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Chine. Des greffes de foie gratuites pour enfants en Chine : un programme caritatif qui interroge sur la provenance des organes

ACTUALITÉ > Chine

Les greffes de foie gratuites pour enfants en Chine connaissent une croissance fulgurante. Le pays compte aujourd’hui le premier centre mondial de transplantations hépatiques pédiatriques. Mais cette expansion relance les interrogations sur la provenance des organes et la transparence d’un système où les greffons semblent anormalement disponibles.

Un rapport récent qui dévoile les prélèvements forcés d’organes sur des nourrissons en Chine

En septembre dernier, l’Organisation mondiale d’enquête sur la persécution du Falun Gong (World Organization to Investigate the Persecution of Falun Gong), a publié un rapport révélant les prélèvements forcés d’organes sur des nourrissons et jeunes enfants en Chine pour des transplantations.

Le rapport montre qu’en 2017, la Chine a réalisé 722 greffes hépatiques pédiatriques, dépassant pour la première fois les États-Unis. 

En 2018, ce chiffre a franchi la barre des 1 000 interventions.

L’Hôpital Renji de Shanghai effectue à lui seul un volume annuel d’opérations équivalent aux deux tiers de l’ensemble des États-Unis et supérieur à celui de toute l’Europe.

En 2023, la Chine a réalisé 127 transplantations cardiaques pédiatriques, avec une tendance générale à la hausse. Entre 2019 et 2023, 63 greffes pulmonaires pédiatriques ont été effectuées, représentant 1,8 % du total national des transplantations pulmonaires.

Selon les médias officiels chinois, le 21 mai 2024, l’hôpital pédiatrique affilié à l’Université Fudan a créé un « Centre de transplantation de grands organes pédiatriques ». Le communiqué indique que ce centre va « intégrer davantage les équipes de transplantation cardiaque, hépatique et rénale, perfectionner le système multidisciplinaire sur l’ensemble de la chaîne, développer des opérations plus complexes comme les greffes rénales pour receveurs en très bas âge et les transplantations multi-organes, et s’efforcer activement de réaliser des greffes pulmonaires, intestinales, pancréatiques... »

Un programme caritatif en 2017 qui soulève des doutes

En 2017, l’Hôpital n° 1 Bethune de l’Université de Jilin a lancé un programme de greffes de foie gratuites pour enfants en Chine. Selon le portail Sohu.com, la Radio touristique du Jilin et le centre de transplantation hépatique de l’hôpital ont créé l’initiative « 心肝宝贝 », dont le nom joue sur un double sens : à la fois terme affectueux désignant un enfant chéri et fait une référence directe aux organes du cœur et du foie. 

Le programme proposait dix transplantations gratuites, couvrant les frais opératoires et d’hospitalisation. Présentée comme une action caritative, cette annonce a rapidement suscité des interrogations en raison de la facilité annoncée pour obtenir des greffons, dans un pays où le don volontaire demeure limité et peu documenté.

Le 13 juin 2017, un enquêteur de l’Organisation mondiale pour enquêter sur la persécution du Falun Gong a contacté le bureau d’inscription du programme. 

L’interlocutrice lui a confirmé que les opérations gratuites concernaient bien « les dix premiers enfants » et que les donneurs étaient disponibles en nombre suffisant, permettant une prise en charge « rapide ».

Des greffes de foie gratuites pour enfants en Chine : un programme caritatif qui interroge sur la provenance des organes
Évolution du don d’organes en Chine entre 2015 et 2018, montrant le nombre de donneurs vivants et décédés, ainsi que le taux officiel de donneurs par million d’habitants (PMP). (Images : Eugène Chang, générée par ChatGPT / Source des données : Report on Organ Transplantation Development in China (2015–2018), Chinese Medical Journal.)

Le même jour, le directeur de l’établissement, Hua Shucheng, a confirmé l’existence du programme, affirmant que les greffons nécessaires aux dix transplantations étaient déjà préparés. Le lendemain, le chef du service de chirurgie pédiatrique, Zhang Haiyu, a précisé que l’hôpital réalisait plus de 200 greffes hépatiques par an, majoritairement chez les adultes, et que cette opération visait à développer la transplantation infantile.

