La fondation de l'Union européenne (UE) en 1992, avec le Traité de Maastricht, et la création de la monnaie unique, ont changé les économies et les politiques sociales des nations membres de l’UE, tout en transférant à cette dernière certains éléments essentiels de la souveraineté des États. Ainsi, on enregistre depuis quelques années la montée d’un souverainisme dans certains pays, dont la France. Cet article propose de se pencher sur ce concept à travers les discours tenus par quatre énarques devenus pour certains des leaders de ce mouvement en France.
Quatre anciens énarques et cadres de l'administration française sont devenus, pour certains, des leaders du souverainisme français. Ils expriment fréquemment leurs opinions sur divers médias à propos du Frexit, terme utilisé pour désigner le retrait de la France de l'Union européenne.
François Asselineau observe un déni de démocratie au sein de l'Union européenne
François Asselineau est le chef de file du parti UPR (Union populaire républicaine). Il communique sur le sujet du Frexit surtout lors d'élections présidentielles et parlementaires.
Une question a été posée au porte-parole du gouvernement français, à l'issue du Conseil des ministres du 15 janvier 2025, par un journaliste demandant si le président de la République envisageait un référendum sur l’appartenance de la France à l’Union européenne ? Le porte-parole a fait comprendre qu'un référendum sur l’appartenance de la France à l’Union européenne n'était pas envisageable car la France est un pays fondateur de la construction européenne : il est nécessaire pour la France de faire bloc face à la globalisation du monde et à l’ensemble des autres blocs internationaux. Pour conclure sa réponse, il a précisé: « Je n’ai pas de doute sur la réponse du gouvernement pour cette question » .
François Asselineau souligne dans sa production vidéo Officiel : le gouvernement veut interdire le Frexit , qu'il n'avait jamais été démontré qu'il fallait obligatoirement faire bloc pour résister à la globalisation mondiale et précise que beaucoup de petites nations résistent très bien aux grands blocs internationaux. Selon lui, le bilan précis, objectif et quantifié de l'appartenance de la France à l'Union européenne depuis 68 ans n'a jamais été fait. La comparaison de l'évolution de la France depuis 68 ans avec celle d'autres pays du monde bien plus petits n'a jamais été faite. Ni celle avec des pays d'Europe qui ont refusé d'y entrer: comme la Suisse ou la Norvège.

François Asselineau soutient que l’appartenance de la France à l’Union européenne est devenue un dogme qu'on ne peut plus remettre en cause dans notre pays. Il est devenu sacrilège, ne serait-ce que de s'interroger sur le bien-fondé de la « construction européenne » et d'en débattre. Il dénonce ce déni de démocratie qui considère les Français incapables de reprendre en main leur destin collectif. Selon lui, les Français n’ont que deux choix possibles : accepter de ne plus être ce qu’ils sont ou se redresser et rejoindre le combat de la libération de la France.
Le Traité de Rome de 1957 a été fondateur du Marché commun et précurseur de la Communauté européenne. François Asselineau affirme que « l'on nous répète depuis 68 ans que si on ne faisait pas la construction européenne la France n'existerait pas ». Il cite un proverbe qui illustre cette situation : Avoir toujours la même stratégie, c'est ne pas avoir de stratégie.
Il soutient que nous ne sommes plus dans une démocratie, mais dans une dictature, et comme en URSS dans les années 1980, la classe politique actuelle est dans le déni de ce qui est en train d'arriver, l'effondrement.
Selon Éric Verhaeghe, la prospérité de la France passe nécessairement par la sortie de la zone euro et des réglementations européennes
Éric Verhaeghe est fondateur du site Le Courrier des Stratèges. Il est favorable au Frexit . Néanmoins, dans sa production vidéo De quoi le Frexit sera-t-il le début ?, il indique que certains le sont pour « de très mauvaises raisons ». Une de ces raisons est l'illusion de pouvoir de nouveau libérer les finances et donner plus d'argent aux secteurs qui en ont besoin comme par exemple les hôpitaux, les écoles, etc. Bref, augmenter encore les dépenses publiques.

