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Tradition. L’histoire du thé : la naissance de la culture du thé du IIIe au VIe siècle (10/11)

CHINE ANCIENNE > Tradition

PODCAST

Sous les dynasties Jin, du Nord et du Sud (220-589), la Chine a connu une période de conflits et de troubles avant la grande unification et la prospérité des dynasties Sui (581-618) et Tang (618 – 907). Pendant les deux dynasties Jin et les dynasties du Nord et du Sud, les témoignages sur le thé étaient beaucoup plus nombreux qu’auparavant, et c’est à cette époque que les bases de la culture chinoise du thé ont été établies.

Les troubles sous les deux Jin et le rôle du thé à cette époque

La dynastie Jin de l’Ouest (265–316), malgré la brève unification de la famille Sima, a été gravement affaiblie par la Guerre des Huit Princes, résultant de la mise en place d’un système féodal. Les principaux groupes minoritaires du nord ont profité de cette occasion pour se détacher du contrôle de la dynastie Jin et s’emparer de la plaine centrale en y instaurant différents régimes, ce qui a entraîné la chute de cette dynastie.

Sima Rui a ensuite conduit les érudits et les sujets Han des plaines centrales à fuir Luoyang, la capitale Jin de l’Ouest, dans la vallée du fleuve Jaune, pour s’installer à Jiankang (aujourd’hui Nanjing), dans la vallée du fleuve Yangtze, fondant ainsi la dynastie Jin de l’Est (317-420).

C’était la première fois qu’une dynastie chinoise traditionnelle et orthodoxe déplaçait sa capitale des plaines centrales vers le sud du fleuve Yangtze. Il s’agit ainsi de la première migration à grande échelle vers le sud, du régime et de la civilisation des plaines centrales, dans l’histoire de la Chine. Les personnes qui se sont déplacées vers le sud avec la famille impériale appartenaient à la classe supérieure et, comme elles étaient très bien habillées, la migration a été connue sous le nom de « Yiguan Nandu » (littéralement « traversée méridionale des bien habillés »).

Toutefois, dans un contexte historique plus large, cette période était une époque de grande agitation avant la grande unification sous les dynasties Sui (581-618) et Tang (618 – 907). L’invasion des nomades du nord dans les plaines centrales a certes accéléré la chute de la dynastie Jin de l’Ouest, mais elle a également contribué aux échanges interethniques et au développement de la civilisation minoritaire dans les régions reculées, ce qui a permis à la grande unification de la Chine plus tard sous les dynasties Sui et Tang.

Selon le Classique du thé rédigé par Lu Yu sous la dynastie Tang, les différents témoignages sur le thé à cette époque sont beaucoup plus nombreux qu’auparavant.

Par exemple, durant la Guerre des Huit Princes de Jin, afin de s’emparer du pouvoir, l’empereur Hui de Jin s’est réfugié ailleurs. À son retour à Luoyang, un serviteur lui a servi du thé dans un bol d’argile. Cela montre que le thé était devenu une boisson courante de la famille impériale pendant la période de Jin de l’Ouest.

Lorsque Sima Rui fonda la dynastie des Jin de l’Est par la suite, l’un des grands stratèges politiques de la dynastie Jin, Xie An (320-385) utilisait du thé et des dim sum pour servir ses invités, Huan Wen (312-373), un important général de la dynastie Jin de l’Est, utilisait également du thé et des dim sum pour servir ses invités lors des banquets. Il en ressort que servir du thé à des invités était déjà une pratique courante à l’époque.

Pendant les dynasties du Nord et du Sud (420–589), la consommation du thé était très populaire dans le Sud de la Chine.

Deux anecdotes et deux surnoms du thé en chinois durant les dynasties du Nord et du Sud

  1. Wang Meng et Shui E

Wang Meng était un natif de la dynastie Jin, il était chargé des tâches importantes de l’État et de l’éducation du souverain, afin de l’aider à gouverner le pays.

Selon le Shishuo xinyu (littéralement Anecdotes contemporaines et nouveaux propos), un recueil d’anecdotes et de conversations, compilé vers 430 par Liu Yiqing (403-444), Wang Meng était particulièrement friand de thé, et non seulement il en buvait lui-même plusieurs fois par jour, mais lorsque des invités venaient, il leur servait du thé.

À cette époque, une partie d’érudits-fonctionnaires étaient originaires des plaines centrales et n’avaient pas l’habitude de boire du thé car ils supportaient mal l’amertume de cette boisson. C’est pourquoi ils étaient toujours stressés avant de se rendre chez Wang Meng, en plaisantant qu’il y aurait une Shui E (littéralement « inondation »). Le terme « Shui E » est ainsi devenu l’un des surnoms du thé en chinois.

  1. Wang Su et Lao Nu

Wang Su, secrétaire et ministre de la dynastie des Qi du Sud (479-502, aujourd’hui Nanjing), a fait défection pour la dynastie des Wei du Nord (386–534, aujourd’hui Datong, Shanxi) après que son père ait été tué par les Qi.

Plus tard, Wang est devenu un héros de guerre pour Wei et son chancelier. Pendant ses premières années dans la dynastie Qi du Sud, Wang Su aimait boire du thé. Lorsqu’il est parti à la dynastie Wei du Nord, il était difficile pour lui de s’adapter au régime alimentaire nordique composé principalement d’agneau et de fromage. Par conséquent, il s’est contenté de manger du poisson et de boire du thé. Ce n’est que plus tard qu’il a commencé à manger des aliments nordiques.

