Connaissez-vous l’hippocampe, ce petit poisson qui se déplace toujours à la verticale avec un air si altier ? Son nom vient du grec hippo qui signifie cheval et kampos traduit par poisson ou monstre marin. Une bien étrange créature dont la nature a le secret. Ces quelques lignes vont nous éclairer concernant cet animal appelé parfois le cheval marin.
Un prodige de la nature
Si ce petit animal de la famille des Syngnatidae vit dans l’eau tel un poisson, il est considéré comme l’un des hôtes les plus curieux de la mer avec une tête rappelant celle du cheval, une queue aussi préhensile que celle du singe et son mimétisme comparable à celui du caméléon. Les singularités de cette créature marine existant depuis près de 40 millions d’années n’en finissent pas de surprendre la communauté scientifique ainsi que l’humanité toute entière. L’hippocampe vit essentiellement dans les pays tropicaux au milieu des mangroves et des récifs coralliens. Certaines espèces évoluent néanmoins dans les zones plus tempérées. On compte environ 30 espèces d’individus dont la taille varie entre 25 mm et 30 cm. Notons en outre que l’hippocampe possède une poche ventrale réservée aux petits, comme chez le kangourou.
Reproduction de l’hippocampe : une affaire masculine
Après une parade nuptiale jugée atypique selon les experts, le mâle et la femelle s’accouplent : « Le mâle et la femelle échangent des révérences chaque matin avant de se séparer pour le reste de la journée et de vaquer à leurs occupations respectives. Quand la distance qui les sépare dans l’eau est inférieure à une cinquantaine de centimètres, on observe qu’ils accélèrent soudainement leur nage pour se réunir, comme " impatients " d’être ensemble » révèle le biologiste Frank Cézilly dans le magazine Sciences Humaines, 2007.
Contre toute attente, les œufs des petits se développeront dans le ventre du mâle. Au bout de la gestation, affaire purement masculine, environ une centaine de petits hippocampes, les alevins, seront expulsés de la poche incubatrice du papa. La femelle ayant déposé ses œufs laissera le mâle s’occuper seul des petits. Ce mode de reproduction unique chez les poissons intrigue et émerveille à la fois le monde humain, enclin à se répandre en commentaires sur les qualités exceptionnelles de ces « papas hors pair ».
Symbolisme ancestral du cheval marin
Nous l’avons vu, les hippocampes ont de quoi susciter l’intérêt de l’humanité. Dans le même temps, ils occupent l’imaginaire en tant que signes de bon augure. Les civilisations asiatiques et méditerranéennes ont toujours considéré l’hippocampe comme un porte-bonheur et un talisman.
Dans la mythologie grecque, Poséidon, le dieu de la mer, des océans et des chevaux, est souvent représenté avec des hippocampes, symboles de force, de sagesse et de résistance. Par ailleurs, pour les Grecs, comme les hippocampes évoluent dans des eaux calmes et tranquilles, leur présence signifie paix et protection aux yeux des marins. Pour les Romains, les hippocampes sont « les chevaux de Neptune et des autres divinités de la mer ». Les Chinois leur attribuaient volontiers des vertus thérapeutiques en tout genre. Marina Quine, doctorante au Laboratoire d’excellence Corail, conclut : « Toute cette atmosphère de mystère et de symbolisme, dans laquelle on trouve l’hippocampe, a contribué à développer l’imaginaire de peuples entiers, qui voient en eux des êtres protecteurs ou des talismans, ou bien de puissants remèdes quand il s’agit de médecines traditionnelles, ou encore des êtres mythiques, compagnons des dieux, ou simplement de très fragiles animaux ».
L’hippocampe, animal marin face à l’hippocampe, siège de la mémoire
Il serait intéressant de prendre en compte l’hippocampe sous un angle différent. Outre l’aspect zoologique traité jusqu’ici, évoquons le domaine de l’anatomie humaine : en effet, l’hippocampe n’est pas seulement un étrange petit poisson, mais c’est aussi « une partie du cerveau localisée dans le lobe temporal. Il est localisé dans le système limbique de la partie profonde du cerveau » selon la définition publiée dans le Journal des Femmes Santé, en 2022. Pour rappel, chez l’être humain, l’hippocampe joue un rôle majeur dans le stockage des informations, la mémorisation et le repérage dans l’espace. « Son nom provient de la forme qui rappelle celle de l’animal » précise l’auteur de l’article, faisant allusion à la ressemblance notoire entre le poisson à tête de cheval et l’organe cérébral. De nombreux chercheurs ont noté la ressemblance entre la partie du cerveau en question et le petit animal marin qui nous préoccupe. Tous deux se caractérisent par une forme enroulée.
Comment interpréter cette proximité entre l’hippocampe des mers et le siège de la mémoire chez l’homme ? Question propice à alimenter l’imagination des uns et des autres. Le poète Aimé Césaire semble voir cet animal plutôt comme un être hors du temps. Citons un extrait de son poème Chanson de l’hippocampe :
Petit cheval hors du temps enfui
Bravant les lès du vent et la vague et le sable turbulent
Petit cheval
Dos cambré que salpêtre le vent
Tête basse vers le cri des juments
Petit cheval sans nageoire
Sans mémoire
Un avenir plutôt menacé
Toutefois, en dépit d’un capital de sympathie accumulé au cours des âges, l’avenir de l’hippocampe demeure préoccupant. Ces dernières années, une chute drastique de sa population a été constatée avec une baisse de 20 à 30 %. Les récentes mesures visant à protéger cette espèce désormais menacée réussiront-elles à enrayer les méfaits de la surpêche ? Plus de 76 millions d’hippocampes seraient prélevés chaque année et plus de 80 pays seraient impliqués. L’hippocampe est-il victime de son succès ? Souhaitons que ce fascinant petit poisson associé à l’organe de la mémoire continue à peupler son habitat naturel autant que notre imaginaire.
Collaboration Evelyne Boilève
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.