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Histoire. Il y a plus d’un siècle : la naissance de la première république d’Asie, la République de Chine (3/3)

CHINE ANCIENNE > Histoire

Une transition du pouvoir pacifique sans précédent

Les élites quittaient Pékin en masse, ce qui a aggravé les crises et a accéléré la chute de la dynastie Qing. Mais à la fin, un phénomène historique inédit s’est produit : la dynastie Qing s’est achevée d’une manière pacifique grâce au compromis entre la cour et les révolutionnaires. Le premier pays républicain en Asie, la République de Chine (Taïwan), est ainsi né sans sacrifier la vie des milliers de Chinois ordinaires.

Pékin, l’exode des élites

La crise financière s’est accompagnée d’un exode des élites depuis Pékin. Les gens préparaient un budget pour leur départ vers Tianjin, une ville très proche de Pékin, ou Shanghai. Comme Shanghai, Tianjin avait une zone de concession qui était surpeuplée de Pékinois et beaucoup ne pouvaient même pas trouver un toit, tel que Yan Fu, un des traducteurs les plus célèbres dans l’histoire de la Chine, qui a fini par loger dans un petit hôtel. Comme il avait une bonne relation avec des étrangers, l’un d’eux lui prêta une maison se trouvant à côté de Tianjin, dans la ville de Yantai.

À cette époque, Tianjin était entièrement occupée et le prix des logements avait flambé. Certains Pékinois ne pouvaient pas rester à Tianjin, ils vivaient donc dans deux endroits à Pékin, l’un dans le quartier des ambassades à Dongjiaominxiang et l’autre était le Grand Hôtel des Wagons-Lits.

Une autre solution était l’exode vers Shanghai où on voyait des Chinois en provenance des quatre coins de la Chine. Le prix des logements et du riz à Shanghai est devenu prohibitif. La surpopulation à Shanghai et à Tianjin a encore aggravé la crise financière dans ces villes.

Derrière la crise financière et l’exode se cachait la panique, et des rumeurs couraient partout dans le pays. La fin de la dynastie Qing peut être attribuée autant à la pluie qu’aux rumeurs. La plupart des nouvelles qui paraissaient dans les journaux étaient fausses. Les nouvelles de victoires révolutionnaires circulaient facilement dans le sud, alors que des journaux rapportant la victoire des soldats Qing étaient sabotés.

Beaucoup ont inscrit quotidiennement dans leur journal intime ces rumeurs qui se sont toutes réalisées plusieurs jours plus tard. Par exemple, les gens avaient écrit « Taiyuan est occupé par les révolutionnaires » ou « Xi’an est occupé », ils sont devenus des faits une semaine plus tard.

La dynastie Qing a pris fin non seulement en raison de problèmes financiers et de la fermeture des banques, mais aussi parce que le trésor impérial était à court d’argent et connaissait des difficultés financières.

Une grande nation ne peut pas s’en sortir quand ses caisses sont vides. Où est passé tout l’argent ? De nombreux princes et ministres avaient de l’argent chez eux, mais seul le trésor de la dynastie Qing n’en avait pas. Au moment le plus difficile, il n’y avait que 200 000 pièces d’argent dans les caisses et de nombreux ministères ont été fermés parce qu’ils n’avaient aucun moyen de payer les salaires, tandis que le ministère des finances essayait sans cesse de trouver des moyens pour emprunter de l’argent.

Lorsque le deuxième gendre de l’illustre Sheng Xuanhuai, qui travaillait au ministère de la justice, a quitté Pékin, il n’avait pas d’argent pour payer son départ car le ministère avait cessé de verser les salaires. Après 45 jours d’attente, il a finalement réussi à obtenir 200 pièces d’argent, mais le prix des billets des bateaux avait augmenté entre temps et son budget n’était plus suffisant. Il a finalement emprunté 450 pièces d’argent chez un prêteur sur gage de Tianjin pour enfin partir vers le sud à Shanghai, mais cela lui a pris beaucoup de temps.

