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France. Le rapport de l’IRSEM révèle la véritable nature des Instituts Confucius

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L’Institut d’études stratégiques (IRSEM) a récemment publié un rapport intitulé Les opérations d’influence de la Chine : Un moment machiavélien. Ce rapport révèle, entre autres, que le Parti communiste chinois (PCC) promeut son idéologie à l’étranger par le biais des Instituts Confucius.

Le 20 septembre, l’IRSEM a rendu public le rapport, qui a été réalisé par plus de 50 experts sur une période de deux ans. Ce rapport explique en détail comment, ces dernières années, le PCC a infiltré les communautés chinoises d’outre-mer, les médias, la diplomatie, l’économie, la politique, l’éducation, la culture et les groupes de réflexion afin d’étendre son influence mondiale.

Le rapport de l’IRSEM révèle la véritable nature des Instituts Confucius
Depuis 2004, les autorités communistes chinoises financent des Instituts Confucius sur les campus universitaires du monde entier, en fournissant des enseignants, du matériel pédagogique et des fonds de fonctionnement. (Image : Capture d’écran / YouTube)  

Des instituts supervisés et gérés par le Hanban du PCC

Depuis 2004, les autorités communistes chinoises financent des Instituts Confucius sur les campus universitaires du monde entier, en fournissant des enseignants, du matériel pédagogique et des fonds de fonctionnement. Les Instituts Confucius sont supervisés par le « Bureau national pour l’enseignement du chinois langue étrangère », le Hanban, qui fait partie du ministère chinois de l’éducation.

Le siège de l’Institut Confucius à Pékin a mis en place son premier conseil d’administration le 11 décembre 2007. Il a été présidé pendant plusieurs années par Liu Yandong, ancien ministre du département du travail du Front uni du Parti communiste chinois et vice-Premier ministre, mais aussi par Sun Chunlan, élu vice-Premier ministre du Conseil d’État en mars 2018.

Le dernier rapport de l’IRSEM explique comment le Parti communiste chinois a utilisé les Instituts Confucius pour infiltrer le système éducatif mondial. La mission officielle de ces instituts est « de promouvoir la langue et la culture chinoises ». Mais dans les faits, ils exportent l’idéologie communiste chinoise dans le monde.

Selon le rapport, il existe deux types d’Instituts Confucius : les instituts, qui sont intégrés aux universités, et les salles de classe Confucius, qui sont principalement situées dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire. Ces institutions peuvent bénéficier du soutien et de la coordination du Centre culturel chinois associé à l’ambassade du PCC.

Mais, dans les faits, ces institutions sont régies par le Hanban, par le biais de son conseil d’administration. Dans le même temps, le directeur du Bureau des affaires des Chinois d’outre-mer du Conseil d’État, qui a été fusionné avec le Département du travail du Front uni en 2018, siège également dans ce Conseil. Cette co-représentation au conseil d’administration éclaire le contrôle exercé par le PCC sur les activités des Instituts Confucius.

Organisation des Instituts Confucius

Tous les Instituts Confucius disposent à la fois d’un directeur chinois et d’un directeur « local ». Le reste du personnel est exclusivement chinois. Lorsqu’une université accepte d’accueillir un Institut Confucius, elle reçoit une aide financière d’un montant variable pour démarrer l’activité. Cette aide se situe en moyenne entre 100 000 et 150 000 dollars par an. Mais certaines peuvent atteindre des millions de dollars.

Le personnel enseignant de l’Institut Confucius est recruté et formé par le Hanban. Ces enseignants sont affectés aux différents Instituts Confucius selon les souhaits du Hanban. Une fois sur place, ils reçoivent des instructions de l’ambassade ou du consulat chinois. Les ressources d’enseignement des langues : livres, audio ou vidéo, sont également développées par le Hanban.

L’installation des Instituts Confucius à l’étranger se fait sur la base d’un accord tripartite. Celui-ci comprend le Hanban, l’université à l’étranger qui accueille et fournit le lieu et l’université chinoise qui fournit gratuitement les professeurs de langue. Le soutien financier apporté par le Hanban aux Instituts Confucius comprend non seulement du matériel pédagogique et des enseignants, mais aussi, depuis 2009, des bourses d’études pour les étudiants étrangers qui souhaitent étudier la langue et la culture chinoises dans des universités chinoises.

Entre 2009 et 2020, quelque 50 000 étudiants étrangers originaires de 166 pays ont bénéficié de telles bourses. On estime qu’à lui seul, l’Institut Confucius de l’université de Nairobi, au Kenya, accorde au moins 15 bourses par an à des étudiants africains pour leur permettre d’étudier en Chine pour une durée allant de six mois à dix ans, jusqu’à l’obtention d’un doctorat. Il existe même des cours de langue spéciaux pour les fonctionnaires kényans, notamment les diplomates et les douaniers.

