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Histoire. Comment la féodalité et le sens de l’honneur sont intimement liés

FRANCE > Histoire

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L’époque médiévale qui s’étend entre le Ve et le XVe siècle ap. J.-C., a vu se développer en Europe une institution majeure, la féodalité. La société féodale s’articule autour de trois ordres, ceux qui prient, ceux qui combattent, et ceux qui travaillent. Pour l’heure, portons la réflexion sur le deuxième ordre, l’ordre de ceux qui combattent, à savoir les seigneurs.

L’avènement de la féodalité

Après la mort de Charlemagne, l’empire carolingien se disloque pour aboutir à l’affaiblissement du pouvoir royal et à la montée en puissance des seigneurs. Ces derniers deviennent parfois plus influents que le roi lui-même. Des contrats personnels s’établissent entre les seigneurs puissants et les seigneurs moins puissants : c’est le principe de la féodalité. Le suzerain accorde un fief au vassal qui lui jure fidélité. Le fief peut se présenter sous forme de terres ou de revenus. Le vassal doit apporter une aide militaire et financière au suzerain en échange de sa protection. Il joue également le rôle de conseiller. Il arrive que le vassal soit en même temps le suzerain d’un autre seigneur, d’où l’existence de la « pyramide vassalique ». Au fil des siècles le roi, suzerain suprême, va se hisser à la tête de la pyramide, suivi par les grands seigneurs, les comtes et les ducs, puis les petits seigneurs, les barons et les châtelains. Au pied de la pyramide se trouvent les chevaliers qui n’ont pas de vassaux. Notons au passage que le mot féodalité vient du latin feudum, qui signifie « fief ».

Comment la féodalité et le sens de l’honneur sont intimement liés
C’est par une cérémonie rituelle, toujours publique, que se manifeste l’hommage vassalique ayant lieu généralement au château du suzerain. (Image : wikimedia / Archives nationales / Domaine public)

La cérémonie de l’hommage

C’est par une cérémonie rituelle, toujours publique, que se manifeste l’hommage vassalique ayant lieu généralement au château du suzerain. La cérémonie se déroule le plus souvent en trois temps : l’hommage, le serment de fidélité et l’investiture. Le témoignage suivant, extrait d’un texte de Galbert de Bruges, écrit en 1127, retrace cette chronologie : « Le comte demanda au futur vassal s’il voulait devenir son homme sans réserve ». Celui-ci répondit : « Je le veux ». Ses mains étant jointes dans celles du comte, ils s’allièrent par un baiser. Puis le vassal dit : « Je promets en ma foi d’être fidèle à partir de cet instant au comte Guillaume et de lui garder contre tous et entièrement mon hommage, de bonne foi et sans tromperie. » Il jura cela sur la relique des saints. Ensuite, le comte lui donna l’investiture.

Il apparaît que la composante religieuse s’est ajoutée au cérémonial de l’hommage pour accorder plus de solennité et de crédit au contrat établi entre deux hommes libres, le suzerain et le vassal. Les deux partis sont liés par des droits et des obligations réciproques qui engagent leur avenir social et spirituel. Le vassal doit se battre pour son suzerain au péril de sa vie. Quant au suzerain, il doit assurer la protection et l’entretien de son vassal. Lors de l’investiture, l’objet remis par le seigneur, par exemple une motte de terre, symbolise cette obligation seigneuriale. Celui qui manque à ses obligations est en état de félonie. Le vassal ayant manqué à sa parole se voit dépossédé de son fief.

L’honneur, composante majeure de la féodalité

L’hommage décrit plus haut reposait sur un contrat oral soulignant l’importance accordée à la parole donnée et au code d’honneur qui s’y attachait. À l’époque médiévale le sens de l’honneur était l’apanage des guerriers, ceux qui combattaient. Pour Roland de Roncevaux, l’archétype du chevalier honorable, mieux valait mourir en héros que vivre le déshonneur ! Quant à l’évêque Fulbert de Chartres, il expliquait dans une lettre adressée en 1020 au duc d’Aquitaine, Guillaume V, que la fidélité du vassal consistait en 6 points : « salut, sécurité, honneur, intérêt, facilité et liberté ».

« Tout est perdu fors l’honneur » avait écrit des siècles plus tard le roi François 1er à sa mère. Cette phrase demeurée célèbre souligne la place prépondérante de l’honneur dans la conscience collective.

Le sens de l’honneur aura évolué en fonction des temps, des lieux, des personnes. À l’ère carolingienne, le terme tiré du latin honor signifie précisément « fief » en d’autres termes le bien donné par un souverain pour service rendu. Au fil des années, avec la chevalerie, le mot acquiert un sens plus moral dans le lexique français. De nos jours l’honneur se définit comme suit : « fait de mériter la considération et l’estime d’autrui et de soi-même sur le plan moral et selon les valeurs de la société ».

Il se trouve que la plus haute distinction honorifique accordée au citoyen français n’est autre que la Légion d’honneur, obtenue pour avoir « des mérites éminents acquis au service de la Nation » et en cas de « bonne moralité ». Le chevalier de la Légion d’honneur, n’est-il pas l’héritier du chevalier médiéval ?

Avec l’honneur en héritage, la féodalité peut s’inscrire dans la modernité.

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