Beaucoup de Français ignorent l'histoire de la construction et du développement de l'Union européenne. Pour Éric Verhaeghe, il y a une construction narrative sur l'Europe, qui aurait été créée en 1957 sur un champ de ruines. La construction européenne aurait garanti la paix du continent depuis cette époque. Il affirme que c'est une tromperie, que « la paix a été garantie par le mur de Berlin, la dissuasion nucléaire et la capacité de la Russie à écraser l'Europe si les Américains l'attaquaient, et inversement si la Russie attaquait l'Europe... ».
L'Union européenne est la constitution d'une organisation supranationale de plusieurs pays ayant une monnaie unique. Le Traité de Maastricht a permis la création de l'euro. L'objectif était de créer une monnaie forte. Cependant, Éric Verhaeghe avance que « l’arrivée de l'euro a accéléré la désindustrialisation de la France ». Il estime que « pour reconstruire ce pays, pour lui redonner de la prospérité, il est indispensable de sortir de la zone euro et probablement indispensable de sortir des réglementations européennes qui favorisent l'industrie allemande ». Quelles sont ses propositions pour en sortir ?
Il indique que dans une société ouverte, avec beaucoup d'importations et d'exportations, on doit assurer de la compétitivité sur le marché international. Il faudra assainir la situation financière et économique de la France pour pouvoir exporter, sinon le pays continuera à s'appauvrir, et à devenir de plus en plus dépendant d'autres pays. Dans ce cas-là, nous dit Éric Verhaeghe, autant rester dans l'Union européenne, bénéficier de l'épargnant allemand qui garantit la crédibilité de l'euro, et qui grâce à cette monnaie forte, nous permet d'acheter bon marché des biens venant de l'étranger. « Le jour où nous sortirons de l'euro, si nous ne faisons pas face à la concurrence, si nous ne défendons pas notre monnaie en lui accordant une crédibilité, tous les prix augmenteront, l'inflation explosera et le niveau de vie baissera ». Selon lui, affronter la concurrence avec l'Allemagne et d'autres, comme les États-Unis, la Chine ou le Japon, est nécessaire pour rétablir la richesse et la prospérité de la France.
De plus, il avance qu’il est indispensable pour arriver à ce résultat de prendre exemple sur le général De Gaulle qui, en 1958, pour préparer le pays à son entrée dans le Marché commun, avait rétabli les comptes et assaini les dépenses publiques. Ainsi, pour entrer dans le grand jeu de la concurrence internationale, il est primordial d'arrêter le déficit, de diminuer drastiquement les dépenses publiques. « Le Frexit, ce sera moins d'argent pour les hôpitaux, ce sera des licenciements massifs de fonctionnaires et ce sera des réductions drastiques dans les dépenses sociales », affirme Éric Verhaeghe. Il sera nécessaire aussi de diminuer les impôts, comme le réclament les chefs d'entreprises, car la pression fiscale est trop forte pour garantir la compétitivité de ces dernières, au niveau international.