Le rapport de l’IRSEM révèle la véritable nature des Instituts Confucius
Selon le rapport, en France, les instituts Confucius ont permis au PCC de renforcer son influence dans certaines villes moyennes du pays, où ils sont principalement implantés. (Photo : Avec l’aimable autorisation de Jin Hu)  

Développement rapide des Instituts Confucius à l’étranger

Selon le site officiel du Hanban, en mai 2020, la Chine avait créé 541 instituts Confucius et 1 170 salles de classe Confucius dans 162 pays, ou régions, du monde.

  • 135 instituts Confucius et 115 salles de classe Confucius, dans 39 pays (régions) d’Asie,
  • 61 instituts Confucius et 48 salles de classe Confucius, dans 46 pays d’Afrique,
  • 187 instituts Confucius et 346 salles de classe Confucius dans 43 pays (régions) d’Europe,
  • 138 instituts Confucius et 560 salles de classe Confucius dans 27 pays des Amériques,
  • 20 instituts Confucius et 101 salles de classe Confucius dans 7 pays d’Océanie.

Le rapport de l’IRSEM indique que la Corée du Sud et la Thaïlande sont les pays asiatiques qui comptent le plus grand nombre d’Instituts Confucius et de classes Confucius. Les trois pays qui comptent le plus grand nombre d’instituts Confucius au monde sont : les États-Unis, avec 75 instituts, dont 65 au sein d’universités, et environ 500 salles de classe Confucius en août 2020, le Royaume-Uni et l’Australie, avec 14 instituts et 67 salles de classe Confucius en juillet 2019. Cette expansion rapide a permis au PCC de multiplier le nombre d’apprenants de la langue chinoise et d’étendre son influence dans le monde entier.

Selon le rapport, en France, les instituts Confucius ont permis au PCC de renforcer son influence dans certaines villes moyennes du pays, où ils sont principalement implantés. Il y aurait 17 instituts Confucius en France et 4 antennes.

Gilles Guiheux, chercheur à l’Université de Paris et ancien directeur de l’Institut Confucius de Paris, aurait déclaré : « Le problème de l’Institut Confucius est qu’il diffuse une fausse image de la Chine, et nous en sommes tous responsables. Certains milieux français partagent l’idée que les pouvoirs (communistes) chinois ne peuvent pas l’arrêter ».

Ce que dévoile l’échec du projet au Groenland

L’Institut Confucius a favorisé et accru la pénétration du PCC dans certaines régions, comme le Groenland. Le rapport mentionne que l’étendue de la présence du parti communiste chinois au Groenland ne peut que pénétrer plus profondément la société locale, en particulier l’élite.

Le rapport précise qu’en 2016, un accord de coopération entre Shanghai et la ville de Kujalleq, au Groenland, dans la partie la plus méridionale du territoire, a conduit à l’ouverture d’un Institut Confucius à l’université de Qaqortoq en 2018. L’objectif était de cibler une élite locale plus restreinte, afin d’accélérer l’influence de Pékin. Mais pour une raison quelconque, le projet d’Institut Confucius du Groenland semble avoir échoué.

Le Groenland est un élément clé de la stratégie mondiale du parti communiste et constitue une étape essentielle de sa « route polaire de la soie ». Selon le rapport, depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping et l’aggravation des tensions avec les États-Unis, la stratégie est devenue explicitement géopolitique par nature, et non plus seulement économique.

Pourquoi le PCC s’intéresse-t-il tant au Groenland ? Selon le rapport, ce serait principalement lié à l’intérêt porté aux riches ressources naturelles du Groenland. Par exemple, les investissements dans l’exploitation minière, les marchés des infrastructures et la recherche scientifique. Ainsi, le parti communiste souhaite y établir une station de recherche spécifique dédiée au changement climatique.

En ce qui concerne les ambitions stratégiques du PCC pour le Groenland, le Wall Street Journal a rapporté en février 2019 que le ministère américain de la Défense avait émis une alerte au sujet de l’île, en 2018. Il avait constaté une évolution inquiétante dans cette région arctique recouverte de glace : le PCC cherchait des financements et construisait trois aéroports pour avoir un pied militaire près de la côte canadienne, car les aéroports du Groenland sont construits grâce à un prêt soutenu par le gouvernement danois et le parti communiste chinois en est exclu.

Un institut Confucius australien accusé d’infiltration du système scolaire public

Le rapport de l’IRSEM indique que tous les Instituts Confucius ont des liens synergiques avec le parti communiste chinois. Ils sont établis au sein d’universités et d’autres établissements d’enseignement étrangers, ce qui leur donne « un pouvoir sur leurs institutions d’accueil ». Le rapport cite un cas où un Institut Confucius a été intégré au cœur de la politique d’éducation du pays cible, qu’il décrit comme « un cas unique au monde ».

