Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Nature. Redonner vie à la terre grâce à l’agriculture régénérative

SAVOIR > Nature

Depuis des millénaires, l’homme retourne la terre pour semer. Du bâton néolithique aux tracteurs modernes, les techniques de labour ont profondément transformé les sols. Mais ce progrès a un prix : appauvrissement, déséquilibres biologiques et terres devenues stériles. Aujourd’hui, certains agriculteurs, comme Stéphane Deytard, réinventent leur métier pour redonner vie à la terre.

Pendant des millénaires, l’homme a retourné la terre pour nourrir sa famille, sa communauté, puis des nations entières. Du bâton du Néolithique au tracteur moderne, les outils ont évolué, les rendements ont explosé. Mais aujourd’hui, un constat s’impose : les sols sont fatigués, parfois morts. Un héritage de pratiques agricoles intensives qui, en voulant faire toujours plus, ont fini par détruire ce qui faisait la richesse du sol.

Redonner vie à la terre grâce à l’agriculture régénérative
Charrue au travail, tirée par deux bœufs, l'homme les dirigeant à l'aide d'une longue gaule. Miniature datant de 1440, musée Condé, Chantilly. (Image : wikimedia / Paul Limbourg, Hermann Limbourg and Jean Limbourg / Domaine public)

Les effets de l’agriculture intensive sur les sols

Autrefois, lorsque la terre produisait moins, elle était mise en jachère ou remplacée par une autre parcelle. Aujourd’hui, la société exige des rendements toujours plus élevés, quitte à jeter la surproduction. Les terres sont cultivées sans relâche, avec pour conséquence un appauvrissement progressif.

Au début, les rendements augmentent. Mais avec le temps, les sols s’épuisent. L’usage d’OGM résistants au Roundup a même favorisé l’émergence de « mauvaises herbes » elles aussi devenues résistantes, rendant certains champs incultivables.

Redonner vie à la terre grâce à l’agriculture régénérative
L’amaranthus retroflexus envahit les champs américains traités au Roundup. (Image : Layla / Flickr)

Le microbiologiste Claude Bourguignon, pionnier de l’étude de la vie des sols, alerte depuis les années 1980 sur les effets destructeurs du labour profond. Le sol grouille de vie, souvent invisible, mais d’une richesse biologique immense. Or les organismes de surface sont aérobiques (ils ont besoin d’oxygène), tandis que ceux des couches profondes sont anaérobiques. En retournant le sol, on tue les uns comme les autres. Claude Bourguignon explique ces mécanismes dans ses ouvrages Le sol, la terre et les champs ou Manifeste pour une agriculture durable.

L’appauvrissement des sols ne vient pas seulement du labour. L’utilisation massive d’engrais, de pesticides, de fongicides et d’herbicides contribue également à la mort progressive des terres cultivables. C’est pourquoi il faut souvent entre deux et cinq ans pour purger un sol et le convertir à l’agriculture biologique. En Suisse, 16,5 % de l’agriculture est bio, contre seulement 10 % en France. Cette transition demande du temps, de la formation et une nouvelle approche du métier.

Redonner vie à la terre grâce à l’agriculture régénérative
Une terre riche en humus produit des plantes saines et résistantes. (Image : sedrik 2007/ Envato)

L’agriculture sans labour est une alternative pleine d’espoir

L’association Suisse Régénérative développe une agriculture régénérative, une pratique qui vise à restaurer des sols vivants et fertiles. Le sol produit plusieurs espèces en même temps, car la diversité des racines nourrit les micro-organismes et favorise la fertilité. De plus, les cultures mixtes, les engrais verts et les sous-semis protègent le sol et stimulent la vie souterraine. Cela soutient une diversité microbienne essentielle à la santé du sol. Moins de travail mécanique signifie plus de stabilité biologique.

Redonner vie à la terre grâce à l’agriculture régénérative
Les mauvaises herbes comme le rumex ou le chardon sont difficiles à éradiquer. (Images : wikimédia / Rumex arifolius / Kilom 691 / Domaine public et wikimedia / Illustration Cirsium arvense0 / Domaine public))

Gestion adaptée à chaque sol selon ses spécificités physiques et chimiques

Stéphane Deytard, référent romand de Suisse Régénérative, estime qu’il faut environ cinq ans pour atteindre un premier niveau de régénérescence. Durant cette période, les rendements sont faibles et les « mauvaises herbes » comme les chardons ou le rumex peuvent proliférer. Chaque parcelle a ses particularités : un même champ peut présenter à un bout un sous-sol argileux profond et à l’autre seulement 30 cm de terre arable sur de la moraine. Il analyse régulièrement ses champs pour apporter à la terre les éléments qui lui manquent. 

Par l’échange avec d’autres agriculteurs et des années de pratique, il a développé un savoir-faire qu’il partage volontiers. Il est agriculteur biologique depuis 2010 et a commencé l’agriculture régénérative en 2013. Il a dû modifier son matériel agricole, ce qui représente un investissement important.

Son travail mêle tradition et modernité. Il utilise les dernières technologies, notamment des analyses régulières du sol et des plantes pour ajuster les apports selon les besoins. Le but est de créer un équilibre biologique dans la terre. Il utilise des biostimulants comme les ferments lactiques, qui favorisent le quorum sensing , un mécanisme de coordination microbienne. Lorsque les microbes sont assez nombreux, ils coopèrent pour renforcer la santé du sol et des plantes.

Avec les années, cette technique améliore la structure du sol, sa fertilité et sa résilience face aux stress (sécheresse, maladies...).

Stéphane Deytard utilise aussi un GPS pour semer avec précision ses sous-semis. Cette technique consiste à semer une culture secondaire sous la culture principale. Discrète au début, elle se développe après la récolte, couvrant le sol, le protégeant, et stimulant la vie microbienne grâce à ses racines.

Redonner vie à la terre grâce à l’agriculture régénérative
Un champ avec plusieurs espèces améliore la structure du sol. (Image : rozum / Envato)

Cette démarche améliore la qualité de la terre. Lorsqu’elle atteint 5 à 6 % d’humus, elle peut produire des plantes de qualité, résistantes aux maladies et aux ravageurs. De plus, un sol vivant retient mieux l’eau, ce qui permet aussi de recharger les nappes phréatiques.

Rien de magique là-dedans. Juste une vision, celle d’un sol qu’on respecte, qu’on nourrit et qui nous le rend bien. Une révolution, non pas spectaculaire, mais silencieuse… qui commence juste sous nos pieds.

Suisse Régénérative propose des formations continues et dès cet automne, un abonnement pour une formation sous forme de vidéo-conférences, questions réponses qui seront aussi accessibles dans une bibliothèque pour revoir les conférences manquées afin de permettre au plus grand nombre de se former à cette méthode prometteuse. 

Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.

Pour améliorer votre expérience, nous (et nos partenaires) stockons et/ou accédons à des informations sur votre terminal (cookie ou équivalent) avec votre accord pour tous nos sites et applications, sur vos terminaux connectés.
Accepter
Rejeter