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Tradition. L’art de l’enluminure perpétue la tradition médiévale et retrouve ses lettres de noblesse

FRANCE > Tradition

Hautes en couleur, les enluminures, ces illustrations minuscules souvent assimilées aux vitraux d’une cathédrale évoquent les copistes dévoués, penchés des heures durant sur leur ouvrage. La légende prétend que seul les arrêtait le gel de l’encre en hiver ! Les enlumineurs des temps modernes semblent animés d’une ferveur comparable. Comment expliquer le regain d’intérêt ambiant pour l’art de l’enluminure si longtemps délaissé ? Tâchons d’en savoir plus à ce sujet.

Qu’est-ce qu’une enluminure ?

Le mot enluminure vient du latin illuminare qui veut dire « éclairer », « illuminer ».

L’enluminure a pour fonction de décorer un texte manuscrit, de le mettre en lumière à l’aide de techniques diverses. Si cet art connaît son apogée au Moyen-Âge en Occident, des traces d’enluminures existent dès l’antiquité : Égyptiens, Grecs et Romains étaient friands d’ouvrages illustrés sur des rouleaux de papyrus. Cependant dès le 1er siècle ap. J.-C. un livre d’un nouveau genre, le codex, constitué de rouleaux de parchemin reliés entre eux fait son apparition. Plus maniable et plus résistant que le volumen égyptien écrit sur du papyrus il le remplace peu à peu. Les copistes chrétiens du monde occidental vont l’adopter pour diffuser les textes sacrés parmi les non lettrés. L’art de l’enluminure tient lieu d’outil de communication à l’ère médiévale.

L’art de l’enluminure perpétue la tradition médiévale et retrouve ses lettres de noblesse
La lettrine est une lettre majuscule mise en relief en tête de chapitre. Il existe des lettrines ornées, historiées et construites. (Image : Capture d’écran / YouTube)
L’art de l’enluminure perpétue la tradition médiévale et retrouve ses lettres de noblesse
Dans les enluminures de style narratif, des scènes entières de la vie quotidienne sont peintes par l’enlumineur. (Image : wikimedia / Limbourg brothers / Domaine public)

Les différents types d’enluminure 

L’illustration, fonction principale de l’enluminure peut revêtir plusieurs formes :

  • La lettrine, la forme la plus répandue et la plus originale durant le haut Moyen Âge. Il s’agit d’une lettre majuscule mise en relief en tête de chapitre. Pour attirer le regard du lecteur, la lettre est souvent tracée en couleur au minium (un pigment rouge orangé), d’où le terme « miniature ». Selon la règle, le reste du texte s’écrit en petites capitales. Il existe des lettrines ornées, historiées, ou construites en forme d’animal notamment.
  • Le style décoratif, typiques du XIIIe siècle, les compositions décoratives peuvent représenter des bordures végétales et florales ou des entrelacs illustrés de motifs abstraits animant des scènes bucoliques.
  • Le style narratif, dans les enluminures de style narratif, des scènes entières de la vie quotidienne sont peintes par l’enlumineur. Pour le monde contemporain, ces tableaux de taille réduite constituent des témoignages précieux du monde médiéval. L’un des plus célèbres manuscrits enluminés, Les Très Riches Heures du duc de Berry, chef-d’œuvre des frères Limbourg, conservés au château de Chantilly en France, relatent avec beaucoup de précision des scènes de la vie rurale et aristocratique. Grand amateur d’enluminures, le duc de Berry est le frère du roi Charles V qui contribua grandement par son mécénat à faire rayonner l’art de l’enluminure en France et en Europe.

Quelles sont les étapes pour réaliser une enluminure ?

La réalisation des enluminures commençait par la préparation du parchemin destiné au manuscrit, le parchemin étant constitué de peaux de chèvre, de mouton, ou de veau. Le support le plus raffiné et le plus coûteux était le Vélin provenant de veaux mort-nés. Sa texture très douce convenait parfaitement à l’art de l’enluminure. Le parchemin une fois préparé, le dessin était esquissé à l’encre. Après quoi était posée la feuille d’or, élément essentiel car c’est elle qui « enlumine » l’ouvrage, et lui donne cet éclat unique. La feuille d’or réfléchit la lumière pour éclairer l’illustration et éclairer la foi du lecteur. L’artiste enlumineur s’appliquait alors à préparer les couleurs obtenues de façon naturelle grâce à des pigments d’origine végétale, animale ou minérale. Les couleurs se posaient couches après couches car elles ne devaient pas se mélanger.

Fruit d’un travail minutieux opéré par des artistes attitrés, les maîtres enlumineurs, l’enluminure devient signe de prestige et de richesse pour les commanditaires. Exclusivement religieux à l’origine, les textes enluminés s’orientent vers des thèmes plus laïcs dès le XIIIe siècle, considéré comme le « siècle du savoir ». Cependant, après avoir connu son âge d’or, l’art de l’enluminure sombre dans l’oubli avec l’invention de l’imprimerie en 1454.

Vers une redécouverte de l’enluminure ?

Si les moines copistes ont disparu, les maîtres enlumineurs des temps modernes perpétuent la tradition séculaire. En effet il existerait 60 enlumineurs professionnels en France et 40 ateliers d’enluminure d’après Barbara de Monchy, Maître enlumineur. « Il est très important de pouvoir transmettre cet art merveilleux. (…) En fait nous sommes les héritiers d’une technique, nous sommes les héritiers d’un art » déclare celle qui dirige depuis plus d’une décennie l’Institut Supérieur Européen de l’Enluminure et du Manuscrit (ISEEM), l’unique école d’enluminure en France et en Europe. Ces ateliers d’enluminures, explique-t-elle, sont dirigés par des élèves sortis tout droit de l’ISEEM, la prestigieuse école basée à Angers. Tel est le cas pour Claire Biteau-Guillemain qui exerce ses talents d’enlumineur dans son atelier situé au Puy du Fou : elle a reçu le titre de Meilleur Ouvrier de France, spécialité enluminure en 2015.

Un certain engouement pour l’art de l’enluminure anime le monde contemporain. Selon les sources, l’attrait pour le Moyen Âge se manifeste à partir du XIXe siècle à travers l’Europe. En 2017, à l’Université de Rennes s’est tenu un colloque intitulé : « Le XIXe siècle en lumière : redécouverte et revalorisation de l’enluminure médiévale en France au temps du livre industriel. »

Par ailleurs le Ministère de la Culture chargé de faire l’inventaire des savoir-faire rares a inscrit un atelier d’enluminure basé en Bretagne à « l’inventaire du Patrimoine culturel immatériel en France » suite à une enquête réalisée en 2008. « Véritables artistes indépendants, les enlumineurs réinventent leur art avec des thèmes actuels tout en respectant les styles et univers médiévaux », peut-on lire sur le site de l’Institut National des Métiers d’Art (INMA). Capables de reproduire avec brio les œuvres originales ancestrales, ces artistes font preuve de créativité et enluminent cartes de vœux, marque-pages, stylos à la commande…

Il faut cent heures pour réaliser une enluminure. Des heures de passion, patience et précision pour perpétuer un savoir-faire séculaire.

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