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Sagesse. La vie dans un rêve : deux anciens contes chinois qui révèlent l’illusion du succès mondain

CHINE ANCIENNE > Sagesse

La littérature de la Chine ancienne regorge de récits oniriques qui abordent le sens de la vie, le pouvoir et l’illusion. Parmi les plus célèbres, deux récits de la dynastie Tang explorent la nature fugace du succès mondain à travers des voyages saisissants et oniriques.

Rêve de millet : le monde dans un oreiller

La vie dans un rêve : deux anciens contes chinois qui révèlent l’illusion du succès mondain
Lu Sheng rencontra un prêtre taoïste à l’allure d’immortel. Ils entamèrent une conversation, et il lui confia son souhait le plus cher : réussir l’examen impérial, devenir un haut fonctionnaire et jouir d’une vie riche et prestigieuse. (Image : wikimedia / Qiu Ying / Domaine public)

À l’époque Kaiyuan de la dynastie Tang, un pauvre érudit nommé Lu Sheng traversait la ville de Handan lorsqu’il s’arrêta pour se reposer dans une auberge. Il y rencontra un prêtre taoïste à l’allure d’immortel. Ils entamèrent une conversation, et Lu Sheng lui confia son souhait le plus cher : réussir l’examen impérial, devenir un haut fonctionnaire et jouir d’une vie riche et prestigieuse.

Le taoïste l’écouta avec un sourire entendu. Il tendit à Lu Sheng un oreiller en porcelaine bleu et blanc et lui dit : « Dors sur cet oreiller, et toutes les richesses et tous les honneurs dont tu rêves seront à toi. »

Lu Sheng, déjà somnolent, prit l’oreiller et s’allongea. Pendant ce temps, l’aubergiste venait de mettre du millet sur le feu pour le faire cuire : le repas ne serait pas prêt avant un certain temps.

Il se mit à rêver

La vie dans un rêve : deux anciens contes chinois qui révèlent l’illusion du succès mondain
Il rêva qu’il rentrait chez lui et qu’il épousait une belle et riche femme de la célèbre famille Cui. Grâce à son soutien, il s’éleva rapidement en statut. Il réussit l’examen impérial, fut nommé à un poste officiel élevé, amassat une fortune considérable et fut entouré de luxe et d’admiration. (Image : wikimedia / National Palace Museum / Domaine public)

Il rêva qu’il rentrait chez lui et qu’il épousait une belle et riche femme de la célèbre famille Cui. Grâce à son soutien, il s’éleva rapidement en statut. Il réussit l’examen impérial, fut nommé à un poste officiel élevé, amassat une fortune considérable et fut entouré de luxe et d’admiration.

Son parcours n’était pas sans désillusion. À deux reprises, il avait été faussement accusé et rétrogradé – échappant de justesse à l’exécution – mais à chaque fois, il parvenait à se relever. Lors de sa seconde disgrâce, il dit à sa femme : « Nous avons cinq acres de bonnes terres agricoles au Shandong. C’est suffisant pour une vie paisible. Pourquoi devrais-je courir après le pouvoir et la richesse, pour finir piégé et presque exécuté ? » Grâce à l’intervention d’un puissant allié, sa peine a été réduite à l’exil.

Des années plus tard, l’empereur le rappela dans la capitale et le nomma duc de Yan. Sa réputation et son autorité dépassèrent même ses jeunes années. Dans sa vieillesse, il vécut dans le confort et mourut paisiblement, sa vie semblant achevée.

Lu Sheng se réveilla

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Rêve de millet (黄粱一梦), est une expression qui nous rappelle combien les gloires de la vie peuvent être fugaces, aussi insignifiantes qu’un rêve avant que le repas ne soit près. (Image : wikimedia / Unknown Ming court artist / Domaine public)

Le taoïste était toujours assis à ses côtés. Le millet n’avait même pas fini de cuire. Tout ce qu’il venait de vivre – des décennies d’honneur, de disgrâce, de pouvoir et de paix – n’était qu’un rêve.

D’où l’origine de l’expression chinoise Rêve de millet (黄粱一梦), une expression qui nous rappelle combien les gloires de la vie peuvent être fugaces, aussi insignifiantes qu’un rêve avant que le repas ne soit près.

Rêve de Nanke : le royaume à l’intérieur de l’arbre sophora

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Un autre conte onirique de la dynastie Tang raconte l’histoire d’un ancien officier militaire nommé Chunyu Fen. Après avoir semé le trouble en état d’ivresse, il fut démis de ses fonctions. (Image : wikimedia / Chen Hongshou / Domaine public)

Un autre conte onirique de la dynastie Tang raconte l’histoire d’un ancien officier militaire nommé Chunyu Fen. Après avoir semé le trouble en état d’ivresse, il fut démis de ses fonctions. Cela ne semblait pas le gêner : chaque jour, il s’asseyait sous un grand Sophora devant sa maison, buvait et plaisantait avec ses amis : il semblait satisfait de son insouciance.