Un compromis triparti passif sans précédent a permis de sauver la vie à beaucoup de Chinois

Plus tard, Yuan Shikai a forcé l’impératrice douairière Longyu à renoncer à son argent privé, à plusieurs reprises, mais après avoir reçu l’énorme somme d’argent, il a toujours refusé d’aller à la guerre. Pourquoi la dynastie Qing n’a-t-elle pas fini dans un bain de sang, et pourquoi le Nord et le Sud n’ont-ils pas connu une guerre massive, mais seulement des batailles acharnées à Wuhan, Nanjing et Shaanxi ? La raison en est que Yuan Shikai n’a jamais eu réellement l’intention de s’impliquer dans la guerre.

Yuan Shikai avait déjà réfléchi : s’il devait se battre contre les révolutionnaires du Sud, même s’il gagnait, il tuerait un millier de ses ennemis et blesserait 800 des siens, et la cour impériale aurait toujours affaire à lui. Pour les révolutionnaires du Sud, même après que Sun Yat-sen ait établi un gouvernement provisoire à Nanjing, ils n’avaient pas d’argent. L’une des principales raisons pour lesquelles les deux camps ne se sont pas affrontés était les difficultés financières du Nord et du Sud et le refus des pays étrangers de leur prêter de l’argent.

Jamais auparavant dans l’histoire de la Chine, une dynastie n’avait résolu une crise politique et un changement social aussi importants par le compromis. Les trois parties ont été amenées à faire un compromis, permettant à la dynastie Qing de connaître une fin pacifique et d’accepter un nouvel arrangement républicain.

Au final, la révolution Xinhai n’a pas été résolue par la violence, mais par un compromis entre toutes les parties. Beaucoup de gens n’étaient pas contents d’un tel résultat passif. Cependant, la passivité est l’état normal du développement historique, tandis que l’initiative est un accident de l’histoire, et il y a toujours un facteur passif derrière une initiative. Il n’y a rien de mal à la passivité.

La décision de l’impératrice douairière Longyu était peut-être une décision réactive, mais elle a permis d’éviter la mort non naturelle de millions de Chinois. Bien que Yuan Shikai ait été brièvement couronné empereur quelques années plus tard, son choix à l’année Xinhai était le bon. Ce choix ne devait pas être négligé simplement parce qu’il devenait empereur quelques années plus tard. Sans Yuan Shikai, on ne sait pas combien d’autres vies innocentes auraient été sacrifiées dans la révolution Xinhai.

Sun Yat-sen, Huang Xing, Song Jiao-ren et les révolutionnaires de la Société de l’alliance de Chine et de la Société de restauration ont fait un énorme sacrifice. Bien que leur pouvoir soit très faible et qu’ils courent souvent de défaite en défaite, ils ont fait preuve de courage et de sacrifice pour instaurer la première république d’Asie - la République de Chine (Taïwan).

Lorsqu’ils contrôlaient Nankin, ils auraient pu envoyer des troupes pour combattre Yuan Shikai jusqu’à la mort, mais ils ne l’ont pas fait. Ils étaient prêts à faire un compromis et à remettre le gouvernement de Nankin, permettant à Yuan Shikai de devenir le président provisoire de la République de Chine et à l’impératrice douairière Longyu d’annoncer son abdication. Ce compromis qui n’était pas satisfaisant, voire à peine acceptable, pour les trois parties, a permis d’épargner de nombreuses vies de Chinois ordinaires.

Le but d’une révolution n’est pas de permettre à un seul camp de gagner. Après des décennies ou des siècles, nous savons que la victoire n’est pas si importante, parce que moins il y a de victoires, moins il y a de sacrifices, et nous préférons ne pas être victorieux.

Ainsi, si l’on regarde de près la Chine d’il y a un siècle : dans une société où les fonctionnaires occupaient une place centrale depuis des milliers d’années, Sun Yat-sen et Huang Xing étaient prêts à renoncer à leur pouvoir et à tirer leur révérence, c’est du jamais vu. Les trois parties étaient passives dans le compromis de la fin de la dynastie Qing, mais leur choix a donné au peuple chinois une petite victoire.

Aujourd’hui, lorsque nous regardons la Chine d’il y a cent ans, si nous voulons vraiment voir l’histoire telle qu’elle était, nous devons croire aux faits historiques, revenir au point d’origine de l’histoire et redonner à l’histoire sa véritable version, car l’authenticité est la vie de l’histoire. C’est dans l’histoire que nous pouvons trouver notre passé et c’est dans l’histoire que nous trouverons notre véritable avenir.

Rédacteur Yi Ming

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