Il y a plus de deux mille ans, la conviction d’un seul homme a empêché une guerre dévastatrice. Cet homme s’appelait Mozi (470-391 av. J.-C.), philosophe, inventeur et humanitaire dont la clarté de raisonnement et le courage moral ont changé le destin de tout un peuple.

Mozi : un philosophe engagé
Mozi, de son vrai nom Mo Di, était originaire du royaume de Song durant la période des Royaumes combattants (475-221 av. J.-C.). Il fut ensuite ministre de Song, écrivit des textes philosophiques et fonda l’école mohiste : un mouvement qui prônait l’amour universel, la frugalité et la sagesse pratique.
Contrairement à nombre de penseurs de son époque qui se concentraient sur le perfectionnement de soi ou la vertu abstraite, la philosophie de Mozi était ancrée dans l’action. Lorsqu’il apprit que l’artisan Gongsun Ban – connu plus tard sous le nom de Lu Ban, le saint patron des artisans – avait construit des échelles de siège pour permettre au puissant royaume de Chu d’attaquer Song, il ne put rester inactif.

Sans tarder, Mozi partit pour le royaume de Chu. Après sept jours et sept nuits d’un pénible voyage, ses pieds étaient couverts d’ampoules. Il déchira des bandes de sa robe pour les panser, poursuivant sa route malgré la douleur. Son but était simple mais urgent : empêcher une guerre avant même qu’elle ne commence.

Un voyage pour empêcher une guerre
Lorsque Mozi arriva enfin au royaume de Chu, il alla d’abord voir Gongsun Ban. « Pourquoi construire des échelles de siège pour aider Chu à attaquer Song ? » implora-t-il. « Quel mal Song a-t-il fait ? »
« Chu possède déjà de vastes terres, mais trop peu d’habitants. Sacrifier sa propre population, déjà faible, pour agrandir son territoire n’est pas sage. Attaquer un royaume innocent n’est pas un acte de bienveillance. Savoir que quelque chose ne va pas et ne pas en informer son roi n’est pas un acte de loyauté. Et aspirer à la victoire sans y parvenir n’est pas un acte de force. »

Gongsun Ban secoua la tête. « La décision d’attaquer Song a déjà été prise », dit-il. « Cela ne dépend pas de moi. J’ai déjà informé le roi de Chu que j’approuve son plan. »
Mozi comprit que la raison seule ne suffirait pas à convaincre l’artisan. Pour protéger sa patrie, il lui faudrait persuader le roi en personne.
Raisonner avec les rois et les artisans

Devant le roi de Chu, Mozi ne parla ni de guerre ni de politique, mais de bon sens. « Votre Majesté », commença-t-il, « imaginez un homme qui abandonne son beau carrosse pour voler la charrette délabrée de son voisin, qui laisse intactes ses robes de brocart pour prendre la chemise grossière d’autrui, et qui délaisse le poisson et la viande de sa propre maison pour voler des légumes sauvages dans la marmite du voisin. Quel genre d’homme est-ce là ? »
Le roi rit. « Un tel homme serait un fou. »

« En effet », dit Mozi. « Le royaume de Chu possède les cerfs du marais de Yunmeng, les poissons et les tortues du Yangtsé et du Han – des richesses incomparables. Le royaume de Song, en revanche, n’a ni grands arbres, ni gibier, à peine quelques poissons ou lapins. » « Si Votre Majesté attaque Song, c’est comme si un fou abandonnait l’abondance pour voler la misère. »
Le Roi marqua une pause, impressionné par l’argument. « Bien dit ! Mais Gongsun Ban m’a déjà fait construire des échelles de siège. Il affirme qu’elles permettront assurément de prendre Song. »
Un duel d’intelligence, non d’armes

Déterminé à prouver son point, Mozi retrouva Gongsun Ban. Il détacha son écharpe et la déploya sur la table, représentant les remparts de la capitale Song. Il y posa ensuite son bandeau, symbolisant les soldats et les défenses.
Gongsun Ban fit la démonstration de ses tactiques de siège à neuf reprises, utilisant des maquettes pour illustrer comment l’armée de Chu attaquerait. À chaque fois, Mozi répliquait par une nouvelle manœuvre défensive, bloquant chaque assaut. Finalement, l’artisan épuisa ses idées, tandis que Mozi avait encore des stratégies en réserve.
« Je sais comment percer vos défenses », admit Gongsun Ban, « mais je ne le dirai pas. »
« Je connais aussi votre prochain coup », répliqua Mozi, « mais je garderai le silence, moi aussi. »
La sagesse qui a évité le bain de sang

Lorsque le roi de Chu demanda ce qu’ils voulaient dire, Mozi expliqua : « Gongsun Ban croit que s’il me tue, le royaume de Song tombera. Pourtant, il ignore que mes disciples – deux cents hommes – ont déjà installé mes défenses sur les remparts de la ville de Song, prêts à parer à toute attaque. Même si je venais à mourir, la victoire de Chu resterait impossible ».
Le roi fut stupéfait. Voyant la futilité de la guerre, il renonça à son projet d’envahir le royaume de Song.

Le courage et la sagesse de Mozi avaient évité le bain de sang. Son histoire demeure, non seulement comme un exemple de la victoire de l’intellect sur l’agression, mais aussi comme un rappel que la véritable force réside dans la raison, la compassion et la volonté de protéger autrui par des moyens pacifiques.
Rédacteur Charlotte Clémence
Source : Mozi’s Wisdom and Courage: The Philosopher Who Stopped a War
www.nspirement.com
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