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Culture. Tradition africaine : il faut tout un village pour élever un enfant

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Quand nous passons du temps avec les enfants ou simplement les regardons, notre cœur, le plus souvent, se remplit de tendresse pour eux. Nous aimerions secrètement leur donner le meilleur et pouvoir les aider à grandir dans un monde qui leur soit plus favorable et qui les respecte. Élever un enfant peut être difficile mais, au fond, c’est merveilleux.

Dans notre société moderne de plus en plus technologique et complexe, beaucoup de choses sont mises en œuvre pour satisfaire aux besoins des bébés et des jeunes enfants. Les parents ont à cœur de contribuer à ce que leurs enfants aient tout ce qu’il leur faut pour bien se développer.

Il y a généralement beaucoup de personnes que l’enfant va côtoyer dans ses jeunes années  : la famille avec déjà peut-être des frères et sœurs, qui s’élargit encore avec les grands-parents, oncles, tantes, cousins et cousines. Les voisins font aussi partie de son environnement social et plus tard s’y ajoutera le milieu scolaire riche en relations de toutes sortes.

De quelle façon ces multiples relations sociales peuvent-elles contribuer au développement harmonieux du jeune enfant ?

Ayant parfois perdu des repères essentiels, ensevelis sous l’abondance de technologie et de produits de consommation, peut-être devrions-nous regarder vers certaines sociétés traditionnelles qui ont réussi à se maintenir jusqu’à aujourd’hui, et nous en inspirer.

Une relation affective et sociale de confiance

Un peuple de chasseurs-cueilleurs, les pygmées Aka-Mbendjele, vit dans l’immense forêt tropicale du bassin du Congo en Afrique. Ce peuple a créé naturellement un environnement social favorable et respectueux pour le tout jeune enfant.

Les Aka-Mbendjele ne stockent pas de nourriture et sont très mobiles. Les hommes vont à la chasse et récoltent du miel, tandis que les femmes s’occupent de la pêche et de la cueillette de végétaux. Ils vivent en famille dans des campements de 20 à 80 personnes. Les femmes ont en moyenne 6 enfants, mais la mortalité infantile est élevée.

Le Dr Nikhil Chaudhary, anthropologue à l’Université de Cambridge (R-U), a réalisé une étude, chez ce peuple de chasseurs-cueilleurs, concernant l’influence d’une présence ou de pratiques de soins sur le bien-être du tout jeune enfant.

Le Dr Chaudhary explique : « Le niveau de contact physique que les nourrissons et les tout-petits avaient avec les soignants était exceptionnellement élevé - parfois plus de neuf heures par jour. De plus, les cris des bébés Mbendjele reçoivent presque toujours une réponse très rapide, axée sur la satisfaction des besoins du bébé. »

« Parmi les centaines de crises de pleurs que j’ai observées chez des enfants de moins de quatre ans, il n’y a pas eu un seul cas de réaction de réprimande aux pleurs. Les réponses étaient généralement apaisantes ou nourrissantes. Ce qui m’a frappé, c’était surtout le nombre de personnes impliquées dans la garde des bébés. Ils peuvent avoir jusqu’à 16 soignants sur une période de 12 heures, ce qui est incomparable à ce que nous voyons habituellement en Occident. » a-t-il déclaré.

Tradition africaine : il faut tout un village pour élever un enfant
Dès l’âge de 2 ans, les enfants peuvent sans crainte passer beaucoup de temps loin de leurs parents et des autres adultes. (Image :astakhovyaroslav / envato)

Selon cette étude, les enfants Mbendjele explorent librement leur environnement et acquièrent des aptitudes et des compétences dès leur plus jeune âge. Par exemple, beaucoup d’entre eux expérimentaient déjà le maniement des machettes peu après avoir appris à marcher. À l’âge de 2 ans, ils peuvent sans crainte passer beaucoup de temps dans des « groupes de jeu » loin de leurs parents et des autres adultes.

Ils commencent à contribuer à la vie sociale en cueillant des fruits et des champignons bien avant l’adolescence, et sont également capables de cuisiner et de gérer eux-mêmes les incendies. Ceci est tout à fait cohérent avec la perspective de liens affectifs sécurisants où la réactivité sensible des soignants donne aux enfants la confiance nécessaire pour explorer et n’entrave pas le développement de l’indépendance et de l’autonomie.

La nécessité d’une bonne éducation pour élever un enfant, le guider et le rendre autonome

En Afrique généralement, et en particulier au Sénégal, l’enfant apparaît comme une récompense, un don de Dieu. À ce titre, il est perçu à la fois comme petit et comme grand : petit par sa condition d’inachevé, dans une dépendance absolue à l’égard de l’adulte et requérant des soins et beaucoup d’attention, et cela jusqu’à l’acquisition de la marche et de la parole, mais également grand, parce qu’il est un mystère, une réincarnation d’un ancêtre, d’où la toute-puissance qu’on lui attribue. Mais on ne manquera pas de rappeler qu’un enfant, quoiqu’il advienne de lui plus tard, est encore un enfant, pour insister sur la nécessité vitale de son éducation.

