Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Sagesse. La notion de beauté traditionnelle il y a 3 000 ans en Chine selon le Classique des Vers

CHINE ANCIENNE > Sagesse

PODCAST

La beauté se résume-t-elle à une belle apparence? Quel est votre idéal de bel homme ou de belle femme? Remontons 3 000 ans en arrière et découvrons la notion de beauté en Chine sous la dynastie Zhou, comme le décrit le premier recueil de poèmes chinois, le Classique des Vers (詩經).

Cinq types de beauté féminine dans le Classique des Vers

Le premier type est une belle femme, vertueuse dans son cœur et belle à l’extérieur. Le premier verset du Classique des Vers est un chant d’amour d’un noble gentilhomme à une belle demoiselle qui cueille des herbes sauvages le long de la rivière. « L’oiseau Ju Jiu gazouille, niché au bord de la rivière. / Belle demoiselle, l’épouse idéale d’un gentilhomme. » (Guan Ju, 關雎).

Il s’agit d’une chanson d’amour adressée à une belle jeune demoiselle qui cueille des nymphéas au bord de la rivière. Les oiseaux gazouillent sur le banc de sable de la rivière et la jeune demoiselle est d’une beauté fraîche et naturelle. Le poème exprime l’amour et l’admiration des Zhou pour la beauté pure et naturelle.

Ce poème décrit en effet l’admiration réciproque et le mariage entre le roi Wen de Zhou et de son épouse Taisi. Le roi  Wen a rencontré une belle demoiselle sur la berge de la rivière Wei. Au cours de cette brève rencontre et conversation, le sourire et la silhouette de la belle demoiselle, sa diligence et sa sagesse, ainsi que sa vertu, ont laissé une impression inoubliable sur le roi Wen. Leur conversation a fait émerger un amour et une admiration réciproques.

A son retour, le roi Wen pensait à cette belle demoiselle jour et nuit et il a fini par l’épouser avec une cérémonie unique et solennelle… sur un pont de bateaux sur la rivière Wei pour exprimer son respect envers sa future reine.

La notion de beauté traditionnelle il y a 3 000 ans en Chine selon le Classique des Vers
Le roi Wen de Zhou a épousé son épouse sur un pont relié par des bateaux. (Image : wikimedia / National Palace Museum / Domaine public)

Le deuxième type est la beauté que l’on peut seulement admirer de loin. « Les herbes infinies de la rivière bruissent dans le vent / La rosée blanche et gelée répand un givre brumeux / Ô cette dame que j’admire, elle est / quelque part parmi les eaux / Pourtant, bien que je trace le cours de l’eau, à travers des voyages ardus / Espérant la trouver sur les hauteurs / Bien que je trace le cours de l’eau, à travers des voyages ardus / Elle n’était pas sur les eaux flottantes, ni ailleurs pour être trouvée. » (Les vastes eaux de Han, 漢廣).

Pour trouver son amante idéale, l’auteur du poème a entrepris des voyages d’une dureté inimaginable, allant même jusqu’à chercher sur les vastes étendues d’eau, comme si la belle figure imaginée y émergeait grâce à son désir ; pourtant, il ne l’a toujours pas trouvée. Nous pourrions appeler cela la beauté de la distance, qui laisse place à la nostalgie et à l’imagination, tout en rendant la beauté plus respectable pour la réserve de la jeune femme.

La notion de beauté traditionnelle il y a 3 000 ans en Chine selon le Classique des Vers
Une beauté dans la Chine ancienne, peinture de Fei Yigeng, Dynastie Qing.  (Image : Musée National du Palais de Taiwan / @CC BY 4.0

Le troisième type de beauté est celle de la simplicité et de l’espièglerie. « Fille sereine et belle / m’attend au coin de la ville / L’aimant, je ne la vois pas / Je fais les cent pas anxieux et me gratte la tête. » ( La jeune fille sereine, 靜女). Une fille calme et douce attend son amant au coin de la ville, mais se cache secrètement lorsqu’il arrive, ce qui l’oblige à faire les cent pas avec anxiété et à se gratter la tête. Le poème poursuit en racontant qu’elle sort alors de sa cachette et lui offre de l’herbe sauvage et des fleurs de pivoine, gages d’amour et de surprises heureuses pour le jeune homme. Joueuse et timide, innocente et simple, cette image d’une jeune femme est d’une beauté indescriptible.

Le quatrième type de beauté est celle d’une belle mariée. « Les fleurs de pêcher s’épanouissent pleinement / leur beauté est resplendissante / la nouvelle mariée arrive chez son mari / elle apportera une bénédiction généreuse à la famille. » (Fleurs de Pêcher Resplendissantes, 桃夭). Les fleurs de pêcher s’épanouissent pleinement et la belle dame va se marier. Ayant trouvé une nouvelle famille, elle achève la transformation de sa vie, aussi belle que les fleurs de pêcher du printemps. Au cours des années suivantes, elle sera une aide solide pour son mari, une enseignante aimante pour ses enfants et une douce soignante pour les parents de son mari. C’est vraiment un moment magnifique dans la vie d’une femme.