Il estime que le Frexit ne sera pas le début de jours heureux, mais le début d'un long effort pour redresser l'économie et réindustrialiser la France. Selon lui, s'il n'y a pas cette volonté collective, il vaut mieux rester dans l'Union européenne, c'est un moindre mal.
Florian Philippot estime que le Frexit redonnera du sens au débat public, au vote et à l'action politique
Florian Philippot, à la tête du parti Les Patriotes, rappelle que le droit européen a « une autorité juridique supérieure au droit national » , dans plusieurs domaines. Premièrement sur ce qui relève aujourd'hui de la compétence européenne directe, ou ce qui est soumis à la compétence directe d'un juge de la cour de justice de l'Union européenne, qui est en quelque sorte notre cour suprême, au-dessus de notre justice nationale.
Ensuite, sur la politique migratoire, Florian Philippot, dans sa production vidéo Frexit : et après, souligne que nous sommes soumis à une politique d'immigration massive depuis plusieurs décennies. Si on reste dans l'Union européenne, on ne peut pas régler le problème, car l'asile des migrants est réglé à environ 80 % par le droit européen : le regroupement familial est devenu obligatoire, les frontières nationales sont ouvertes et à fortiori dans l'espace Schengen.
La politique commerciale des pays membres est une compétence exclusive de l'Union européenne, Florian Philippot affirme que les gouvernements nationaux n'ont même pas le droit d'intervenir dans ce domaine : « c'est écrit textuellement dans les traités européens ». Tant que la France est dans l'Union européenne, elle est soumise à la politique commerciale de libre-échange. Elle ne peut pas faire de circuits commerciaux courts, de protectionnisme.

Les services publics sont également soumis à la concurrence libre. Florian Philippot indique que par exemple en mars 2021, le président directeur général d'EDF déclarait que la Commission européenne exigeait l'éclatement d'EDF. C'est une demande qui s'étend à tous les services publics.
Peut-on modifier les traités européens pour redonner plus de liberté aux nations ? Florian Philippot dit que c'est moins probable que de gagner au loto, car il serait nécessaire d'obtenir l'unanimité des 27 membres de l'Union européenne. Ce serait utopique que toutes les nations approuvent, surtout pour le changement d'un traité dans un sens plus souverainiste.
Quitter l'Union européenne redonnera du sens au débat public, au vote et à l'action politique au sens noble du terme, explique Florian Philippot. Il souligne qu'il est plus motivant de débattre et d'agir en sachant que les décisions sont souveraines.
Nicolas Dupont-Aignan met en avant une solution plus constructive et solidaire avec les autres nations membres
Le Frexit est une solution de dernier recours pour Nicolas Dupont-Aignan, homme politique à la tête du parti Debout la France, cependant c'est une solution qu'il n'exclut pas. Il plaide lui-même pour le Bruxit. Dans sa production vidéo Je suis pour le Bruxit, il définit le Bruxit comme une coalition avec d'autres pays qui veulent réagir aux atteintes à leurs libertés nationales et en finir avec l'Union européenne.
Changer l'Union européenne de l'intérieur lui paraît impossible maintenant, car tout est fait par les personnes au pouvoir pour qu'il n'y ait pas de contestation possible. Prenant un immeuble comme représentation imaginaire de l'Union européenne, chaque pays est un appartement avec son peuple qui y loge. Les portes des logements ont été enlevées, l'immeuble est squatté, les charges sont exorbitantes (exemple concret : la contribution financière de la France à l'UE). Et de plus, le syndic veut se mêler de nos affaires privées ! Nicolas Dupont-Aignan ne croit plus à la possibilité de changer le syndic de l'immeuble.

Selon lui, sortir de l'Union européenne, c'est la laisser fonctionner, peut-être de façon pire encore, et ce n'est pas souhaitable car elle défigure l'Europe. Elle doit être « achevée » pour libérer les nations européennes et reconstruire une coopération entre les nations souveraines et libres. Reconstruire une Europe des nations libres, chacune avec ses lois, son droit, ses frontières, son budget, sa liberté d'investir, et bien sûr, encourager les coopérations, à la carte, selon les nécessités de chaque pays et en respectant toujours la souveraineté des nations, comme cela s'est fait pour Airbus, Ariane et d'autres réalisations européennes.
Nicolas Dupont-Aignan affirme qu'on peut en finir avec l'UE sans que ce soit le chaos. Selon lui, la France doit convaincre ses partenaires européens de reconstruire une Europe des nations.
Ces quatre hommes développent chacun leurs propres idées sur le souverainisme et les moyens de quitter l'Union européenne. Cela peut sembler, pour beaucoup, utopique et irréalisable. Mais, n'est-il pas important de pouvoir ouvrir le débat sur ce concept?
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