L’Hôpital Renji, affilié à la Faculté de médecine de l’Université Jiao Tong de Shanghai, est devenu, d’après Xinhua, le premier centre mondial de greffes hépatiques pédiatriques, cumulant plus de 3 000 interventions infantiles fin 2022.

La même source rapporte qu’en Chine, ce service se classe premier du pays depuis onze ans pour le nombre total de transplantations.

Certaines annonces ont également éveillé l’inquiétude : en 2018, un nourrisson âgé de dix jours a été mentionné comme donneur dans la province d’Anhui ; et en 2023, un médecin de l’Hôpital central n°1 de Tianjin a confirmé qu’il était courant d’utiliser des organes d’enfants « de quelques mois à quelques années » pour des receveurs adultes.

Des greffes de foie gratuites pour enfants en Chine : un programme caritatif qui interroge sur la provenance des organes
Évolution du nombre de transplantations réalisées au Centre Oriental de transplantation d’organes de Tianjin (天津东方器官移植中心) entre 1998 et 2005, montrant une augmentation très marquée des interventions. (Image : wikimedia / Joffers951 / CC BY-SA 4.0 / Images de synthèse par Eugène Chang)

Une controverse renforcée par un échange entre Xi Jinping et Vladimir Poutine

La question de la provenance des organes a refait surface en 2025, lorsque Xi Jinping et Vladimir Poutine ont été filmés, en route vers la parade militaire du 3 septembre à Pékin, en train d’évoquer la transplantation d’organes, la longévité et l’idée de vivre 150 ans.

Cette séquence, relayée par plusieurs médias, a ravivé les interrogations entourant le projet 981 (981首长健康工程), un programme interne de l’Armée populaire de libération consacré au maintien de la santé et à l’allongement de la durée de vie des plus hauts dirigeants chinois.

Des greffes de foie gratuites pour enfants en Chine : un programme caritatif qui interroge sur la provenance des organes
Comparaison du nombre de transplantations réalisées en Chine en 2015 et en 2023 pour quatre organes majeurs : cœur, poumon, foie et rein. (Image : Eugène Chang, généré par ChatGPT / Source des donnéecapture d’écran American Journal of Transplantation (2024).

Les révélations de Yuan Hongbing, juriste exilé 

Le juriste chinois en exil Yuan Hongbing affirme que le projet 981 aurait, dès son lancement, bénéficié de transplantations réalisées à partir d’organes prélevés illégalement, notamment sur des pratiquants du mouvement Falun Gong, persécutés depuis 1999.

Selon lui, ce programme n’aurait jamais été conçu dans l’intérêt général, mais pour « servir une petite élite dirigeante ».

Yuan soutient que l’expansion du projet serait étroitement liée aux activités de transplantation d’organes considérées comme illégales par plusieurs organisations de défense des droits humains.

Des greffes de foie gratuites pour enfants en Chine : un programme caritatif qui interroge sur la provenance des organes
Évolution du nombre de cas de torture signalés en Chine, principalement liés aux campagnes de répression à partir de 1999. (Image : wikimedia / Joffers951, CC BY-SA 4.0)

Il déclare : « Le projet 981 intègre ce qui constitue un crime contre l’humanité dans un discours prétendant prolonger la vie et améliorer la santé. Cela démontre une fois encore que le Parti communiste chinois forme un groupe politique mafieux capable de tenir les plus beaux discours tout en commettant les pires actions. »

Une transparence toujours en question

L’affaire des greffes de foie gratuites pour enfants en Chine ainsi que les autres reportages sur ce sujet met en lumière un paradoxe troublant :

Les greffons sont immédiatement disponibles, mais les données sur les dons volontaires restent introuvables. Le paradoxe est troublant.

Pour de nombreux spécialistes de la Chine contemporaine, cette controverse est révélatrice. Elle illustre comment médecine de pointe, enjeux politiques et stratégies de pouvoir s’entremêlent au sein des institutions hospitalières chinoises. Résultat : de nombreuses zones d’ombre subsistent quant à la traçabilité réelle des organes.

Rédacteur Eugène Chang

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