La notion de beauté traditionnelle il y a 3 000 ans en Chine selon le Classique des Vers
Une dame belle et vertueuse dans un carrosse. (Image : wikimedia / National Palace Museum / Domaine public)

Le cinquième type de beauté est unique et transcendant. « Je monte dans un carrosse à côté d’une jeune dame / dont le visage est aussi beau qu’une douce fleur / Les jades qu’elle porte font un tintement éthéré / Et on dirait qu’elle va monter aux cieux / Ô belle dame / Je n’oublierai jamais votre grâce. » (Dans un Carrosse à Côté d’une Jeune dame, 有女同车). Dans ce poème, chaque mouvement de la jeune femme est imprégné de grâce et de beauté, exsudant la noblesse et la vertu. Même si le personnage du poème ne l’a vue que le temps d’une courte promenade, cela a suffi à lui laisser une impression durable.

Le visage de cette dame était splendide comme une fleur. Son corps était souple et gracieux, comme un oiseau qui s’envole dans les airs. Son allure est élégante et empreinte de vertu. Cette dame, qui voyageait dans la même voiture, avait impressionné cet homme.

Cinq types de beauté masculine dans le Classique des Vers

Le premier type de beauté masculine émane de jeunes hommes en quête d’amour. Les trois premiers types de beauté féminine mentionnés ci-dessus sont associés à un jeune homme en quête d’amour. Dans le poème Guan Ju (關雎), nous voyons l’amour d’un jeune noble (le roi Wen de Zhou) pour une demoiselle. Il éprouve pour elle un sentiment profond, jour et nuit, dans l’espoir de lui faire connaître la musique élégante de la cour et de l’épouser comme son épouse idéale et vertueuse. Les sentiments simples mais nobles d’un homme sont ici pleinement exposés. Dans La jeune fille sereine (靜女), nous assistons à une scène animée de rendez-vous, où un jeune homme attend anxieusement sa bien-aimée. Lorsque la belle arrive, elle offre au jeune homme de simples cadeaux. Il chérit son cadeau et ne peut s’en séparer. Ce poème démontre la loyauté et la simplicité du jeune homme, ainsi que ses sentiments passionnés. À l’opposé des deux premiers jeunes hommes, il y a le troisième jeune homme qui cherche sa bien-aimée dans Les vastes eaux de Han (漢廣). Il regarde sa bien-aimée de loin et l’honore, touchant le cœur du lecteur par la sincérité de ses sentiments.

La notion de beauté traditionnelle il y a 3 000 ans en Chine selon le Classique des Vers
La beauté masculine qui caractérise les lettrés. (Image : Musée National du Palais de Taïwan / @CC BY 4.0)

Le deuxième type de beauté masculine émane d’un homme heureux dans sa famille. Dans La dame dit que le coq chante, (女曰雞鳴), la conversation entre le mari et son épouse avant de se lever le matin montre l’harmonie de la vie familiale. « La dame dit que le coq chante / L’homme dit qu’il fait encore nuit / L’homme se lève pour voir le ciel / L’étoile annonciatrice du matin brille » […] « Au matin, j’abattrai les oies sauvages / et je m’en servirai pour te préparer un plat délectable » […] « Avec ça, nous boirons quelques verres / et nous passerons les jours ensemble, jusqu’à la vieillesse ». La prévenance et l’attention que cet homme porte à son épouse est un exemple d’amour éternel.

Le troisième type de beauté masculine est celui de l’homme au combat. Le sens de la responsabilité envers la famille et l’idée d’affronter la vie et la mort, la nostalgie pour son épouse et sa famille, ainsi que la crainte de ne pas pouvoir vieillir avec sa femme sont autant d’éléments touchants et contemplatifs, comme le montre L’Homme au tambour (擊鼓).

La notion de beauté traditionnelle il y a 3 000 ans en Chine selon le Classique des Vers
La beauté masculine des militaires. (Image : Musée National du Palais de Taïwan / @CC BY 4.0

Le quatrième type de beauté masculine est celui d’un homme humble et doté d’un bon sens de l’humour. Les recoins des rives du Qi (淇奥), présente un gentleman avec un comportement fin et franc ainsi qu’une modestie inhérente. Son attitude à l’égard de l’apprentissage est celle d’un artisan assidu qui sculpte la pierre, et son caractère est ferme et magnanime. Plein d’humour, il veille à ne jamais blesser les autres : « Il est habile à faire des boutades et des plaisanteries / Mais comment fait-il pour ne pas être grossier ! » Comment les lecteurs pourraient-ils oublier un personnage aussi charmant?

Le cinquième type de beauté masculine provient de l’homme robuste et vertueux. Il est agile et danse à merveille. Non seulement son apparence et son physique répondent aux critères d’un bel homme, mais plus encore, il étudie assidûment et excelle dans l’art de tirer des flèches (Yi Jie, 猗嗟). Dans Grandiose (間兮), le guerrier fort mène la danse, tenant les rênes de son cheval comme s’il s’agissait de son propre bandeau. Un guerrier fort et puissant, qui aime tant son cheval, est encore plus affectueux envers les hommes. La galanterie virile de cet homme est une source d’admiration pour tous.

Sur les rives du fleuve, au milieu de l’eau, au clair de lune, dans les champs, ces esprits jeunes et libres portent la simplicité et la vibrante jeunesse qui caractérisent les ancêtres des Chinois. Êtes-vous touchés par la notion de beauté présentée dans le Classique des Vers ?

Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.