Lorsque l’empereur Xiaowen de Wei lui a demandé de comparer l’agneau au poisson, et le thé au fromage, Wang Su lui a répondu : « L’agneau est l’aliment le plus délicieux que l’on puisse manger sur terre, et le poisson, l’aliment le plus frais de la rivière. Les gens ont des préférences différentes et chacun dit que sa préférence personnelle est un délice. En termes de goût, l’agneau et le poisson ont leurs propres avantages et inconvénients. L’agneau ressemble à la grande nation de Qi et Lu, et le poisson à la petite nation de Qi et Ju, tandis que le thé, on ne peut pas le considérer comme le serviteur du fromage (car chacun a ses propres atouts) ».

Pour Wang Su, la saveur du thé n’était pas inférieure à celle du fromage et par conséquent le thé ne pouvait pas être considéré comme un « serviteur du fromage ». Cependant, plus tard, les gens ont compris le sens inverse de ce que Wang Su voulait dire, et finirent par appeler le thé « Lao Nu » (littéralement : serviteur du fromage).

Témoignages sur l’effet antivieillissement du thé d’après le Classique du thé de Lu Yu

Le Classique du thé a également rapporté de nombreux récits intéressants sur la consommation du thé pour la longévité, dont voici quelques exemples :

  1. Le moine Fa Yao buvait du thé en guise de repas

Sous la dynastie Liu-Song (420–479), le moine Fa Yao a rencontré un prêtre taoïste très âgé dans un temple à Wukang. Ce prêtre taoïste avait l’habitude de boire du thé en guise de repas. Au milieu de la période Yongming, l’empereur a ordonné aux fonctionnaires d’envoyer ce prêtre à la capitale, en grande pompe, alors qu’il avait déjà soixante-dix-neuf ans.

  1. Shandao Kai buvait du thé à la perilla (ou shiso)

Shan Daokai était un homme de la dynastie Jin. Il vivait en retrait et pratiquait le jeûne. Au bout de sept ans, il a peu à peu atteint le stade où il pouvait se réchauffer lui-même en hiver et se refroidir lui-même en été, et où il pouvait parcourir plus de 700 kilomètres par jour. Il s’est ensuite installé au temple de Zhaode dans la province du Henan, où il a aménagé une salle de méditation et buvait du thé pour chasser le sommeil. Plus tard, il est entré dans la montagne Luofu dans le Guangdong avant d’y mourir à plus de cent ans.

Les autres histoires étranges liées au thé toujours selon le Classique du thé

  1. L’homme poilu guidait le chemin

La Suite à la recherche des esprits ou Sou Shen Hou Ji de Tao Yuanming (365-427) a écrit : « À l’époque de l’empereur Wu de Jin, Qin Jing, originaire de Xuancheng, avait l’habitude de se rendre dans les montagnes pour y récolter du thé. Une fois, il rencontra un homme poilu de plus de trois mètres de haut, qui le conduisit jusqu’au pied de la montagne, lui montra un théier avant de partir. Ensuite, l’homme poilu revint avec une orange et en fit cadeau à Qin Jing. Ce dernier, apeuré, s’est empressé de partir chez lui avec les feuilles de thé ».

  1. Une vieille dame vendait du thé pour aider les pauvres

Sous le règne de l’empereur Yuan de Jin, il y avait une vieille dame qui, tôt chaque matin, portait seule un récipient rempli de thé et se rendait au marché pour le vendre. Les gens sur le marché se précipitaient pour acheter et boire son thé.

Du matin au soir, la quantité de thé contenue dans son récipient ne diminuait pas. Elle faisait don de l’argent qu’elle gagnait aux orphelins, aux pauvres et aux mendiants sur le bord de la route. Certaines personnes la considéraient comme une personne étrange et la dénoncèrent aux autorités, qui l’attachèrent et la mirent en prison. La nuit, la vieille dame s’est envolée par la fenêtre de la prison, son récipient à thé à la main.

La première apparition des poèmes mentionnant le thé

Les chercheurs en culture chinoise affirment que le mot « thé » (茶) n’existait pas en Chine avant la dynastie Tang : c’est le mot « tu » (荼) qui a été utilisé dans la poésie chinoise. Par conséquent, ils estiment que l’étude sur le lien entre la poésie chinoise et la culture du thé doit commencer par le mot « tu » (荼) dans la poésie ancienne.

Le mot « tu » (荼) se trouve dans le premier recueil de poésie en Chine, le Classique des vers. Mais depuis près de mille ans, le débat autour du Classique des vers pour savoir si le mot « tu » (荼) désigne le thé se poursuit jusqu’à aujourd’hui, et il n’existe toujours pas de consensus sur la question.

Après le Classique des vers, dans le Yuefu (un genre poétique chinois chanté) ou les poèmes anciens chinois de la dynastie Han, il n’y a aucune trace du mot « tu » (荼). On peut maintenant être sûr que les premiers poèmes mentionnant le thé, selon le Classique du thé de Lu Yu, étaient au nombre de quatre, tous produits entre la dynastie Han et la dynastie Tang.

Il est clair que les deux dynasties Jin et les dynasties du Nord et du Sud ont jeté les bases de la culture du thé. Si l’on considère le thé comme une personne, alors il a atteint son adolescence durant cette période, il est plein de vitalité et a fait un bond dans l’histoire des cinq mille ans de civilisation chinoise.

Rédacteur Yi Ming

À suivre...

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