Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Société. Le tourisme, un colosse aux pieds fragiles ?

TENDANCE > Société

Le tourisme mondial, frappé de plein fouet par la crise du coronavirus. (Image : Gerd Altmann / Pixabay)

Frappé de plein fouet par la crise du coronavirus, le tourisme, secteur clé de l’économie mondiale suscite bien des interrogations.

Un désastre inédit

Le constat est sans appel selon un reportage de RFI publié le 11 mars 2020 : « En Europe, l’épidémie de coronavirus a coûté un milliard d’euros par mois au secteur touristique », a déclaré le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton.

«Le nombre de touristes dans le monde devrait baisser de 3% en 2020. C’est ce qui ressort des premières estimations de l’Organisation mondiale du tourisme».

Le monde de l’hôtellerie s’inquiète : les hôtels en sont réduits à se transformer en centres d’hébergement. L’inquiétude est d’autant plus forte pour les destinations dont l’économie repose uniquement sur le tourisme. Par exemple les Maldives : « La propagation du nouveau coronavirus à l’échelle mondiale a des conséquences importantes sur l’économie des Maldives, dépendante du secteur touristique », d’après le Courrier International du 24/3/2020).

« Dix complexes hôteliers vont être utilisés par le gouvernement des Maldives comme lieux de quarantaine dans le cadre de la pandémie de Covid-19* »,rapporte le quotidien maldivien The Press.

En conséquence, cette situation met les compagnies aériennes en grande difficulté. Les plus fragiles ont déjà mis la clé sous la porte comme la compagnie britannique Flybe.

Les avions sont cloués au sol, les aéroports ferment : c’est la débâcle générale. Géant de l’économie mondiale, le tourisme représente 10 % du PIB mondial. Va-t-il résister à la pandémie ?

Tourisme : définition, évolution

Qu’est-ce le tourisme en définitive ?

Retenons parmi maintes définitions celle de l’Office mondial du tourisme : « Un touriste est une personne qui séjourne plus de vingt-quatre heures en un lieu autre que son environnement habituel, et pour quelque raison que ce soit ».

Le mot «tourisme» vient du mot anglais « tour », soit « un voyage circulaire » sorte de grand voyage initiatique que faisaient les jeunes aristocrates anglais au dix-huitième siècle. A travers l’Europe, ils passaient par l’Italie puis par le sud de la France. Ils séjournaient à Nice, créant une véritable colonie anglaise qui a laissé en héritage la célèbre avenue dénommée : « La promenade des Anglais ».

C’est aussi un Britannique, Thomas Cook, qui crée en 1840 le premier voyage organisé en Angleterre. Quelques années plus tard, apparaît le premier circuit touristique organisé en Europe. A l’aube du XXIème siècle, un nouveau modèle est né, celui des agences de voyage et tours opérateurs. L’entreprise « Thomas Cook and Son » s’érige en leader mondial du tourisme moderne.

Une vidéo de France info mise à jour le 01/06/2018/ résume en quelques chiffres l’évolution fulgurante du tourisme : « En 1950, 25 millions de personnes dans le monde partaient en vacances, 112 millions en 1965, 935 millions en 2010. Elles sont aujourd’hui 1,25 milliard ! C’est le signe le plus visible de l’essor des classes moyennes, notamment dans les pays émergents comme la Chine. Il y a en permanence dans le ciel 1,2 million de passagers ».

Le tourisme devient un phénomène mondial. En France singulièrement, les congés payés obtenus en 1936 suite au Front populaire contribuent au développement du tourisme de masse.

Selon l’organisation mondiale du tourisme (OMT) d’ici 2030 le nombre de touristes devraient atteindre le nombre de 1, 8 milliard !

Les enjeux économiques sont considérables. Pour ce qui est de la France, le tourisme est créateur de 1 million d’emplois. En 2017, il représentait 7% du PIB. Notre territoire est le pays le plus visité au monde avec 89 millions de touristes par an.

En Espagne le tourisme représente 14% du PIB et génère 1 emploi sur 9.

« Le tourisme est devenu, pour de nombreux pays, l’une des composantes principales du PIB, voire, dans certains cas, le premier secteur de l’économie nationale. Ainsi le tourisme est-il devenu le premier secteur de l’économie de la République dominicaine. Aux Maldives également, la croissance économique s’appuie principalement sur le tourisme, qui contribue à hauteur de 30 % au PNB », d’après la revue Tiers monde en 2004.

Ces chiffres considérables engendrent cependant des conséquences jugées préoccupantes sinon désastreuses pour certains.

Le phénomène de massification a produit des réactions de rejet notamment à Barcelone le 27 juillet 2017 : 4 activistes crèvent les pneus d’un car de touristes et écrivent : « le tourisme tue les quartiers ». Le site de médias lumni.fr rapporte les faits dans un article au titre suivant : Tourisme de masse, des régions au bord de l’asphyxie

D’autres réactions similaires ont eu lieu à Venise. Les habitants ont manifesté contre les bateaux de croisières géants qui endommagent la lagune.

