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Culture. Quand le tissu se dévoile, il raconte toute une histoire (1/3)

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La soie, un don précieux de la nature à l’homme

Rites impériaux de sériciculture (Parchemin 3: Cueillir des feuilles de mûrier). (Image : wikimedia / Giuseppe Castiglione / Domaine public)

« L’élégance est quand l’intérieur est aussi beau que l’extérieur », disait Coco Chanel. Cette enveloppe extérieure qui nous habille, se distingue d’une personne à une autre, d’un pays ou d’un continent à un autre : le tissu. Au fil du temps , du plus chatoyant comme la soie, le brocard, la mousseline, à l’étoffe de lin ou de coton, de la haute couture au prêt-à-porter, il a su traverser les époques et marquer l’histoire. C’est de fil en aiguille et par le biais de quelques épisodes que sa trame va être tissée.

La découverte de la soie est entourée de nombreuses légendes, dont celle de Hsi-Ling-Shi, l’épouse de Huang-Di, l’Empereur Jaune, contée dans le livre des Odes de Confucius,  Classique des vers (诗经). (Image : wikimedia / CC0)
La découverte de la soie est entourée de nombreuses légendes,
dont celle de Hsi-Ling-Shi, l’épouse de Huang-Di, l’Empereur Jaune,
contée dans le livre des Odes de Confucius,  Classique des vers (诗经).
(Image : wikimedia Domaine public / CC0)

La soie raconte une histoire qui remonte à plusieurs milliers d’années

La soie constitue, à elle seule, une part importante de la mémoire textile, économique, sociétale et culturelle d’un grand nombre de civilisations. Par son toucher délicat, son tissage raffiné et ses somptueux imprimés, elle raconte une histoire longue et mystérieuse.

La découverte de la soie est entourée de nombreuses légendes. Parmi ces légendes, il y a celle de Hsi-Ling-Shi, l’épouse de Huang-Di, l’Empereur Jaune, contée dans le livre des Odes de Confucius, ou Classique des vers (诗经). Buvant son thé sous un arbre, Hsi-Ling-Shi fut surprise de trouver un cocon, souple comme un nuage, inopinément tombée dans sa tasse et désirant le sortir du liquide chaud, elle prit un fil à l’aide d’une de ses épingles à cheveux et le déroula sur une grande longueur, dévidant ainsi une partie du cocon. Éblouie par la beauté du fil, elle fit récolter des milliers de cocons et demanda à ce que l’on tisse avec ces fils une robe qu’elle offrit à l’empereur Huang-Di, ( 2698-2598 av. J. -C.).

La soie provient du cocon du bombyx du murier, ou Bombyx mori : le ver à soie, pour la soie de culture. (Image : wikimedia / smartneddy / CC BY-SA 3.0 &  Bombyx mori /  CC-BY-SA-3.0)
La soie provient du cocon du bombyx du murier, ou Bombyx mori : le ver à soie, pour la soie de culture. (Image : wikimedia / smartneddy / CC BY-SA 3.0 &  Bombyx mori /  CC-BY-SA-3.0)
 
 

Le cocon un don précieux du ver à soie

La soie est d’origine animale. c’est une fibre protéique naturelle, composée d’acides aminés. Elle provient du cocon du bombyx du murier, ou Bombyx mori : le ver à soie, pour la soie de culture. La soie sauvage provient du cocon du ver à soie Tussah (Antheraea). Ces chenilles fabriquaient leur cocon bien avant que l’homme ne prît conscience de son potentiel économique.

La sériciculture et le tissage sont devenus les tâches principales des femmes chinoises. (Image : wikimedia / Emperor Huizong of Song / Domaine public)
La sériciculture et le tissage sont devenus les tâches principales
des femmes chinoises. (Image : wikimedia / Emperor Huizong of Song / Domaine public)

Une ancienne légende raconte que l’Empereur Jaune a vaincu Chi You, un vassal rebelle, ancêtre des Miaos. Suite à cette bataille, le dieu du ver à soie a offert de la soie blanche et brillante pour célébrer la victoire de l’Empereur jaune. Huang-Di a demandé à son peuple de tisser la soie, puis de fabriquer des vêtements légers, chauds et confortables.

