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Société. La tendance à l’euthanasie fait boule de neige au Canada

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La normalisation et la promotion de l’euthanasie au Canada ont été si efficaces que la pratique a commencé à former une tendance majeure, attirant non seulement les personnes souffrant de maladies incurables, mais aussi les individus endurant des difficultés, comme la pauvreté, la dépression et la solitude qui pourraient, en définitive, se résoudre autrement, par une main tendue, une présence amicale… une lueur d’espoir au bout du tunnel.

Duo « remarquable » de praticiennes de l’euthanasie

L’une des synthèses les plus éclairantes du sujet est un article publié en décembre 2022 dans The New Atlantis, intitulé No Other Options, qui examine deux des fournisseurs les plus prolifiques du pays d’une pratique que le gouvernement minoritaire du Parti libéral de Justin Trudeau a baptisée « Medical Assistance in Dying », ou MAID –« Assistance médicale à mourir », en français.

Stefanie Green, décrite comme « un médecin spécialisé dans l’euthanasie en Colombie-Britannique », a déclaré à l’auteur Alexander Raikin : « Je trouve que l’acte d’offrir l’option d’une mort assistée est l’une des choses les plus thérapeutiques que nous faisons », tout en remarquant que ceux à qui elle propose l’euthanasie sont « soulagés ».

Ancienne obstétricienne, Mme Green établit un parallèle entre le suicide par injection létale et l’accouchement d’un nouveau-né : « Lors de ces deux " accouchements ", comme je les appelle, je suis invitée à entrer dans un moment très intime de la vie des gens », écrit-elle dans son livre.

Une deuxième praticienne, Ellen Wiebe, avec laquelle Alexander Raikin a été mis en contact par l’organisation sans but lucratif Mourir dans la Dignité Canada, a été décrite comme un « fournisseur et défenseur éminent de l’euthanasie à Vancouver ».

Ellen Wiebe a toutefois refusé de d’échanger avec The New Atlantis sur l’article No Other Options, se contentant de fournir un commentaire général sur le MAID, qui se lit comme suit : « Il est rare que les évaluateurs aient des patients qui ont des besoins non satisfaits, mais cela arrive ».

« Habituellement, ces besoins non satisfaits tournent autour de la solitude et de la pauvreté. Comme tous les Canadiens ont droit à une mort assistée, les personnes qui sont seules ou pauvres ont également ce droit », a ajouté Ellen Wiebe.

Mme Green, au contraire, a tenté de nier que l’Assistance médicale à mourir était prescrite et administrée pour gérer la souffrance en dehors des limites des personnes déjà en phase terminale. Elle a dit à M. Raikin qu’elle hésitait à faire des commentaires sur son article, No Other Options, souhaitant éviter de donner du crédit aux « arguments infondés de l’opposition ».

M. Raikin a déclaré que lorsqu’il a interrogé Mme Green lors d’une interview téléphonique, au sujet d’articles faisant état d’abus du système, elle lui a répondu en criant : « Vous ne pouvez pas, dans ce pays, accéder à la MAID, au motif de ne pas pouvoir obtenir de logement. C’est du " piège à clics ". Ces histoires n’ont pas été rapportées de manière complète ».

Le duo est remarquable. L’enquête d’Alexander Raikin a calculé que Mme Wiebe a « personnellement euthanasié plus de 400 patients », tandis que Mme Green « avait effectué plus de trois cents procédures MAID ».

Les demandes de suicide médicalement assisté sont en augmentation constante

Si, à première vue, 700 cas ne semblent pas dramatiques, la gravité de ce chiffre prend tout son sens lorsqu’on examine les statistiques du Canada par rapport au reste du monde.

Le Troisième rapport annuel sur l’aide médicale à mourir au Canada 2021, du gouvernement du Canada, a révélé la généralisation de la pratique à travers le pays.

 La tendance à l’euthanasie fait boule de neige au Canada
La tendance canadienne de l’assistance médicale à mourir, ou MAID, fait boule de neige, le pays étant devenu un leader mondial de cette pratique. (Image : saifullah hafeel / pexels)

« En 2021, 10 064 dispositions relatives à l’aide médicale à mourir ont été signalées au Canada, ce qui représente 3,3 % de tous les décès survenus au Canada », indique le rapport.

Non seulement la MAID a représenté environ 1 décès sur 30, toutes causes confondues, sur l’ensemble de l’année, mais le gouvernement a noté une croissance explosive de la demande par rapport à 2020.