Selon l’article Comment penser l’enfance ici et ailleurs ? de Idrissa Ba, Papa Lamine Faye, Mamadou Habib Thiam : « Tout adulte ou aîné(e) qui habite dans l’espace résidentiel, ou est simplement de passage, peut être considéré comme un éducateur – une " figure parentale " qui assume la fonction de parent – et avoir les mêmes droits et devoirs à l’égard des enfants. »

Après avoir vécu une relation très protégée avec sa mère, le petit enfant sénégalais va, peu à peu, se détacher et devenir autonome.

Élever un enfant et l’éduquer incombe bien-sûr en premier à ses parents. Le comportement et les agissements d’un enfant manifestent s’il est bien ou mal éduqué par ses parents. L’éducation de l’enfant est le miroir des parents.

Le groupe familial et social, les maîtres initiateurs et les activités de groupe, comme les jeux et les travaux, participent aussi au développement de l’enfant. Désormais, le bon sens traditionnel veut qu’il soit progressivement un peu plus au service du groupe familial et de la communauté. 

Tradition africaine : il faut tout un village pour élever un enfant
L’éducation traditionnelle se préoccupe davantage d’apprendre à vivre en société, connaître les règles de bienséance et interagir en harmonie avec les forces de la nature. (Image : King Zubby / pexels)

La famille élargie est la voie principale de l’éducation traditionnelle africaine. La famille africaine traditionnelle est une famille étendue. Elle ne se réduit pas au père, à la mère et aux enfants vivant sous le même toit. La mentalité de groupe est très prononcée chez les Africains, le groupe a la primauté sur l’individu. Cependant, les ancêtres occupent une place importante dans la famille et ce sont eux qui servent de lien familial.

Amener l’enfant à s’éveiller aux aspects mystérieux et sacrés de la vie

L’éducation traditionnelle africaine est une sorte d’initiation. Elle introduit l’enfant à la compréhension du monde qui l’entoure en accédant à la lumière de la connaissance par le biais de la philosophie et de la cosmogonie. Elle est subdivisée en plusieurs étapes qui durent tout au long de la vie.

La principale préoccupation de l’éducation traditionnelle n’était pas de former l’enfant à un métier car bien souvent, celui-ci l’apprenait par filiation. Le métier était une histoire de famille ou de clans, il ne s’agissait donc pas d’aller à l’école pour se former professionnellement mais davantage pour apprendre à vivre en société, connaître les règles de bienséance et interagir en harmonie avec les forces de la nature qui régissaient l’environnement direct et l’activité de l’individu.

Le proverbe et le conte sont des méthodes éducatives dans l’Afrique traditionnelle. Ces méthodes éducatives avaient autrefois un rôle important dans la vie des Africains. Autour du feu, les jeunes et leurs aînés se retrouvent. Ceux-ci peuvent alors les instruire.

Le proverbe est une formule de caractère souvent métaphorique ou figuré, qui exprime une vérité ou un conseil de sagesse populaire, commun à tout un groupe social. C’est une forme de communication.

Le conte est un court récit de faits, d’aventures imaginaires, destiné à distraire. Le conte, pour l’Africain, est une histoire qui contient un enseignement, des leçons pour bien se conduire dans la société.

Tradition africaine : il faut tout un village pour élever un enfant
Les grands-mères jouaient avec les enfants et leur enseignaient des poèmes, chansons et autres contes. (Image : YuriArcursPeopleimages / envato)

Dans l’article L’éducation traditionnelle en Afrique Bamby Diagne affirme : « Le conte joue également, et ce, tout au long de la vie, un rôle prépondérant dans les sociétés traditionnelles. Notons que chez les Samburu du Kenya, traditionnellement les enfants étaient gardés par les grands-mères quand les parents étaient absents. Ces grands-mères jouaient avec les enfants et leur enseignaient des poèmes, chansons et autres contes. Ce système s’appelle lmwate, lmwate signifiant la clôture. Bien que ce système ait bien fonctionné pour d’innombrables générations, il était tombé en désuétude principalement de par les transformations sociétales entraînées par la colonisation. »

« Après discussions dans la communauté il fut décidé de créer un lmwate moderne. Se basant sur les conseils des personnes âgées, des jouets furent fabriqués, des chansons, des contes, des proverbes et des poèmes collectionnés et des systèmes de jeu construits. Ce cas de restitution d’une organisation traditionnelle montre que l’hybridation entre une école moderne et une forme d’apprentissage adaptée à la situation culturelle et géographique est possible. L’intégration de l’Imwate dans le système éducatif Kényan fut une véritable réussite… »

Le développement et l’épanouissement des enfants semblent être favorisés par une relation de confiance et par une éducation bienveillante, vaste et inspirante. L’éducation et l’accomplissement ne sont-ils pas finalement le début d’une entreprise que l’enfant intègre en lui peu à peu et qu’il pourra poursuivre tout au long de sa vie ?

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