Plus tard, l’épouse de Huang-Di a découvert que les vers à soie pouvaient aussi produire de la soie qui ressemblait à la soie offerte par le dieu du ver à soie. Alors des mûriers ont été plantés et des vers à soie ont été élevés. Elle a enseigné aux femmes comment cueillir les cocons et produire la soie. La sériciculture et le tissage sont devenus les tâches principales des femmes chinoises.

De la Chine vers l’Occident

Bien avant la route de la soie, dès le IVe siècle av. J.-C., la soie voyageait vers l’Occident. Mais c’est la Route de la soie, entre le Ie siècle av. J.- C. et le IIe siècle, qui allait réellement permettre sa diffusion vers l’Occident, via l’empire Parthe qui s’étendait des sources de l’Euphrate à l’Iran. La soie servait souvent de monnaie d’échange aux marchands qui en contrepartie recevaient de l’or, de l’ivoire, des chevaux, voire des pierres précieuses. Aux frontières de l’empire romain, elle ira jusqu’à servir d’étalon monétaire qui permettait d’estimer les valeurs de différents produits.

Bien avant la route de la soie, dès le IVe siècle av. J.-C., la soie voyageait vers l’Occident. (Image : wikimedia / Giao Chỉ / CC-BY-SA-3.0)
Bien avant la route de la soie, dès le IVe siècle av. J.-C., la soie voyageait vers l’Occident. (Image : wikimedia / Giao Chỉ / CC-BY-SA-3.0)

C’est aussi à cette même époque que la notion de « Seres » (soyeux) apparaît chez les Grecs et ensuite chez les Romains. Elle désignait les habitants d’un royaume lointain, la Chine. Les historiens font remonter le premier contact des Romains avec la soie aux légions de Licinius Crassus, alors gouverneur de Syrie. L’histoire précise que lors de la bataille de Carrhes, près de l’Euphrate, les légionnaires ont été tellement surpris par la brillance des bannières de l’armée parthe qu’ils ont pris la fuite.

De monopole asiatique, la sériciculture allait peu à peu se développer en Italie au XIe siècle, pour se déployer au XVe siècle en Espagne et en France, essentiellement dans la vallée du Rhône.

Mais la fin du XIXe et le XXe siècle verront le déclin de la soie en Europe. Déclin dû aux maladies du ver à soie, à la diminution de la demande, mais aussi à la différence de qualité du tissu produit et à l’apparition de la soie artificielle. Au début du XXe siècle, le Japon détenait 80% de la production de la soie grège mondiale. Le négoce en Europe était détenu par les villes de Lyon et Milan. À la fin du XXe siècle, la Chine est devenue le premier producteur.

Aujourd’hui, la demande de soie a chuté et repose essentiellement sur des pays comme l’Inde et le Japon qui en sont les premiers consommateurs.

L’empereur Justinien recevant des vers à soie en 552. (Image : wikimedia / Domaine public)
L’empereur Justinien recevant des vers à soie en 552. (Image : wikimedia / Domaine public)
 
 

Quel sont les qualités de la soie qui la rendent si désirable ?

La soie aime à jouer avec la lumière. Mais en tant que fibre de protéine, elle est vouée à disparaître si elle est exposée trop longuement au soleil. Elle produit des reflets qui se déclinent au gré de la lumière et du mouvement. Elle est aussi connue pour son bruissement très particulier : le « froufrou », dont raffolaient les élégantes. De plus, elle a le pouvoir de maintenir la chaleur en hiver, tout en garantissant la fraîcheur en été. Une autre particularité de la soie est son pouvoir d’absorption qui en fait un support de prédilection pour la teinture et la peinture.

Les dérivés de la soie

De nombreux tissus sont dérivés de la soie et l’évocation de leurs noms invite souvent au rêve, tel un manège où tourbillonneraient ces différents tissus.

La mousseline de soie est une très fine toile transparente et légère. Elle est souvent utilisée pour la fabrication de foulards et de robes de soirées.