« Le nombre de cas de MAID en 2021 représente un taux de croissance de 32,4 % par rapport à 2020 », indique le Rapport, ajoutant : « Toutes les provinces continuent de connaître une croissance régulière d’année en année ».

Pour mettre ce chiffre en perspective, selon l’agrégateur de données Our World in Data, en 2021, le Canada a connu 14 584 décès attribués à la Covid-19.

Et si la pratique de Ellen Wiebe et Stephanie Green ne peut représenter qu’une fraction de l’ensemble des suicides assistés MAID sur une année, l’ampleur du chiffre change lorsqu’on compare les statistiques mondiales sur l’euthanasie.

Le Canada et les Pays-Bas, chefs de file de l’euthanasie

Un article publié en août 2022 par Forbes révèle que le Canada a enregistré 10 064 décès par euthanasie pour une population d’environ 38 millions d’habitants .

Les Pays-Bas ont enregistré 7 666 suicides assistés pour quelque 17,5 millions d’habitants. Tandis que les États-Unis n’ont enregistré que 1 300 décès par euthanasie pour presque 332 millions d’habitants.

Le New Atlantis a rendu la situation encore plus claire en comparant la situation du Canada à celle de l’État de Californie.

« La Californie fournit un point de comparaison utile : elle a légalisé la mort médicalement assistée la même année que le Canada, en 2016, et elle a à peu près la même population, un peu moins de quarante millions d’habitants », écrit Alexander Raikin.

« En 2021, en Californie, 486 personnes sont mortes en utilisant le programme de suicide assisté de l’État », a-t-il ajouté.

Le recours à l’euthanasie en Europe est en augmentation et diversement encadré dans chaque pays

Les pays européens différencient trois façons de mourir en étant médicalement assisté. Chaque pays européen a des lois différentes et un positionnement différent envers ces trois sortes d’euthanasie.

Cependant le sujet de l’euthanasie crée de vifs débats et la législation semble évoluer dans le sens d’un affaiblissement des contraintes éthiques pour développer le recours à une mort médicalement assistée.

 La tendance à l’euthanasie fait boule de neige au Canada
En Europe le sujet de l’euthanasie crée de vifs débats et la législation semble évoluer dans le sens d’un affaiblissement des contraintes éthiques pour développer le recours à une mort médicalement assistée. (Image : Capture d’écran / touteleurope.eu)

L’euthanasie active désigne le fait d’abréger intentionnellement les souffrances d’une personne. Un médecin ou un tiers va par exemple injecter une substance entraînant directement la mort du patient. La Hollande, la Belgique, le Luxembourg et l’Espagne ont voté des lois pour autoriser et encadrer l’euthanasie active. Les Pays-Bas sont le premier pays du monde à avoir légalisé l’euthanasie.

L’euthanasie passive se produit lorsque l’équipe médicale en charge du patient décide de ne pas prendre des mesures pour prolonger la vie. La mort peut survenir par l’administration de médicaments analgésiques ou après le débranchement d’un respirateur. La France, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche et la Suéde entre autres sont des pays où est autorisée l’euthanasie passive.

Enfin, l’assistance au suicide, ou suicide médicalement assisté, désigne le fait de se donner la mort avec l’aide d’une personne qui fournit un moyen pour ce faire. Le moyen doit toutefois être pris par la personne malade elle-même, sinon il s’agit d’une euthanasie active.


En Suisse l’assistance au suicide est pleinement autorisée. Des Français, des Allemands ou d’autres Européens peuvent aller en Suisse pour un suicide médicalement assisté.

Une source de facturation lucrative

Dans le cadre du régime de soins de santé socialisé du Canada, le MAID représente une source de facturation lucrative pour les praticiens agréés.

Selon le Medical Services Commission Payment Schedule du 1er mai 2022 du Ministère de la Santé de la Colombie-Britannique, le gouvernement paiera aux praticiens disposés à servir d’évaluateur ou de prescripteur à la MAID 43,24 $ par 15 minutes, jusqu’à 135 minutes, pour un maximum de 389,16 $.

L’annexe précise que le travail peut être effectué en personne ou par vidéoconférence.

En outre, pour ceux qui effectuent effectivement la procédure d’euthanasie, 283,85 $ seront payés par le ministère, avec un supplément de 126,72 $ offert si le médecin doit aller chercher ou ramener les médicaments pour une procédure « dans un endroit où il n’y a pas de pharmacie sur place ».

