Guo Jian, citoyen allemand, a utilisé sa position pour transmettre au Parti communiste des renseignements sur le parti d'extrême droite AfD et les dissidents chinois en Europe. Cet ancien collaborateur d'un député européen allemand a été condamné à près de cinq ans de prison pour espionnage au profit de la Chine, dans ce que le parquet a décrit comme l'affaire d'espionnage la plus grave du genre en Allemagne.
Condamnation pour espionnage au profit de la Chine d’un citoyen allemand d'origine chinoise
Le 30 septembre, le tribunal régional supérieur de Dresde a condamné Guo Jian, citoyen allemand d'origine chinoise, pour avoir travaillé pour les services de renseignement de Pékin alors qu'il était employé par Maximilian Krah, député européen de 2019 à 2024. Le tribunal a prononcé une peine de quatre ans et neuf mois, estimant que Guo avait agi comme agent chinois depuis au moins 2007.
Maximilian Krah est un homme politique du parti d'extrême droite allemand Alternative pour l'Allemagne (AfD).
Le juge président Hans Schlüter-Staats a déclaré que l'affaire impliquait une « gravité exceptionnelle de la culpabilité », ajoutant que Guo avait exploité son accès au bureau de Krah. « Il était facile pour Guo d'obtenir des documents sur le Parlement européen. Maximilian Krah lui a fourni des informations sur un plateau d'argent », a-t-il déclaré.
Les activités de Guo Jian comprenaient l'espionnage de dissidents chinois en Europe, tels que les pratiquants du Falun Gong, un groupe religieux persécuté, la surveillance de responsables politiques de l'AfD et l'analyse des travaux du Parlement européen. Avec sa complice Xiao Yaqi, qui travaillait à l'aéroport de Leipzig/Halle, il a également recueilli des informations sur les vols, les passagers et les transports militaires, transmettant ces données aux services de renseignement chinois.
Xiao Yaqi, qui a eu une brève liaison avec Guo Jian, est arrivée en Allemagne en 2015 comme étudiante et a ensuite travaillé dans la logistique aéroportuaire. Elle a été condamnée à un an et neuf mois de prison avec sursis, alors que le parquet avait requis deux ans et neuf mois.
Une atteinte à la sécurité, négligence
Lors du procès, Maximilian Krah a admis avoir communiqué à ses employés, dont Guo Jian, son mot de passe personnel pour le système informatique interne du Parlement européen, réservé aux élus. Il a toutefois insisté sur le fait qu'il n'était pas au courant des activités d'espionnage de Guo et n'avait reçu aucun avertissement.
Devant le tribunal, l'accusation a fait valoir que la position de Guo Jian lui permettait un accès sans précédent à des informations sensibles. Or, de nombreux documents auxquels Guo Jian a eu accès se sont révélés par la suite accessibles au public, et aucune information classifiée n'a été divulguée dans le cadre du travail de Xiao Yaqi à l'aéroport, facteurs qui ont entraîné une réduction de peine.
La porte-parole du tribunal, Meike Schaaf, a souligné que l'absence d'antécédents judiciaires de Guo Jian avait également influencé le jugement. L'accusation avait requis sept ans et demi de prison.
Guo Jian était surveillé par l'Office fédéral de protection de la Constitution (OFC) depuis plus de deux ans avant son arrestation en avril 2024. Les enquêteurs avait mis sur écoute ses appels téléphoniques, surveillé ses comptes de messagerie, placé sa voiture sur écoute et surveillé l'utilisation de son ordinateur portable.
Le procureur Fabian Schellhaas a décrit Guo Jian comme un « agent polyvalent » qui « s'enorgueillissait d'être un espion actif depuis de nombreuses années ».
Guo Jian et Xiao Yaqi pourraient tous deux faire appel de leur condamnation devant la Cour fédérale de justice d'ici une semaine.
Les retombées de cette affaire
Cette affaire a intensifié la surveillance de Maximilian Krah. Il fait désormais l'objet d'une enquête du parquet de Dresde pour corruption et blanchiment d'argent présumés en lien avec la Chine. En septembre, le Bundestag allemand a levé son immunité parlementaire, autorisant des perquisitions à son domicile et à son bureau.
Dans un message publié le 30 septembre sur X, Maximilian Krah avait déclaré ne pas être « surpris » par le verdict rendu contre Guo Jian. Il avait aussi souligné avoir renforcé la sécurité de son bureau après l'arrestation de son assistant. « Ma principale préoccupation est désormais de faire la lumière sur les activités d'espionnage dont j'ai été victime. Je suis convaincu que le verdict m'apportera cette clarté. Indépendamment de toute procédure d'appel prévisible, cela met un terme à cette douloureuse affaire », a-t-il écrit.
Cependant, l’un des aspects les plus troublants de cette affaire concerne la surveillance orchestrée par Guo Jian contre les opposants et dissidents chinois en Allemagne, en particulier les pratiquants de Falun Gong. Selon les éléments de l’enquête, l’accusé aurait constitué d’importantes bases de données sur ces communautés dans le cadre de ce que les experts qualifient de répression transnationale.
L’affaire Guo Jian constitue un révélateur de l’ampleur de la pénétration chinoise en Europe. Cette affaire met en évidence ce que les experts en sécurité qualifient de « dimension abyssale de l’action des services secrets chinois sur le territoire européen ». L’objectif de Pékin semble être de déstabiliser les démocraties occidentales et de saper leur cohésion, notamment le lien transatlantique.
La sophistication de cette opération d’infiltration – un agent dormant actif pendant plus de vingt ans au cœur des institutions européennes – témoigne d’une stratégie de long terme particulièrement inquiétante. Elle confirme les avertissements répétés des services de renseignement occidentaux concernant l’intensification des activités d’espionnage chinoises en Europe.
Rédacteur Charlotte Clémence
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