Le crêpe de soie, ou crêpe de chine, est un tissu de soie subtilement ondulé et gaufré, obtenu grâce à une technique de tissage qui repose sur un fil très serré. Il est utilisé pour la confection de robes, chemisiers et lingerie.

Le crêpe Georgette est un tissu qui se situe entre la mousseline de soie et le crêpe.

Le satin de soie est souvent utilisé pour les doublures élégantes des costumes masculins, mais aussi pour les cravates et les nœuds papillons. (Image : Build WordPress Cheap / Pixabay)
Le satin de soie est souvent utilisé pour les doublures élégantes des costumes masculins, mais aussi pour les cravates et les nœuds papillons. (Image : Build WordPress Cheap / Pixabay)

Le satin de soie est doux et fluide. Son mode de tissage, ou armure, permet de mettre en avant le potentiel et la brillance naturelle de la soie. Il est souvent utilisé pour des chemisiers, des robes de mariée, des doublures élégantes des costumes masculins, mais aussi pour les cravates et les nœuds papillons.

Le satin duchesse de soie est un tissu qui présente une armure de satin plus lourde, d’un brillant magnifique. Il est réservé aux robes les plus exceptionnelles.

La soie sauvage, avec son coté irrégulier et brut, sublime son aspect naturel. Elle provient des « déchets de soie », obtenus au moment de la filature. Elle est utilisée aussi bien pour la confection de l’habillement que pour l’ameublement
La soie lavée présente un aspect velouté avec un joli tombé obtenu après avoir délavé la soie pour lui faire perdre son brillant. Elle est souvent utilisée pour la confection de robes et chemisiers.

Le taffetas de soie est un tissu luxueux, d’aspect sec et craquant quand on le froisse, mais extrêmement chatoyant avec ses multiples reflets changeant, dûs au tissage à la verticale et d’une autre couleur que les fils horizontaux. Ce tissu donnera naissance à des robes de soirées très habillées, des bustiers, des corsets. Il sera employé également dans l’ameublement.

L’organza de soie est un tissu traditionnel qui provient de Chine, tissé par une série de moulins le long du fleuve Yang- Tsé. Depuis le XVIIIe siècle, il est aussi fabriqué en Inde, dans une soie plus épaisse. En Europe, une cité nommée Organdi était connue pour son marché de la soie. C’est une toile de soie transparente et irisée, moirée, changeante, voire unie. Son touché est raide.

Le fil de soie de l’organsin est composé de deux ou plusieurs fils de soie grège qui, suite à une série de torsions et d’assemblages, donne à l’organza une légèreté particulière. Tel un papillon, la toile se pose sans bruit sur les épaules, ou prête son élégance à un autre tissu. L’organza reste un tissu de prestige pour les robes de mariée. Il se retrouve aussi dans la fabrication des tutus, jupes volumineuses ou certains voilages.

Le brocard est une étoffe de soie brochée d’or et d’argent. On le retrouve dans l’ancienne Chine impériale, où il servait à la fabrication de robes brochées d’or et d’argent. C’est « La perle des tissus par excellence ». Le brocard Yunjin, provient du début de l’ère chrétienne.

La soie a le pouvoir de maintenir la chaleur en hiver, et la  fraîcheur en été. (Image : Wikimedia / Yelkrokoyade / CC BY-SA 3.0)
La soie a le pouvoir de maintenir la chaleur en hiver, et la fraîcheur en été.
(Image : wikimedia / Yelkrokoyade / CC BY-SA 3.0)
 
 

De la soie d’origine artificielle ou végétale :

Confortables et faciles à teindre, plus économiques que la soie, ces tissus ont trouvé leurs places dans le domaine du prêt-à-porter.

La rayonne, ou viscose, et le modal sont des fibres semi- artificielles pour la rayonne et naturelle pour le modal. Elles sont à base de cellulose, ou pâte à bois. Dans les années 1860, l’industrie française de la soie a connu la crise suite à une maladie du ver à soie. Pour répondre à la demande, une fibre artificielle a été brevetée en 1885.

La soie, textile jugée d’origine céleste, a gardé ses lettres de noblesse et demeure le textile qui continue à faire rêver : un don précieux de la nature.

À suivre...

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