Chaque année, lorsque arrive la fête de la mi-automne, des millions de Chinois lèvent les yeux vers la pleine lune en pensant à ses habitants légendaires. Chang’e l’immortelle du palais lunaire, le lièvre de jade pilant l’élixir d’immortalité et Wu Gang condamné à abattre éternellement un arbre magique : ces trois légendes millénaires racontent des histoires d’amour, de sacrifice et de destinée céleste qui ont donné naissance à l’une des plus grandes célébrations traditionnelles de Chine. Découvrez les récits enchanteurs qui continuent de fasciner le monde entier.
Chaque année, le 15ème jour du 8ème mois lunaire marque la fête de la mi-automne (Zhongqiu Jie 中秋节). En 2025, elle tombe le 6 octobre. Depuis 2008, la Chine continentale en a fait un jour férié officiel. Taiwan célèbre également cette fête avec un jour de congé, tandis qu’à Hong Kong, c’est le lendemain, le 16ème jour du 8ème mois lunaire, qui est férié.
Les origines mythiques de la fête de la mi-automne : Chang’e s’envole vers la lune
Quand la pleine lune illumine le ciel d’automne, on se souvient naturellement de l’ancienne légende de Chang’e s’envole vers la lune (Chang’e ben yue 嫦娥奔月), récit familier transmis de génération en génération. Comme le disait un poète : « Les hommes d’aujourd’hui ne voient pas la lune d’autrefois, mais la lune d’aujourd’hui a éclairé les anciens ». Que s’est-il donc passé en ces temps reculés ?
Chang’e ben yue est avant tout une histoire spirituelle, profondément ancrée dans la culture divine chinoise. Cette légende existe en plusieurs versions, celle présentée ici s’inspire de la représentation de Shen Yun.
Dans les temps anciens vivait un jeune héros au cœur pur et juste nommé Hou Yi (后羿). Il épousa une femme d’une grande beauté et d’une nature vertueuse appelée Chang’e (嫦娥). Au-delà de leur bonheur conjugal, tous deux aspiraient ardemment à la Voie.

La Reine-Mère de l’Ouest (西王母 Xiwangmu), touchée par leur sincérité spirituelle, leur offrit un élixir d’immortalité. Lorsqu’ils atteindraient la plénitude de leur cultivation et feraient face à une calamité, ils pourraient consommer cet élixir pour s’envoler vers les cieux et quitter le monde terrestre.
Un jour, dix soleils apparurent simultanément dans le ciel, provoquant la ruine des récoltes et plongeant le peuple dans la famine et la détresse. Face à cette catastrophe, Chang’e et Hou Yi se souvinrent des instructions de la Reine-Mère de l’Ouest. Chang’e but la moitié de l’élixir, mais au moment où elle tendait l’autre moitié à son époux, celui-ci la renversa accidentellement. Cependant, Hou Yi comprit immédiatement qu’il avait une mission à accomplir : il devait rester dans le monde mortel, sur terre, pour sauver le monde.
Sans hésiter, Hou Yi renonça à sa propre vie et au bonheur d’être avec son épouse, partit gravir les monts Kunlun pour chercher auprès des immortels le moyen d’accomplir sa mission. Les immortels lui confièrent un arc et des flèches divins. Du sommet des monts Kunlun, il abattit neuf des dix soleils. Alors qu’il s’apprêtait à décocher sa dernière flèche, Chang’e le rejoignit et le supplia de laisser un soleil pour éclairer la terre et permettre la vie.
Leur mission accomplie, Chang’e, ayant déjà bu l’élixir, ne pouvait plus demeurer dans le monde mortel. Par une nuit de pleine lune, elle s’envola seule vers le palais lunaire. Hou Yi comprit que c’était la volonté du Ciel, et que nul ne peut défier le destin céleste. Il dressa alors un autel, y déposa des fleurs et des fruits frais, et honora de loin son épouse bien-aimée dans le palais de la lune. Cette nuit était précisément le 15ème jour du 8ème mois lunaire.
Lorsque le peuple apprit que Chang’e était devenue immortelle, tous dressèrent des autels sous la lune pour rendre hommage à celle qui, dans sa bonté, leur avait sauvé la vie, priant pour la paix et la prospérité. C’est ainsi que naquit la coutume d’« honorer la lune à la mi-automne ».
Avec le temps, d’autres légendes lunaires sont venues enrichir le folklore de la fête de la mi-automne, révélant d’autres mystérieux habitants de la lune.
Wu Gang abat l’osmanthus
Le Huainanzi (淮南子), ouvrage de la dynastie Han occidentale (206 av. J.-C. - 9 ap. J.-C.) compilé par Liu An (刘安), mentionne : « Il y a un osmanthus sur la lune ». Plus tard, sous la dynastie Tang (618-907), Duan Chengshi (段成式) écrivit dans son Youyang zazu (酉阳杂俎, Recueil d’histoires étranges et de légendes) : « Les anciens disaient que sur la lune se trouvent un osmanthus et un crapaud. Dans les livres étranges, il est dit que l’osmanthus lunaire mesure cinq cents zhang de haut, et qu’en dessous se tient un homme qui l’abat sans cesse, mais l’arbre se referme aussitôt. Cet homme s’appelle Wu Gang (吴刚), originaire de Xihe sous les Han. Ayant commis une faute dans son apprentissage de l’immortalité, il fut condamné par l’Empereur de Jade à une punition éternelle : abattre un arbre qui se referme aussitôt après chaque coup de hache, rendant sa tâche impossible à accomplir. » Tel le Sisyphe de la mythologie grecque condamné à pousser éternellement son rocher, Wu Gang ne pourra jamais quitter la lune.

Le grand poète Li Bai (李白, 701-762) de la dynastie Tang écrivit également : « Je souhaite abattre l’osmanthus lunaire, pour le donner en bois de chauffage aux personnes souffrant du froid » (欲斫月中桂,持为寒者薪 yù zhuó yuè zhōng guì, chí wéi hán zhě xīn). Cette légende de Wu Gang était donc largement répandue dans la culture populaire.
Le lièvre de jade pile l’élixir
Sous la dynastie Tang, Yuan Zhen (元稹, 779-831) relata dans son Yuefu (乐府, poème de style folklorique): « Le lièvre de jade (玉兔 Yutu), agenouillé depuis longtemps, pile des pilules de crapaud qu’il offre sur un plateau de jade à Sa Majesté ; celui qui prend ces pilules peut devenir immortel ».
Selon la légende, sur la lune vit un lièvre blanc comme le jade qui, année après année, pile des herbes pour créer des pilules magiques. Ces pilules, une fois offertes à l’Empereur de Jade, permettent à ceux qui ont atteint la plénitude spirituelle de s’élever vers les royaumes célestes.
Conclusion
Ces trois légendes millénaires ont façonné l’une des plus belles célébrations de la culture chinoise. Chaque année, en dégustant des gâteaux de lune et en admirant l’astre nocturne, des millions de personnes à travers le monde perpétuent ces récits enchanteurs. La fête de la mi-automne transcende ainsi les frontières et les générations, portant en elle la sagesse ancestrale et les valeurs éternelles de réunion familiale, de gratitude et d’harmonie avec le cosmos.
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