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Chine. Lettre d’adieu d’une victime du massacre de la place Tiananmen

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Le 4 juin 1989, Xiao Jie, étudiant en journalisme à l'Université Renmin de Chine, a été tué par la pluie des balles du Parti communiste chinois (PCC), tirées sur les étudiants par les militaires chinois. (Image : domaine public)

Le 4 juin 1989, Xiao Jie, étudiant en journalisme à l’Université Renmin de Chine, a été tué par la pluie des balles du Parti communiste chinois (PCC), tirées sur les étudiants par les militaires chinois. Les parents de Xiao Jie ont trouvé une lettre d’adieu dans les affaires de leur fils laissées à l’université. Vous trouverez ci-dessous une version abrégée de la lettre.

« Chers Maman et Papa,

Je ne suis pas un fils loyal, car je vous quitte tous les deux.

Je comprends parfaitement que vos efforts et votre dur labeur m’ont amené dans ce monde, et je n’ai aucun moyen de vous payer en retour dans cette vie. A la place, j'ai dû faire le choix difficile de vous quitter tous les deux .

Je suis conscient que j’ai grandi dans une famille très plaisante et qu’après l’obtention de mon diplôme, je n’aurais eu aucune difficulté à trouver un emploi bien rémunéré, et à construire un avenir brillant. Je devrais me contenter de ce que j’ai. Quand je regarde autour de moi, ce que je vois m’attriste : Notre pays est tellement pauvre et arriéré, avec tant d’injustice sociale, que je me sens très mal à l'aise.

Notre pays a pris une mauvaise direction et est maintenant englué dans le bourbier de la pauvreté et de l’ignorance. Les dirigeants détiennent tous les privilèges et mènent une vie luxueuse, et leurs enfants sont pires encore. Les crapules de la société sont partout et la police est de connivence avec elles, agissant comme une meute de loups envers les gens ordinaires. Des centaines de millions de travailleurs honnêtes et d’agriculteurs sont illettrés et le grand public est craintif - l’injustice de la société et l’indifférence de la population font qu’il m’est difficile de coexister et d’être simplement bon.

Mon cœur n’est pas complètement insensible. Cette  contrainte m’a causé douleur et frustration. Je veux crier très fort pour réveiller les gens endormis et leurs âmes insensées : " C’est l’heure de se réveiller, mes compatriotes chinois ! " Je veux transformer cette société ridicule et malade. Même si ma force n’est pas toute puissante, je veux apporter ma contribution. Aussi insignifiante soit elle, ce sera toujours quelque chose de juste.

Je sais que rien de bon ne peut sortir d’une lutte contre le puissant Parti communiste. Sa tyrannie dans la répression des dissidents est inégalée, comparée à celle de n’importe quel gouvernement démocratique, en particulier le gouvernement du Kuomintang qui a été chassé à Taïwan.

Malgré tout, je ne baisserai jamais les bras face aux apparences. Lvhistoire nous jugera équitablement et dira au monde qui est le révolutionnaire qui pense vraiment à l’avenir de la nation. Le Parti communiste a poussé les étudiants à crier au gouvernement " contre la dictature du parti unique " et la dure révolution est le progrès.

Aujourd’hui, le gouvernement communiste actuel a déclaré qu’il était réactionnaire de " s’opposer à la dictature du parti unique ! ". En comparant les actions avant et après, l’hypocrisie et l’égoïsme de ce régime sont évidents. Pourquoi après nous avoir  encouragés  à nous opposer à la dictature du parti unique, ne nous permettez vous pas maintenant de nous opposer à votre dictature du parti unique? Permettez-vous à une force quelconque de réellement vous contrôler ? Comme l’ironie de l’histoire est impitoyable!

Je crois qu’un jour l’histoire reconnaîtra fidèlement nos valeurs. Nous sommes dignes de cette nation et de ce pays. Nous utilisons notre chair et notre sang pour servir de pionniers et de pierre angulaire à la démocratisation et à la modernisation de la Chine.

Dans ce monde, je n’ai personne à craindre, mais mon plus grand regret est que je ne peux pas rembourser tout ce que vous avez fait pour moi dans cette vie. Vous pouvez crier et me dire que je suis un fils égoïste, sans cœur, qui a abandonné ses parents.

Permettez-moi de vous appeler encore une fois Papa et Maman.

Votre fils,

Xiao Jie »

Rédacteur Yi Ming 

Collaboration Marlène Deloumeaux

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