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Tradition. Les pieds bandés, pourquoi cela a duré un millénaire

CHINE ANCIENNE > Tradition

Des chaussures pour pieds bandés. (Image : Daniel Schwen / Wikimedia Commons)
 

En Chine, jusqu’au XXe siècle, beaucoup de femmes ont eu les pieds cassés alors qu’elles voulaient les rendre séduisants. Connu sous le nom de « pieds bandés », cette pratique a commencé avec les danseuses de la cour de la classe supérieure, s’étendant lentement à l’élite, puis au public.

Là où tout a commencé

Il est communément admis que la pratique des pieds bandés aurait démarré avec l’empereur Li Yu de la dynastie Tang du sud, autour du 10ème siècle. Il avait demandé à sa concubine favorite de plier ses pieds en forme de croissant de lune et de danser pour lui. On raconte que d’autres concubines, ayant été tellement captivées par sa danse, avaient commencé à l’imiter.

Finalement, les femmes aisées de la classe supérieure se sont mises elles aussi à les imiter, lançant la mode des pieds bandés qui s’est répandue dans toute la Chine. À travers les siècles, différents styles de bandage se sont développés, notamment le « lotus de 3 pouces » (environ 7 cm) qui est devenu très populaire.

Une pratique controversée

La première critique de la pratique des pieds bandés est venue d’un érudit nommé Che Ruoshi, qui a  vécu au 13ème siècle. Il remettait en question le fait d’infliger une douleur aux petites filles dès l’âge de 5 ans, uniquement dans le but de leur faire développer le fameux « pied de lotus ». À partir du 16ème siècle, de nombreux intellectuels et écrivains en Chine ont commencé à s’élever contre cette pratique.

En 1912, le gouvernement chinois a interdit la pratique des pieds bandés. Bien que cela n’ait pas eu d’effet immédiat, les parents ont progressivement arrêté de bander les pieds de leurs filles. Aujourd’hui, la pratique a complètement disparu.

La popularité de cette pratique

Cette pratique faisait l’unanimité des classes supérieures, dont la quasi totalité des femmes avait les pieds bandés. La raison de cette popularité a donné lieu à de nombreuses spéculations, comme étant un attrait sexuel, ou bien lié au confucianisme, ou encore à l’affirmation de l’identité ethnique.

On estime que près de 40 % des femmes en Chine avaient les pieds bandés au cours du XIXe siècle.

Selon les experts, le confucianisme à l’époque de la dynastie Song était de nature extrêmement patriarcale. La stricte séparation entre les hommes et les femmes, ainsi que la supériorité de l’homme sur la femme, ont tellement influencé la société que le critère des pieds bandés est lentement devenu un indicateur de la « femme civilisée ». Les femmes aux pieds bandés étaient perçues comme les tenants de la façon de vivre dans le confucianisme et leur statut faisait qu’elles avaient la préférence des hommes.

Cette pratique de bander les pieds avait aussi un autre aspect, celui d’être hautement érotique. La raison avancée en est que lorsqu’une femme devait se déplacer avec les pieds bandés, elle devait se mouvoir prudemment, ce qui renforçait les muscles de ses cuisses et du vagin. La science moderne aurait démontré depuis que cette idée relevait du mythe.

Ce qui est curieux est que les anciens chinois n’ont jamais perçu les pieds bandés comme étant une mutilation du corps.

Au lieu de cela, ils avaient classé la pratique des pieds bandés au même titre qu’un ornement féminin.

Une dernière raison possible qui a fait perdurer cette pratique pendant des siècles est l’invasion de la Chine par les Mongols. On pense que cela a incité les Chinois Han traditionnels à bander les pieds des femmes comme un moyen de se distinguer des envahisseurs mongols. Les tentatives d’interdire cette pratique n’ont donné que le résultat inverse, si bien que le fait de bander les pieds s’est répandu dans la société, toutes couches confondues.

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