Les demandes d’euthanasie de personnes pauvres sont aussi évaluées

En ce qui concerne l’affirmation de Stephanie Green selon laquelle les histoires de MAID mal prescrits étaient des « pièges à clics », l’enquête d’Alexander Raikin a trouvé des failles importantes.

Mme Green est la présidente de l’Association canadienne des évaluateurs et fournisseurs de MAID (CAMAP), décrite par Alexander Raikin comme « la principale organisation de fournisseurs d’euthanasie canadiens ».

 La tendance à l’euthanasie fait boule de neige au Canada
« Elle ne veut pas mourir, mais elle souffre terriblement et elle a épuisé ses cartes de crédit. Elle n’a pas d’autres options ». (Image : Andrea Piacquadio / pexels)

« The New Atlantis a obtenu des enregistrements vidéo de plusieurs séminaires organisés de 2020 à 2022, ainsi que des diaporamas et du matériel utilisé par les présentateurs », a expliqué M. Raikin.

« Un séminaire était spécifiquement consacré à la façon de traiter les demandes d’euthanasie des patients pauvres », a-t-il déclaré.

Et d’ajouter : « Pour un intervenant du séminaire, les demandes d’euthanasie émanant de personnes pauvres font simplement partie du travail ».

M. Raikin a cité le cas, présenté lors du séminaire du PAVAC, d’une femme de 55 ans qui souffrait de fibromyalgie et de fatigue chronique, des états douloureux chroniques non mortels, et qui, bien qu’elle soit capable de gérer son état grâce à des vitamines, un régime alimentaire spécialisé et de la physio, n’avait plus les moyens de suivre ce régime.

Dans une diapositive de la présentation, l’avocat a déclaré que la cliente « identifie la pauvreté comme le moteur de sa demande de MAID ».

« Elle ne veut pas mourir, mais elle souffre terriblement et elle a épuisé ses cartes de crédit. Elle n’a pas d’autres options », ajoute la diapositive.

Un cas révélateur de dérive du système d’euthanasie au Canada

Alexander Raikin a également enquêté de manière indépendante sur plusieurs cas d’abus potentiels. L’un des plus révélateurs est celui de Rosina Kamis, 41 ans, qui souffrait de leucémie, de fibromyalgie et « d’une multitudes d’autres maladies mentales et physiques ».

« Si tout ce que vous saviez de Rosina était seulement son histoire médicale, vous auriez pu être excusé de croire que MAID était destiné à quelqu’un comme elle », a écrit Alexander Raikin.

 La tendance à l’euthanasie fait boule de neige au Canada
« Parfois, toute la douleur disparaît simplement par la présence d’un autre être humain ». (Image : Sam Lion / pexels)

L’auteur a déclaré avoir examiné « une foule de documents pour cet article - des entretiens que j’ai menés avec ses amis et ses mandataires, des courriels qu’elle a envoyés à ses mandataires, des courriels à elle-même et à ses médecins, des courriels à son ex-mari violent, son Google Drive, un enregistrement de sa deuxième évaluation MAID, des enregistrements de ses rendez-vous chez le médecin, des enregistrements d’appels pour essayer d’obtenir un contrôle de la douleur, des vidéos qu’elle a postées à un petit groupe de suiveurs sur YouTube, et des documents médicaux ».

« Rosina n’était pas mourante : dans des circonstances ordinaires, ses conditions médicales étaient chroniques, pas terminales », a conclu Alexander Raikin, ajoutant que les preuves qu’il a examinées « dressent un tableau beaucoup plus confus que ce qu’elle a montré à ses évaluateurs ».

La souffrance de Mme Kamis semblait se limiter à une sensibilité à la lumière, à des douleurs articulaires, à la pauvreté et à la solitude, ainsi qu’à l’anxiété et à la dépression qui en découlent.

Et c’est un fait qu’elle a compris elle-même, selon un « message apparemment destiné à ses mandataires », où elle déclare : « S’il vous plaît, gardez tout cela secret tant que je suis encore en vie parce que […] la souffrance que je vis est une souffrance mentale, pas physique ».

« Je pense que si plus de gens se souciaient de moi, je serais peut-être capable de gérer seule la souffrance causée par mes maladies physiques ».

Dans un autre cas, elle a déclaré à une chaîne YouTube dont l’audience est extrêmement réduite : « Parfois, toute la douleur disparaît simplement par la présence d’un autre être humain ».

Rosina Kamis a recouru au suicide médicalement assistée par injection létale dans son appartement en sous-sol le 26 septembre 2021.

Rédacteur Albert Thyme

Source : Canada’s Snowballing ‘MAID’ Euthanasia Trend

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