Un soir, après une nouvelle beuverie, il s’effondra. Ses amis le portèrent chez lui. Dès qu’il fut allongé, il rêva qu’un messager arrivait et lui disait : « Le royaume de Huai’an vous invite à devenir son prince consort ! ».

À la stupéfaction de Chunyu Fen, l’entrée du royaume était un minuscule trou dans le tronc du Sophora. À l’intérieur se trouvait un monde vaste et radieux, différent de tout ce qu’il avait connu auparavant : il était tel un royaume céleste. La princesse qu’il allait épouser était si belle qu’elle semblait presque divine.

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Après leur mariage, le roi le nomma gouverneur de la préfecture de Nanke. Chunyu Fen régna avec sagesse et prospéra. Sa princesse et lui eurent sept enfants : cinq fils et deux filles, qui accomplirent chacun de grandes choses. (Image : wikimedia / Qiu Ying - Ming dynasty / Domaine public)

Après leur mariage, le roi le nomma gouverneur de la préfecture de Nanke. Chunyu Fen régna avec sagesse et prospéra. Sa princesse et lui eurent sept enfants : cinq fils et deux filles, qui accomplirent chacun de grandes choses. Les fils devinrent fonctionnaires de la cour, et les filles se marièrent dans des familles nobles. Sa vie fut remplie de splendeur et de bonheur.

Mais le désastre ne tarda pas à survenir. Des ennemis étrangers envahirent le royaume. Chunyu Fen mena l’armée à la guerre, mais fut vaincu. La princesse tomba malade et mourut. Des rumeurs se répandirent selon lesquelles les malheurs du royaume avaient été provoqués par Chunyu Fen, l’« étranger ». Le roi, attristé et impuissant, lui dit : « Retournez dans votre patrie. Je vous rappellerai dans trois ans. »

Déconcerté, Chunyu Fen répondit : « Mais c’est ma demeure ». Le roi sourit et dit : « Ta véritable demeure est dans le monde des humains. »

À ce moment précis, une rafale de vent souffla et Chunyu Fen se réveilla

Le soleil se couchait sur le mur ouest. Il n’avait dormi que peu de temps, mais dans son rêve, une vie entière s’était écoulée.

Il se précipita vers l’arbre à sophora et commença à creuser. À sa grande surprise, il découvrit un trou carré d’environ trois mètres de large. À l’intérieur se trouvait une ville miniature faite de monticules de terre, grouillant de fourmis.

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Troublé au plus profond de lui-même, Chunyu Fen cessa de boire et abandonna son inconduite. Trois ans plus tard, il mourut. (Image : wikimedia / Liu Songnian / Domaine public)

Le royaume de Huai’an était autrefois une colonie de fourmis. Cette nuit-là, une tempête balaya la région. À son retour le lendemain, les fourmis avaient disparu. Le désastre prédit dans son rêve s’était produit.

Troublé au plus profond de lui-même, Chunyu Fen cessa de boire et abandonna son inconduite. Trois ans plus tard, il mourut. Peut-être, dans la mort, son âme est-elle retournée dans cet autre monde – au royaume de l’arbre, à la famille qu’il aimait en rêve. La promesse de « trois ans » du roi avait-elle finalement été tenue.

En un clin d’œil, une vie s’évanouit ainsi que le succès mondain qui l'accompagnait

La vie dans un rêve : deux anciens contes chinois qui révèlent l’illusion du succès mondain
Les voyages oniriques de Lu Sheng et Chunyu Fen nous rappellent la frontière fragile qui peut exister entre illusion et réalité. Une vie de gloire ou de chagrin peut passer comme un souffle. Au final, tout se résume à une seule pensée, à un seul rêve. (Image : wikimedia / Departure_Herald-Ming_Dynasty.jpg: Anonymous derivative work: LK / Domaine public)

Les voyages oniriques de Lu Sheng et Chunyu Fen nous rappellent la frontière fragile qui peut exister entre illusion et réalité. Une vie de gloire ou de chagrin peut passer comme un souffle. Au final, tout se résume à une seule pensée, à un seul rêve.

Avez-vous déjà fait un rêve si intense que vous vous êtes demandé si vous aviez visité un autre monde ?

Rédacteur Charlotte Clémence

Source : Life in a Dream: 2 Ancient Chinese Tales That Reveal the Illusion of Worldly Success
www.nspirement.com

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