifier publiquement cette histoire tragique.

Après l’année 2020, pour de nombreuses familles, il n’y a pas eu de retrouvailles. Il y a un an, trop de personnes sont décédées à Wuhan, la première ville touchée par la Covid-19 et cela est devenu un souvenir douloureux pour cette ville.

A Wuhan, le premier jour du Nouvel An lunaire, il est coutume d’offrir des chrysanthèmes aux personnes dont des membres de la famille sont décédés l’année précédente, et de se rendre chez elles pour brûler de l’encens, en souvenir du défunt. Cependant, cette année, les chrysanthèmes à Wuhan étaient en rupture de stock dès la matinée du premier jour du Nouvel An.

Une chaîne de télévision locale de Wuhan, HBTV-6, a publié sur son compte Weibo un message intitulé « Le marché aux fleurs du festival de printemps de Wuhan est pris d’assaut, les fleuristes ont dû ouvrir leur boutique durant deux jours et deux nuits sans interruption » sans mentionner qu’il s’agissait de chrysanthèmes pour les défunts et concluant que ce phénomène était dû aux deux raisons suivantes.

Premièrement, cette année est l’Année du Buffle, et les gens achètent des fleurs avec l’intention d’obtenir de la prospérité et du bonheur, selon un dicton chinois.

Deuxièmement, comme de nombreuses familles n’ont pas pu acheter de fleurs pour décorer leur domicile durant le festival de printemps de l’année dernière, les dépenses de rétribution ont conduit à une explosion inhabituelle de la consommation de fleurs à Wuhan cette année.

Et la fin de l’article se lit comme suit : « Avez-vous acheté des fleurs cette année » ?

Le média officiel Sina Hubei a également publié une vidéo avec un article disant que le 12février,’à 0h55 du matin, de nombreuses personnes achetaient des fleurs au marché aux fleurs de la porte de Zaili, avec un autocollant d’emoji affectueux à la fin de l’article.

Cela fait seulement un an que la Covid-19 a dévasté la ville de Wuhan, alors les médias locaux ont-ils hâte d’effacer cette mémoire douloureuse ? Pour les habitants de Wuhan ou tout autre Chinois, il est scandaleux qu’un média local de Wuhan, qui devrait bien connaître les coutumes et la vérité, ose écrire ces lignes.

Certains lecteurs rétorquent avec colère : « cela ne fait qu’un an, mais ils ont déjà commencé à chanter et à danser » . « HBTV-6, peut-il nous dire quel genre de fleurs les gens achètent ?» « De quel type de consommation compensatoire s’agit-il ?». « Les fleurs les plus vendues sont les chrysanthèmes blancs et les chrysanthèmes jaunes qui sont un hommage aux parents décédés l’année dernière à cause du coronavirus (certains sont morts à cause du coronavirus, d’autres à cause du report du traitement d’autres maladies) » . « La vie à Wuhan est beaucoup plus difficile que nous le pensions » .

Le numéro 224 dans cette liste devrait être le nom de Li Wenliang, mais certaines personnes l’ont effacé. (Image : Capture d’écran / Tweeter)
Le numéro 224 dans cette liste devrait être le nom de Li Wenliang,
mais certaines personnes l’ont effacé.
(Image : Capture d’écran / Tweeter)

Un autre phénomène étonnant est que le nom du Dr Li Wenliang ait été éclipsé dans l’annuaire du Cimetière où il a été enterré. Le numéro 224 dans la liste ci-dessus devrait être le nom de Li Wenliang, mais certaines personnes l’ont effacé.

Lorsque certains habitants de Wuhan ont pris l’initiative d’apporter des fleurs sur la tombe du Dr Li Wenliang, ils ont fait une rencontre assez étrange et ont été interrogés par des « visiteurs ». Il n’était pas difficile de deviner l’identité et la profession de ces « visiteurs », d’après leur façon de parler et leur apparence. Finalement, ils ont dit aux habitants que la tombe du Dr Li Wenliang n’était ouverte qu’à sa famille.

Au cours des 5 000 ans d’histoire de la Chine, la mission de tout historien était d’inscrire de façon la plus authentique possible tout événement dans les annales de l’histoire, parfois au péril de sa vie. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui le peuple chinois peut encore savoir quels sont les grands événements du passé, afin de pouvoir distinguer le bien du mal.

Mais aujourd’hui, un an seulement après le traumatisme causé par la Covid-19 à Wuhan, les médias voudraient déjà louvoyer, le faire oublier : mais a-t-on le droit d’altérer cette grande douleur ?

Tous ceux qui ont perdu la vie lors de cette catastrophe avaient leur propre famille, leur propre travail, leur propre vie, et ont droit au souvenirs. « Une catastrophe ne signifie pas que 20 000 ou 80 000 personnes sont décédées, mais que la mort a eu lieu 20 000 fois. »

La mort n’est pas la pire chose,mais  l’oubli peut l’être. Respecter l’histoire, c’est aussi pouvoir se respecter soi-même. La « confiance culturelle » promue par le Parti communiste chinois devrait commencer par le respect de l’histoire et des gens composant le peuple.

Si oublier l’histoire signifie trahir, alors oublier une tragédie historique qui a eu lieu, il y a seulement un an signifie, sans aucun doute, que la tragédie se répètera. Mais une telle tragédie qui peut souhaiter qu’elle se répète ?

Rédacteur Yi Ming

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