Le rapport mentionne l’ouverture d’un institut Confucius au sein du ministère de l’éducation de la Nouvelle-Galles du Sud (Australie). Pékin avait placé son personnel (des agents de renseignement potentiels) au sein du ministère australien de l’éducation.

L’institution gérait un programme Confucius et versait aux écoles de l’État au moins 10 000 dollars par an, et du matériel gratuit tel que des manuels pour qu’elles proposent des cours de langue et de culture chinoises au sein des écoles, dont certains avaient été rendus obligatoires. Cela a alarmé de nombreux parents et a été décrit comme une « infiltration communiste du système scolaire public de Nouvelle-Galles du Sud ». L’État a mis fin au programme en décembre 2019 au cœur d’une vive controverse.

Le rapport indique également que certains fonctionnaires ont déclaré publiquement que l’Institut Confucius avait des liens avec le Département du travail du Front uni du Parti communiste.

Le rapport de l’IRSEM révèle la véritable nature des Instituts Confucius
Selon Gilles Guiheux, chercheur à l’Université de Paris et ancien directeur de l’Institut Confucius de Paris : « Le problème de l’Institut Confucius est qu’il diffuse une fausse image de la Chine, et nous en sommes tous responsables ». (Image : Capture d’écran / YouTube)

Fermeture de nombreux instituts Confucius dans le monde

Selon le rapport, de nombreux instituts Confucius dans le monde ont été fermés en raison de problèmes de plus en plus nombreux.

En juillet 2020, 50 universités dans au moins neuf pays ont décidé de mettre fin à leurs activités dans les instituts Confucius, comme les universités de Chicago et de Pennsylvanie aux États-Unis, l’université McMaster au Canada et l’université de Lyon en France.

Aux États-Unis, au moins 15 instituts Confucius ont été fermés entre 2018 et 2019. En Australie, l’État de Nouvelle-Galles du Sud a annoncé en août 2019 la fermeture des 13 programmes de l’Institut Confucius situés dans diverses écoles publiques.

En Allemagne, les universités de Düsseldorf et de Hambourg ont fermé les instituts Confucius sur leurs campus. Dans plusieurs villes, dont Ingolstadt et Göttingen, des citoyens locaux ont collectivement demandé qu’il soit mis fin au financement ou à la coopération avec les instituts Confucius locaux.

Par ailleurs, l’Université de Trèves a annoncé la suspension de toutes les activités de son Institut Confucius en réponse aux sanctions imposées par le Parti communiste chinois aux chercheurs et aux think tanks allemands (MERICS) en mars 2021.

Le rapport note que les problèmes posés par l’Institut Confucius ont été synthétisés dans une étude très complète de la National Association of Scholars (NAS) en 2017. Les accusations les plus courantes à l’encontre des instituts Confucius sont les pressions exercées par le PCC sur les enseignants pour qu’ils évitent d’aborder des sujets jugés sensibles en classe : comme le Tibet, Taiwan, Xinjiang, les droits de l’homme, etc.

Mais aussi les restrictions à la liberté d’expression et aux croyances personnelles des enseignants, notamment l’interdiction des pratiques liées au Falun Gong, et le manque de transparence quant à la nature des relations entre les instituts Confucius et le Hanban, ou d’autres départements gouvernementaux du PCC. En outre, tout le matériel pédagogique de l’Institut Confucius est rédigé par des enseignants du Hanban et se conforme à la vision du monde du PCC.

Fin 2016, le siège de l’Institut Confucius à Pékin a introduit de nouvelles exigences pour les enseignants recrutés, notamment « de bonnes qualités politiques et commerciales et l’amour de la patrie », qui sont en vigueur depuis début 2017. Le rapport cite Chen Yuelin, un ancien diplomate communiste qui a fait défection en Australie en 2005. Il a déclaré qu’avoir de « bonnes qualités politiques » signifie « être toujours loyal envers le Parti communiste chinois et rien d’autre ».

Le rapport se conclut par une évaluation de l’efficacité de la campagne menée par le PCC pour étendre son influence : en affirmant que sa stratégie est de plus en plus agressive. Le rapport affirme que le plus grand ennemi du PCC est lui-même. La récente détérioration de l’image internationale du PCC et son impopularité pourraient à l’avenir affaiblir le Parti, y compris vis-à-vis de sa propre population.

Doris Liu, une réalisatrice sino-canadienne, a produit le documentaire In the Name of Confucius, qui expose les conséquences de la manipulation des instituts Confucius par le parti communiste chinois. Elle a déclaré que le modèle de l’Institut Confucius montre que le gouvernement communiste chinois a suivi un processus de planification délibéré, en se référant à certaines institutions linguistiques et culturelles occidentales, mais qu’il a choisi le modèle inverse, c’est-à-dire infiltrer les institutions éducatives occidentales et créer des instituts pour exercer son influence de l’intérieur.

Rédacteur Jean-Baptiste Adrien-Clotaire

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