L’art du vitrail connu pour son interaction avec la lumière, est un art millénaire généreusement représenté sur le territoire. De la cathédrale de Chartres à la cathédrale de Strasbourg en passant par la Sainte-Chapelle de Paris le vitrail règne en maître. La France surnommée la « fille aînée de l’Église », parfois appelée « la mère du vitrail » abrite la plus grande surface de vitraux au monde soit une surface de 90 000 m2 selon l’Institut national des métiers d’art. Quelques réflexions nous ont paru nécessaires pour mieux comprendre l’évolution de cet art singulier.
Le verre et le vitrail
Le vitrail par définition est un « panneau de verres assemblés par compartiments, enchâssés dans un cadre de plomb ». Le verre à l’évidence précède le vitrail. Les fouilles archéologiques attestent que dès l’antiquité romaine des traces du matériau indispensable à la fabrication du vitrail ont été identifiées. Utilisés dans les maisons, les verres blancs servaient à l’origine à fermer les claustras des riches demeures latines.
L’art du vitrail fait son apparition au Moyen Âge sous forme colorée et figurative dans les édifices religieux, ce qui lui donne une valeur esthétique et didactique. Le vitrail permettait de « diriger la pensée des fidèles par des moyens matériels vers ce qui est immatériel » selon l’Abbé Suger à la fois historien et conseiller des rois Louis VI et Louis VII.
Les moyens matériels se référent sans doute aux couleurs et à la lumière que les peintres verriers ont appris peu à peu à maîtriser. Le plus ancien vitrail en état, le Christ de Wissembourg date de 1030-1060. Il est visible à Strasbourg au musée de l’Œuvre de Notre-Dame.
L’âge d’or du vitrail
Si l’art du vitrail prend son essor à partir du XIIe siècle, il atteint son apogée à l’époque gothique où une véritable explosion des cathédrales aux ouvertures plus grandes favorise l’expression des peintres verriers. Le vitrail donne libre cours à un art sacré s’adressant aux fidèles grâce à la sublimation d’un élément mystique, la lumière qui rapprocherait du divin. L’emblématique cathédrale de Chartres, réputée pour son « bleu de Chartres » et ses rosaces rassemble une collection de vitraux exécutés entre 1150 et 1240 sur une surface de 7 000 m2. Les vitraux racontent l’histoire du Christ, ou de la Vierge Marie ou des Saints. Ils se lisent de bas en haut car le regard de l’homme doit « s’élever vers Dieu ». La symbolique des couleurs s’affirme selon le code suivant : le blanc est signe de pureté, le bleu symbole de l’éternité. Le jaune représente la traîtrise tandis que le rouge signifie la violence, ou le martyr. Ainsi l’art du vitrail s’érige-t-il en outil de communication destiné à une population pieuse mais en majorité illettrée, il est bon de le rappeler. D’autres cathédrales prestigieuses telles que la Sainte-Chapelle de Paris ou Notre-Dame de Reims offrent un éventail de vitraux d’une splendeur tout-à-fait fascinante.
Lors de la période de la Renaissance davantage tournée vers l’Humanisme, les scènes présentées grâce aux vitraux sont plus réalistes, les sujets traités plus civils. Les différences entre la peinture du chevalet et la peinture sur verres s’estompent. Cependant l’art du vitrail traditionnel vit ses dernières heures. L’usage des émaux remplacent les verres teintés. Les savoir-faire disparaissent, d’où un certain déclin des vitraux survenu au cours des XVII e et XVIII e siècles.
L’art du vitrail retrouve ses lettres de noblesse
Au XIXe siècle, le goût des romantiques pour le Moyen Âge aurait contribué au retour en grâce du vitrail quelque peu tombé dans l’oubli. Non seulement la restauration mais la création de vitraux se développent. Des vitraux décoratifs sont produits à l’échelle industrielle.
À la fin du XIXe siècle un verrier de nationalité américaine va révolutionner le monde du vitrail : Louis Comfort Tiffany (1848-1933). Il change les techniques d’assemblage du vitrail en remplaçant le plomb par le cuivre, d’où un changement radical dans les volumes et la perception de cet art.
L’art du vitrail traditionnel, destiné à la méditation et la prière s’affranchit alors du cadre religieux et se rapproche des objets contemporains. Le vitrail Tiffany permet la création de lampes, d’abat-jours, ou de bijoux. Réalisations impensables à l’époque du vitrail médiéval traditionnel. À partir de 1920, l’École de Nancy ayant pour plus illustre représentant le maître verrier Jacques Gruber s’inspire de la nature. La reproduction du monde végétal influencé par les tendances de l’Art nouveau obtient la prééminence. Le vitrail s’accommode de nouveaux espaces comme les grands magasins, les bureaux, les restaurants, ou les banques, etc.
Le vitrail en passant du sacré au profane suscite toutefois l’interrogation de certaines grandes figures du monde artistique. « Je ne comprends pas l’abandon du vitrail qui s’éveillait et s’endormait avec le jour. L’art a préféré la lumière mais le vitrail animé par le matin effacé par le soir faisait pénétrer la création dans l’église du fidéle » disait André Malraux.
L’art du vitrail s’appuie au XXIe siècle sur les arts plastiques dans leur globalité. Si les matériaux propres aux vitraux ont changé au fil du temps, la quête de la lumière et de la transparence est restée intacte et la magie du verre opère toujours.
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