Notre prochaine piste de réflexion sera donc la suivante :

Le tourisme de masse, une source de nuisances ?

Le tourisme de masse serait-il une  source de nuisances ? (Image : Wikimedia / Prolineserver / CC BY-SA)
Le tourisme de masse serait-il une source de nuisances ? (Image : Wikimedia / Prolineserver / CC BY-SA)

La question pourrait paraître surprenante en effet. Le tourisme, véritable conquête sociale, symbole de liberté pour le voyageur d’une part et source de richesse d’autre part pour le pays d’accueil entraînerait-il mécontentement, frustrations et nuisances ?

Plusieurs études présentent une liste non exhaustive des nuisances :

  • La gentrification : les touristes s’approprient un quartier populaire, ce qui provoque la flambée des prix des loyers (exemple : à Barcelone, suite à la hausse de 9% des loyers, les citadins doivent quitter leur ville).
  • La saturation : à Venise pour empêcher le flux de touristes, la ville a limité l’entrée du nombre de touristes à 1,5 million de touristes grâce à un système de tickets. Les conséquences environnementales du tourisme de masse en matières de déchets et de pollution sont notables…
  • La précarisation : la saturation saisonnière entraîne également la précarisation des emplois. La population d’accueil surtout dans les zones défavorisées accepte des emplois saisonniers sous-payés.
  • La bétonisation : la construction effrénée d’hôtels et d’hébergements sur le littoral au mépris de l’environnement et du traitement des eaux usées…
  • La folklorisation ou acculturation :

Pour se conformer aux goûts des touristes, les habitants sont amenés à adopter des tenues et des attitudes stéréotypées qui ne correspondant pas à leur véritable culture.

« La folklorisation survient lorsque l’image de la culture traditionnelle d’une région est celle qui attire les touristes », selon le site alloprof, Bibliothèque virtuelle, (Tourisme : définitions, histoire et impact) qui propose à titre d’exemple : « Les Amérindiens du Québec et du Canada, pour inciter les touristes à visiter leurs réserves et leurs sites, doivent se confiner aux images propagées par le folklore : tipis, plumes, tomahawk, raquette en babiche, etc. Même si leur culture a évolué, les touristes ne veulent que ces images qui leur donnent une meilleure illusion de dépaysement ».

Vers un tourisme à taille humaine ?

Le succès croissant des gîtes et des chambres d’hôtes semble dénoter une certaine quête d’authenticité. (Image : Domaine Public / Tangopaso)
Le succès croissant des gîtes et des chambres d’hôtes semble dénoter une certaine quête d’authenticité. (Image : wikimedia / Domaine public / Tangopaso)

La pandémie mondiale du Covid-19 a exposé la fragilité du tourisme de masse. L’industrialisation du tourisme a montré ses limites. Nous l’avons souligné plus haut. Face à l’hostilité des populations d’accueil, et aux répercussions sur l’environnement, de nombreuses collectivités ont déjà instauré des mesures afin de lutter contre le « surtourisme ». A Barcelone, par exemple la mairesse Ada Colau a mis en place une régulation du nombre des hébergements. Amsterdam a validé l’interdiction pure et simple de locations sur des plateformes telles que AirBnB.

La ville de Dubrovnik a décidé de réduire le nombre de tables dans les restaurants.

D’autres méthodes plus originales ont été retenues : A Rome des règles de bonne conduite ont été instituées à l’intention des visiteurs. A Kyoto, il est désormais interdit de prendre en photo les Geishas.

La France ne déroge pas à la règle. Le Sénat a demandé aux maires d’adopter à l’unanimité des mesures pour enrayer la surfréquentation. Elisabeth Blanchet, journaliste, en témoigne sur le sitevoyageons-autrement.com

En ce qui concerne le touriste lui-même, quelles sont ses nouvelles aspirations ?

De nombreuses voix se prononcent pour un tourisme durable et préconisent des choix différents tels que : limiter ses déplacements en avion, éviter les croisières, voyager hors saison ou réduire l’usage du plastique.

Et surtout respecter le patrimoine culturel du pays d’accueil.

Par ailleurs le succès croissant des gîtes et des chambres d’hôtes semble dénoter une certaine quête d’authenticité. Le touriste moderne délaisse aussi bien les grands complexes hôteliers classiques que les voyages organisés et standardisés.

Il s’agit en somme, de privilégier un tourisme plus serein et responsable, un tourisme qui préserve à la fois l’environnement et la personne humaine.

* Certains internautes chinois comprennent le nom officiel de l’OMS pour Covid-19 comme « (Chinese) Communist Output Virus In December 2019 » (Le Virus exporté par le Parti communiste chinois (PCC) en décembre 2019)

Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.